Vieillissement et chutes : par Jean Dubousset de l'Académie de Médecine

La station debout et la marche résultent d'un alignement ostéo-articulaire harmonieux qui se maintient dans le mouvement grâce à une commande neurologique automatique, réflexe, modulée, volontaire, acquise par un apprentissage dans l'enfance et qui s'accompagne d'ailleurs de nombreuses chutes à cet âge. La perte de cette fonction, progressive ou soudaine, fortuite ou accidentelle définit la chute, favorisée par le vieillissement.


L'allongement de la durée de vie de la population est associé à une augmentation continuelle du nombre de chutes liées à l'âge.
 
On estime qu'un tiers de la population de plus de 65 ans et la moitié de celle de plus de 80 ans chutent au moins une fois par an, ces chutes étant la cause de 90% des fractures observées à ces âges qui sont pour beaucoup le début de la perte d'autonomie.
 
70.000 fractures de l'extrémité supérieure du fémur ont été observées en 2010 et 150.000 sont prévisibles en 2050. Les conséquences vitales de ces chutes restent importantes (20 à 30% de mortalité à deux ans sont encore observées chez le sujet âgé après fracture du col du fémur malgré les progrès considérables de l'anesthésie, des techniques chirurgicales et de la gériatrie).
 
Sans parler des conséquences personnelles et sociétales, les coûts sont en augmentation constante. Pour les 70.000 fractures du col du fémur observées en 2010, le coût estimé avoisinait le milliard d'euros.
 
Les recommandations de la Haute autorité de santé d'octobre 2009 (« avoir chuté et être âgé de 80 ans ») étant limitées à un âge avancé, toutes ces raisons amènent l'Académie nationale de médecine à formuler les recommandations suivantes, différentes selon qu'elles s'adressent à un patient ayant déjà chuté ou à un sujet n'ayant pas chuté, mais entrant dans la deuxième moitié de son existence.

Vieillissement et chutes : par Jean Dubousset de l'Académie de Médecine
A- Si le patient est vu après la première chute, le médecin traitant doit être conscient de la gravité possible des causes de cet accident.

Il s'efforcera :


1/ de corriger les facteurs extrinsèques en conseillant au patient des aménagements de son logement ;
 
2/ de rechercher une cause favorisante par un examen médical approfondi des fonctions sensorielles et sensitives (vision, audition, équilibre, proprioception), du système nerveux, du squelette, du coeur et des vaisseaux et de la fonction rénale, un bilan de l'état nutritionnel et endocrinien, et, enfin, la recherche d'addictions et de prise médicamenteuse excessive. Au terme de ce bilan, il conseillera ou prescrira les mesures de correction et de prévention découlant des résultats des examens précédents.
 
B : Si le patient n'a pas encore chuté, c'est à partir de 45 ans, âge de début de la presbytie que tout patient, mais aussi tout médecin doit penser au risque de chutes et recommander :

1/ un examen de la vision par un ophtalmologiste
 
2/ une auto-évaluation de l'équilibre effectuée par le patient grâce à des manoeuvres simples : appui monopodal alternativement droit puis gauche pendant 5 secondes les yeux ouverts , marche de 4 mètres devant s'effectuer en 4 secondes avec, comme conséquence en cas d'anomalie l'envoi du patent à un médecin spécialisé en ORL, médecine physique , chirurgie orthopédique , ou neurologie ;
 
3/ la pratique régulière et disciplinée d'une activité musculaire suffisante de façon répétée (6) telle la marche 1/2h par jour (moitié rapide et moitié modérée), le vélo, la natation, la danse individuelle ou collective, la gymnastique de santé comme le Tai Chi )avec un chaussage approprié, l'apprentissage de la chute de même que celui du passage de la position assise au sol à la position debout particulièrement recommandés ;
 
4/ le maintien d'une activité intellectuelle, ludique, artistique ou professionnelle le plus longtemps possible ;
 
5/ un apport nutritionnel quotidien correct en protéines (1g/kg/), calcium (1200mg) et vitamine D (800 à 1200 UI au fur et à mesure du vieillissement) ;
 
6/ La limitation et la réduction de l'usage répétitif des médicaments psycholeptiques, anxiolytiques et hypnotiques (benzodiazépines), antalgiques, voire anticoagulants, ainsi que les poly-médications dans les maladies chroniques avec le souci de réserver les prescriptions aux seuls médicaments indispensables en choisissant des substances à action courte après avoir soupesé bénéfice thérapeutique et risque d'effets indésirables, ce qui est particulièrement évident avec les prescriptions hormonales à ne retenir que dans des cas clairement sélectionnés ;
 
7/ la prise en charge des suites de toute maladie ou accident survenus à un moment quelconque de la vie, avec l'aide des spécialistes compétents, doit être effective dans le but de retrouver une fonction la plus proche possible de l'état antérieur à l'accident..
 
Les municipalités et les entreprises de transport doivent prévoir les aménagements urbains nécessaires à la prévention des chutes (rampes, escaliers mécaniques, sols non glissants). Afin de sensibiliser la population au risque de chutes et à ses conséquences considérables en termes de santé publique, un spot Télé de dépistage, voire une journée nationale consacrée à ce problème, pourrait être proposée au Ministère de la santé.
 
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Publié le 23/06/2014 à 09:36 | Lu 1292 fois