Vieillissement en milieu rural et agricole : les premiers constats du programme AMI

Le groupe de retraite complémentaire Agrica a présenté cette semaine les premiers constats d’une vaste étude lancée en 2007 auprès de mille retraités agricoles. Intitulée AMI (Agrica, MSA et IFR99), elle analysera sur cinq ans le vieillissement en milieu agricole et rural et en particulier les phénomènes de dépendance, afin d’identifier les spécificités et les inégalités de santé du milieu rural par rapport au milieu urbain. Grâce à cette enquête, on peut d’ores et déjà remarquer que « la dépendance est plus forte qu’en ville », que « la santé y est plus fragile », mais que « la satisfaction des conditions de vie reste élevée ». Détails.


Les premières données publiées cette semaine permettent déjà de dégager des tendances nettes : la dépendance sévère concerne moins de 10% des personnes de la cohorte, mais reste supérieure à celle constatée en ville ; les soucis de santé (obésité, hypertension, déficiences auditives) touchent un retraité sur quatre, quant aux déficiences visuelles elles concernent plus de la moitié de l’échantillon (56.4%) ; et enfin, plus des deux-tiers (67%) des sondés s’estiment satisfaits de leurs conditions de vie malgré un sentiment d’isolement.

Le projet AMI
Le programme de recherche AMI* examine les maladies liées à l’âge en termes de prévalence, d’incidence et de facteurs de risque. Il doit permettre d’identifier les spécificités du monde agricole et rural, et d’apporter des réponses aux inégalités éventuellement constatées. AMI devrait également contribuer au développement de la recherche sur les maladies neurodégénératives et la dépendance, en cohérence avec le Plan Alzheimer encouragé par les pouvoirs publics. À ce titre, la Direction Générale de la Santé s’est récemment associée au projet AMI et va financer un programme de recherche complémentaire sur l’altération tissulaire dans les stades précoces de la maladie d’Alzheimer sur la cohorte (AMI-MAGE). Le lancement est prévu d’ici fin 2008.

Plus concrètement, AMI porte sur une cohorte de 1.000 retraités agricoles de plus de 65 ans habitant l’une des 270 communes rurales du département de la Gironde. 30% d’entre eux étaient exploitants agricoles et 70% salariés. Sept champs d’étude sont passés au crible : épidémiologie de pathologies liées à l’âge (parkinson, diabète, cancers, démences, Alzheimer dépression…), vieillissement fonctionnel, nutrition, pharmaco-épidémiologie, psychologie, aspects démo-géographiques, vie sociale et relation à l’environnement. L’étude s’échelonnera sur cinq ans. Rendez-vous sera ainsi donné chaque année par le Groupe Agrica pour mettre à jour les données et partager les évolutions mises en exergue par l’étude.

Les premiers constats 2008, au 26 novembre de cette année :

- 976 retraités des 1.000 de la cohorte ont reçu leur première visite (tous auront été visités d’ici février 2009)
- 312 bilans gérontologiques ont été conduits et notent un âge moyen des retraités de la cohorte à 76 ans, avec 39% de femmes et 25% des personnes vivant seules.

AMI montre que la dépendance concerne moins de 10% des personnes de la cohorte, mais qu’elle reste supérieure à celle constatée en ville.

- 8.3% présentent un trouble de l’autonomie sévère pour les activités de la vie quotidienne.
- 12% des retraités agricoles interrogés restent confinés à leur domicile ou au quartier et proche voisinage – contre 3% en zone urbaine.
- 67% présentent des difficultés de mobilité (contre 48% en ville).

Le sentiment d’isolement reste rare (9%) : plus 67% s’estiment satisfait de leurs conditions de vie. Près de 50 % des retraités agricoles interrogés estiment être en bonne santé. Et ils ont de bonnes habitudes en matière de suivi médical : moins de 1% de la cohorte (99%) ne consulte jamais de médecin. Plus de 60% en voient un tous les mois ou tous les deux mois.

Pourtant, les visites médicales menées dans le cadre d’AMI ont montré que les soucis de santé (obésité, hypertension, déficiences visuelles et auditives) touchaient un retraité sur quatre.
- 29% présentent une obésité

Étonnamment, ces personnes sont en meilleure santé que les populations identiques vivant en ville. L’exercice physique qu’ils ont durant toute leur vie active et les habitudes de vie maintenues à l’âge de la retraite sont l’un des facteurs explicatifs de cette différence ville vs campagne.

- 30% présentent une hypertension artérielle (chiffre tout à fait comparable à celui obtenu en milieu urbain)
- Près de 26% présentent des problèmes d’essoufflement, a priori en relation avec un surpoids
- 56% ont une déficience visuelle, parmi lesquels 9% n’ont aucune correction
- 22% ont une déficience auditive modérée à sévère mais seulement 8% la corrigent
- 23% ont des problèmes dentaires parmi lesquels 40% n’ont pas de prothèse dentaire

Les intéressés évoquent un manque de ressources pour recourir à des appareils adaptés. L’équipe de recherche a constaté que les populations agricoles consultent un médecin et traitent avant tout des pathologies prises en charge par la Sécurité Sociale et pour lesquels les taux de remboursement sont élevés. Le médecin généraliste joue néanmoins un rôle clé dans la sensibilisation des populations à la survenance de déficits sensoriels.

*Conduite par une équipe de l’Université de Médecine de Bordeaux II, sous la direction et responsabilité de Jean-François Dartigues, professeur de Santé Publique, l’étude AMI est la première étude longitudinale (cinq ans) et multidisciplinaire (onze domaines de recherche) menée auprès de populations agricoles et rurales.

Publié le 27/11/2008 à 11:00 | Lu 8369 fois





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