L’histoire
Dans une comédie romantique, un homme et une femme s’aiment mais tout les oppose. Alors, malgré la force des sentiments, ils se séparent pour mieux se retrouver.
C’est ce qui va arriver à Mary et Adam. Mais Mary et Adam n’ont pas les habituels vingt ou trente ans, ils en ont presque soixante. Cette soixantaine élégante et dynamique de notre époque. Celle qui gère brillamment enfants, petits-enfants, travail et amis avec son cortège de soucis ou de joies.
Jusqu’au jour où ils réalisent qu’ils font désormais partie de la catégorie senior… à leur grande surprise… Et ils réagissent de façon tout à fait opposée.
Adam est frénétique, dans l’action et le déni. Il a une crise de « jeunisme ».
Mary, elle, décide d’affronter la situation en faisant ce qu’elle sait faire de mieux : s’occuper de son mari et de sa famille. Mais sa volonté de bien faire est excessive. Et sa « préparation à la vieillesse » effraye son entourage.
Bientôt, le clash est inévitable et la séparation inéluctable. Enfants, petits-enfants, parents et amis vont tenter de les réconcilier… mais c’est finalement la vie qui va s’en charger…
Dans une comédie romantique, un homme et une femme s’aiment mais tout les oppose. Alors, malgré la force des sentiments, ils se séparent pour mieux se retrouver.
C’est ce qui va arriver à Mary et Adam. Mais Mary et Adam n’ont pas les habituels vingt ou trente ans, ils en ont presque soixante. Cette soixantaine élégante et dynamique de notre époque. Celle qui gère brillamment enfants, petits-enfants, travail et amis avec son cortège de soucis ou de joies.
Jusqu’au jour où ils réalisent qu’ils font désormais partie de la catégorie senior… à leur grande surprise… Et ils réagissent de façon tout à fait opposée.
Adam est frénétique, dans l’action et le déni. Il a une crise de « jeunisme ».
Mary, elle, décide d’affronter la situation en faisant ce qu’elle sait faire de mieux : s’occuper de son mari et de sa famille. Mais sa volonté de bien faire est excessive. Et sa « préparation à la vieillesse » effraye son entourage.
Bientôt, le clash est inévitable et la séparation inéluctable. Enfants, petits-enfants, parents et amis vont tenter de les réconcilier… mais c’est finalement la vie qui va s’en charger…
Rencontre avec Julie Gavras, scénariste et réalisatrice
D’où est parti le désir de Trois fois 20 ans ?
Il y a dix ans, est sorti Amen. Avec ce film, mon père (ndlr : Costa-Gavras) a fait le tour du monde et des festivals, et à chaque fois, ils en profitaient pour faire une rétrospective de son œuvre. Au bout d’un an, j’ai commencé à trouver ça très angoissant… C’était à la fois extraordinaire pour lui de se rendre compte qu’il était si apprécié mais en même temps, ça faisait très fin de vie, genre « il a fait son dernier grand beau film » !
L’idée de raconter une histoire sur ce sujet s’est concrétisée quand, rebelote, à l’occasion des quarante ans de Z, on lui a rendu des honneurs partout. Là je me suis dit qu’il fallait faire une histoire avec ça. Autour du fait qu’à un moment de votre vie c’est le regard des autres qui vous fait sentir vieux plutôt que l’état dans lequel on se trouve réellement.
Alors j’ai imaginé la vie de cet architecte à qui on remet un prix pour l’ensemble de sa carrière et toutes les aventures rocambolesques qui en découlent. Parce que lui tout comme mon père ont avant tout envie de continuer à travailler sans que leur âge leur pose problème.
Pourquoi un architecte ?
Un architecte ça ressemble un peu à un metteur en scène dans sa façon de travailler. Il y a le même mélange de véritable création artistique et de prise en compte de données techniques et financières parfois lourdes. Et il y a le suivi des chantiers et pour la vie de famille ça ressemble à un tournage...
Je me suis inspirée de Paul Andreu, un architecte que j’aime beaucoup, et qui a démarré tôt sa carrière, ce qui est rare dans cette génération. Comme William dans le film, il n’a fait que des aéroports pendant longtemps : Abu Dhabi, Charles de Gaulle 1 et 2... Tout comme on dit que mon père fait toujours le même genre de films… Ces parallèles m’amusaient, de même que de faire coïncider le couronnement de l’ensemble de son œuvre avec la proposition de concevoir des maisons de retraite !
Et l’envie de traiter le thème du temps qui passe sous le mode de la comédie romantique ?
Ce que j’avais comme idée n’était bon que pour un début, il fallait que je trouve une façon de la développer. Et comme j’adore les comédies romantiques, je me suis dit que cela ferait un très bon « cadre » : le couple que tout oppose, le déroulement du récit avec un cheminement balisé, avec des temps forts comme la rencontre, l’amour, le déchirement, la séparation et les retrouvailles. Je ne partais pas d’un livre comme pour mon premier film, mais les conventions propres au genre me donnaient des repères rassurants. Évidemment, ce qui nous a le plus amusés avec Olivier Dazat, le co-scénariste, c’est de reprendre ce cadre, ces codes pour mieux les détourner. Parce que dans ce genre d’histoire, les protagonistes ont plutôt 20 ou 30 ans que 50 presque 60…
Vous avez donc co-écrit le scénario avec Olivier Dazat…
Pour La faute à Fidel, j’avais écrit toute seule d’après le livre et Olivier Dazat était intervenu comme consultant. Ce scénario original en revanche, je ne me sentais pas de l’écrire toute seule, et puis j’avais moins peur de « partager l’écriture » avec quelqu’un. Olivier est donc intervenu tout de suite. J’écrivais des pages, je les lui faisais lire, on en discutait et je repartais travailler. C’est bien d’avoir un interlocuteur, les idées naissent plus vite. Et puis Olivier a 50 ans, il avait connu des situations de vie très utiles pour le sujet…
Comment s’est fait le choix d’Isabella Rossellini et William Hurt pour incarner Mary et Adam ?
À partir du moment où l’âge était le sujet du film, je ne voulais pas tricher avec celui des acteurs ! Je voulais deux acteurs qui ont l’âge d’Adam et Mary mais ne le font pas. Comme tous les gens de 60 ans aujourd’hui.
Isabella, ça a été évident tout de suite car un jour, j’ai découvert qu’elle réalisait Green porno, une série de petits films d’une minute sur la sexualité des insectes. Dans un décor très joli de carton-pâte, cette femme de plus de 50 ans est déguisée en insecte, avec un justaucorps et des yeux en carton pour faire la mouche ! Elle y fait preuve d’une telle liberté et tranquillité avec son corps et son âge que je me suis dit qu’elle serait parfaite pour le rôle. Je savais que ça ne serait pas un problème de lui faire dire qu’elle approche 60 ans, âge souvent critique pour beaucoup de comédiennes.
William Hurt, c’est autre chose. La première fois où je suis allée toute seule au cinéma, c’était pour voir Le baise de la femme araignée, qu’il interprète de manière tellement extraordinaire. Il fait partie des stars avec lesquelles j’ai découvert le cinéma. C’est un très grand acteur, à la fois romantique et imposant, voire effrayant. Ce qui était parfait pour incarner ce père mis sur un piédestal par sa famille.
J’aimais aussi l’idée qu’Isabella et William n’aient jamais tourné ensemble, que ce soit la première fois qu’ils soient en couple. J’avais envie de cet inédit.
Comment avez-vous travaillé avec eux ?
On a fait quinze jours de répétitions à Londres avant le tournage. C’était une demande de William. Je n’avais pas fait ça pour mon premier film car les rôles principaux étaient joués par des enfants et j’avais peur de casser leur spontanéité. Là c’était d’autant plus nécessaire que le tournage était court. Ça nous a permis d’imaginer ensemble leur longue histoire de couple, l’histoire de la famille. C’était important car c’est une famille multiculturelle avec une mère italienne, un père d’origine américaine et trois enfants anglais du fait d’être nés et d’avoir grandi à Londres. C’est durant ces répétitions que j’ai pris la décision d’italianiser cette famille... Isabella a appris quelques gestes typiquement italiens à ses « enfants » et on a changé le prénom de la fille. Elle s’appelait Irène et elle est devenue Giulia…
Vous mettre dans la tête de Mary vous est venu naturellement ou vous avez questionné des femmes de cet âge ?
Depuis Amen, j’ai pas mal observé et questionné autour de moi. Le coup des lunettes quand Mary se maquille par exemple, on me l’a raconté, je n’y aurais jamais pensé moi-même. Ou encore l’exaspération quand un de vos enfants vous tend la main pour vous aider à vous lever… Et pour me donner des idées de scènes, je lis beaucoup de choses avant d’écrire : des romans, des essais, des articles… Je m’étais même abonnée à un magazine pour retraités : Senior plus. Pendant deux ans, on l’a reçu à la maison, mon conjoint n’en pouvait plus !
En général, quand on aborde la crise du couple, c’est par le biais de l’usure du désir physique. Mary et Adam, eux, s’entendent encore très bien au lit…
Oui, c’était très important car s’ils ne s’étaient plus entendus au lit, ils n’auraient plus pu s’entendre nulle part ! Tout le reste aurait découlé de cette usure et on ne se serait plus intéressé à leur problème spécifique : leur façon radicalement opposée d’aborder l’approche de la soixantaine.
Il y a aussi la fraîcheur du personnage le plus âgé : Nora, la mère excentrique de Mary…
Ça fait partie du plaisir de faire évoluer une famille, avec toutes ses absurdités. Nora dit que c’est bon, elle s’est occupée de deux générations, ça suffit ! Pour jouer cette grand-mère exubérante, on est partis sur des actrices très connues. Et puis un jour, Doreen Mantle est arrivée au casting avec sa doudoune, une paire de lunettes sur le front et une autre sur les yeux. Elle venait de faire une pub, elle était à la bourre, s’emmêlait avec les pages du scénario… Quand je l’ai vue, avant même qu’elle ait prononcé un mot, je me suis dit que c’était elle.
Même quand vos personnages se retrouvent dans des situations cocasses ou ridicules, comme Mary dans cette piscine, vous les regardez toujours avec tendresse, ils ne sont jamais pathétiques.
J’ai toujours du mal dans les films quand le metteur en scène n’aime pas ses personnages. Mais dans mon travail, je ne me pose même pas cette question de l’empathie car je me projette naturellement dans les personnages. Bien sûr qu’ils sont mis dans des situations absurdes ou cruelles, voire horribles comme lors de la scène dans l’organisme humanitaire. Mais plus une situation est horrible, plus elle peut être drôle…
Une petite fille dans La faute à Fidel, des sexagénaires dans Trois fois vingt ans… Vous « ne faites jamais votre âge » !
Oui, ce décalage me permet de me cacher et m’amuse mais au bout du compte, le point de vue de la petite fille de La faute à Fidel et celui de Mary dans Trois fois vingt ans sont les miens. Mes personnages ont tous un point commun : ils abordent une nouvelle période de leur vie et cherchent leur place dans leur famille, dans la société, dans le regard des autres, dans leur propre regard. Et ce « comment trouver sa place » est un questionnement qui m’est proche, qui m’agite encore et toujours…
Propos recueillis par Claire Vassé
Il y a dix ans, est sorti Amen. Avec ce film, mon père (ndlr : Costa-Gavras) a fait le tour du monde et des festivals, et à chaque fois, ils en profitaient pour faire une rétrospective de son œuvre. Au bout d’un an, j’ai commencé à trouver ça très angoissant… C’était à la fois extraordinaire pour lui de se rendre compte qu’il était si apprécié mais en même temps, ça faisait très fin de vie, genre « il a fait son dernier grand beau film » !
L’idée de raconter une histoire sur ce sujet s’est concrétisée quand, rebelote, à l’occasion des quarante ans de Z, on lui a rendu des honneurs partout. Là je me suis dit qu’il fallait faire une histoire avec ça. Autour du fait qu’à un moment de votre vie c’est le regard des autres qui vous fait sentir vieux plutôt que l’état dans lequel on se trouve réellement.
Alors j’ai imaginé la vie de cet architecte à qui on remet un prix pour l’ensemble de sa carrière et toutes les aventures rocambolesques qui en découlent. Parce que lui tout comme mon père ont avant tout envie de continuer à travailler sans que leur âge leur pose problème.
Pourquoi un architecte ?
Un architecte ça ressemble un peu à un metteur en scène dans sa façon de travailler. Il y a le même mélange de véritable création artistique et de prise en compte de données techniques et financières parfois lourdes. Et il y a le suivi des chantiers et pour la vie de famille ça ressemble à un tournage...
Je me suis inspirée de Paul Andreu, un architecte que j’aime beaucoup, et qui a démarré tôt sa carrière, ce qui est rare dans cette génération. Comme William dans le film, il n’a fait que des aéroports pendant longtemps : Abu Dhabi, Charles de Gaulle 1 et 2... Tout comme on dit que mon père fait toujours le même genre de films… Ces parallèles m’amusaient, de même que de faire coïncider le couronnement de l’ensemble de son œuvre avec la proposition de concevoir des maisons de retraite !
Et l’envie de traiter le thème du temps qui passe sous le mode de la comédie romantique ?
Ce que j’avais comme idée n’était bon que pour un début, il fallait que je trouve une façon de la développer. Et comme j’adore les comédies romantiques, je me suis dit que cela ferait un très bon « cadre » : le couple que tout oppose, le déroulement du récit avec un cheminement balisé, avec des temps forts comme la rencontre, l’amour, le déchirement, la séparation et les retrouvailles. Je ne partais pas d’un livre comme pour mon premier film, mais les conventions propres au genre me donnaient des repères rassurants. Évidemment, ce qui nous a le plus amusés avec Olivier Dazat, le co-scénariste, c’est de reprendre ce cadre, ces codes pour mieux les détourner. Parce que dans ce genre d’histoire, les protagonistes ont plutôt 20 ou 30 ans que 50 presque 60…
Vous avez donc co-écrit le scénario avec Olivier Dazat…
Pour La faute à Fidel, j’avais écrit toute seule d’après le livre et Olivier Dazat était intervenu comme consultant. Ce scénario original en revanche, je ne me sentais pas de l’écrire toute seule, et puis j’avais moins peur de « partager l’écriture » avec quelqu’un. Olivier est donc intervenu tout de suite. J’écrivais des pages, je les lui faisais lire, on en discutait et je repartais travailler. C’est bien d’avoir un interlocuteur, les idées naissent plus vite. Et puis Olivier a 50 ans, il avait connu des situations de vie très utiles pour le sujet…
Comment s’est fait le choix d’Isabella Rossellini et William Hurt pour incarner Mary et Adam ?
À partir du moment où l’âge était le sujet du film, je ne voulais pas tricher avec celui des acteurs ! Je voulais deux acteurs qui ont l’âge d’Adam et Mary mais ne le font pas. Comme tous les gens de 60 ans aujourd’hui.
Isabella, ça a été évident tout de suite car un jour, j’ai découvert qu’elle réalisait Green porno, une série de petits films d’une minute sur la sexualité des insectes. Dans un décor très joli de carton-pâte, cette femme de plus de 50 ans est déguisée en insecte, avec un justaucorps et des yeux en carton pour faire la mouche ! Elle y fait preuve d’une telle liberté et tranquillité avec son corps et son âge que je me suis dit qu’elle serait parfaite pour le rôle. Je savais que ça ne serait pas un problème de lui faire dire qu’elle approche 60 ans, âge souvent critique pour beaucoup de comédiennes.
William Hurt, c’est autre chose. La première fois où je suis allée toute seule au cinéma, c’était pour voir Le baise de la femme araignée, qu’il interprète de manière tellement extraordinaire. Il fait partie des stars avec lesquelles j’ai découvert le cinéma. C’est un très grand acteur, à la fois romantique et imposant, voire effrayant. Ce qui était parfait pour incarner ce père mis sur un piédestal par sa famille.
J’aimais aussi l’idée qu’Isabella et William n’aient jamais tourné ensemble, que ce soit la première fois qu’ils soient en couple. J’avais envie de cet inédit.
Comment avez-vous travaillé avec eux ?
On a fait quinze jours de répétitions à Londres avant le tournage. C’était une demande de William. Je n’avais pas fait ça pour mon premier film car les rôles principaux étaient joués par des enfants et j’avais peur de casser leur spontanéité. Là c’était d’autant plus nécessaire que le tournage était court. Ça nous a permis d’imaginer ensemble leur longue histoire de couple, l’histoire de la famille. C’était important car c’est une famille multiculturelle avec une mère italienne, un père d’origine américaine et trois enfants anglais du fait d’être nés et d’avoir grandi à Londres. C’est durant ces répétitions que j’ai pris la décision d’italianiser cette famille... Isabella a appris quelques gestes typiquement italiens à ses « enfants » et on a changé le prénom de la fille. Elle s’appelait Irène et elle est devenue Giulia…
Vous mettre dans la tête de Mary vous est venu naturellement ou vous avez questionné des femmes de cet âge ?
Depuis Amen, j’ai pas mal observé et questionné autour de moi. Le coup des lunettes quand Mary se maquille par exemple, on me l’a raconté, je n’y aurais jamais pensé moi-même. Ou encore l’exaspération quand un de vos enfants vous tend la main pour vous aider à vous lever… Et pour me donner des idées de scènes, je lis beaucoup de choses avant d’écrire : des romans, des essais, des articles… Je m’étais même abonnée à un magazine pour retraités : Senior plus. Pendant deux ans, on l’a reçu à la maison, mon conjoint n’en pouvait plus !
En général, quand on aborde la crise du couple, c’est par le biais de l’usure du désir physique. Mary et Adam, eux, s’entendent encore très bien au lit…
Oui, c’était très important car s’ils ne s’étaient plus entendus au lit, ils n’auraient plus pu s’entendre nulle part ! Tout le reste aurait découlé de cette usure et on ne se serait plus intéressé à leur problème spécifique : leur façon radicalement opposée d’aborder l’approche de la soixantaine.
Il y a aussi la fraîcheur du personnage le plus âgé : Nora, la mère excentrique de Mary…
Ça fait partie du plaisir de faire évoluer une famille, avec toutes ses absurdités. Nora dit que c’est bon, elle s’est occupée de deux générations, ça suffit ! Pour jouer cette grand-mère exubérante, on est partis sur des actrices très connues. Et puis un jour, Doreen Mantle est arrivée au casting avec sa doudoune, une paire de lunettes sur le front et une autre sur les yeux. Elle venait de faire une pub, elle était à la bourre, s’emmêlait avec les pages du scénario… Quand je l’ai vue, avant même qu’elle ait prononcé un mot, je me suis dit que c’était elle.
Même quand vos personnages se retrouvent dans des situations cocasses ou ridicules, comme Mary dans cette piscine, vous les regardez toujours avec tendresse, ils ne sont jamais pathétiques.
J’ai toujours du mal dans les films quand le metteur en scène n’aime pas ses personnages. Mais dans mon travail, je ne me pose même pas cette question de l’empathie car je me projette naturellement dans les personnages. Bien sûr qu’ils sont mis dans des situations absurdes ou cruelles, voire horribles comme lors de la scène dans l’organisme humanitaire. Mais plus une situation est horrible, plus elle peut être drôle…
Une petite fille dans La faute à Fidel, des sexagénaires dans Trois fois vingt ans… Vous « ne faites jamais votre âge » !
Oui, ce décalage me permet de me cacher et m’amuse mais au bout du compte, le point de vue de la petite fille de La faute à Fidel et celui de Mary dans Trois fois vingt ans sont les miens. Mes personnages ont tous un point commun : ils abordent une nouvelle période de leur vie et cherchent leur place dans leur famille, dans la société, dans le regard des autres, dans leur propre regard. Et ce « comment trouver sa place » est un questionnement qui m’est proche, qui m’agite encore et toujours…
Propos recueillis par Claire Vassé
Rencontre avec Isabella Rossellini, interprète de Mary
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler avec Julie Gavras ?
Les fortes personnalités m’attirent, de David Lynch à John Schlesinger, en passant par Guy Maddin. J’essaie de choisir des films réalisés par ce qu’il est convenu d’appeler des auteurs. Avec La faute à Fidel, Julie a déjà su montrer qu’elle était un véritable auteur, et ce film-là en apporte la confirmation. Elle est sincère et propose sa vision. Le mélange de sensibilité et d’humour touchera beaucoup de monde.
Qu’est-ce qui vous a séduite dans le scénario ?
Julie a su installer un côté tragi-comique typique des films européens, surtout ceux du Sud, qui savent combiner rires et larmes. Son film aborde des thèmes très forts : l’âge, la perception que nous en avons et le fait que personne n’est éternel. Il est question du temps qui nous reste et de ce que nous en faisons. Nous rencontrons mon personnage, Mary, au moment où elle est en train de prendre conscience de cela.
On a beau être prévenu dès notre enfance, cette échéance reste toujours un peu abstraite, jusqu’à ce qu’elle arrive. Mary en est là. À l’approche de la soixantaine, elle est rattrapée par cette réalité et veut faire en sorte que son mari et toute sa famille en prennent pleinement conscience. Ce scénario est extrêmement puissant parce qu’il aborde une situation grave avec beaucoup d’élégance, de tendresse et d’espoir. C’est une histoire très particulière qui trouve un écho universel et parle à chacun. J’ai été très impressionnée à la lecture. Julie est une grande réalisatrice, je n’ai aucun doute sur ce point. Il faut juste attendre que tout le monde s’en rende compte.
Comment définiriez-vous Mary, votre personnage ?
Bien que sa mère soit anglaise, tout comme son mari, et que ses enfants aient grandi dans le pays, Mary, étant née d’un père italien, a passé son enfance en Italie. Elle n’est donc pas typiquement une mère anglaise et cela lui apporte des nuances. Je pense qu’elle-même se définirait comme une mamma, une épouse, et la famille est la chose la plus importante de sa vie. Mary a ce côté latin européen.
Vous sentez-vous proche de ce personnage ?
Je suis italienne, même si ma mère était suédoise. Je n’avais donc rien, moi non plus, d’une mamma typique. Certainement à cause de cette culture, ou de ce mélange de cultures, j’ai immédiatement compris Mary et sa manière de se comporter avec les enfants. Mary m’est finalement très familière.
Le regard qu’elle porte sur la vie nous interpelle tous…
Il y a ce qu’elle a accompli et ce qu’il lui reste à faire. Elle a toujours soutenu son mari et ses enfants, mettant sa propre carrière entre parenthèses. Les femmes font souvent cela. Et puis tout à coup, Mary réalise qu’elle est plus proche de sa tombe que de ses 20 ans. Et elle s’aperçoit que notre société ne laisse pas de vraie place à ceux qui ont entre 60 et 80 ans, alors que beaucoup pourraient encore être utiles et ne demandent qu’à agir. Selon les pays, vous devez prendre votre retraite à 60 ou 65 ans et vous êtes toujours jeune, plein d’énergie. Qu’en faites-vous ? Quelle est votre vie ? Face à son époux qui va tenter de nier la réalité, Mary va essayer d’être réaliste et de réagir. C’est drôle, touchant et profondément humain.
Comment avez-vous travaillé avec Julie Gavras ?
Nous avons répété deux semaines, ce qui est très inhabituel. En général, vous avez une ou deux lectures du scénario, mais pas de répétitions comme pour une pièce de théâtre. Julie nous a demandé de venir quinze jours avant le tournage pour travailler avec William Hurt et toute l’équipe. Nous avons discuté de tout, de l’enfance de Mary, de la façon dont elle est arrivée en Angleterre, de sa rencontre avec Adam. Connaître l’histoire d’un personnage, même ce qui n’est pas à l’écran, vous aide à mieux le définir et le jouer. Julie était toujours là pour répondre aux innombrables questions que nous pouvions avoir. C’est son rôle et elle l’a très bien compris. Elle a pensé à tout.
Comment s’est déroulée votre collaboration avec William Hurt ?
C’est la première fois que nous jouons ensemble. C’est quelqu’un dont j’admire le travail et que j’ai découvert humainement. Il est vraiment très bon. Une grande partie du jeu consiste à réagir à votre partenaire, et travailler avec William est très facile. Notre première rencontre fut insolite. J’étais dans un avion et alors que je me dirigeais vers ma place, un type avec une grande barbe blanche m’a saisi le bras en me déclarant qu’il était mon mari. J’ai souri et j’ai continué mon chemin. Assise, je me suis alors demandé qui était cette personne étrange avec ses faux airs de Père Noël. Je ne l’avais pas reconnu, mais c’était William ! Il a patiemment attendu l’atterrissage pour revenir vers moi et me répéter qu’il était mon mari dans le film que nous allions tourner ! Cette rencontre lui ressemble, insolite et élégante. J’ai tout de suite été sous le charme, ce qui est un bon début pour jouer une femme amoureuse ! C’est un homme vrai et travailler avec lui fut passionnant. C’est un grand acteur.
Etes-vous sensible aux thèmes que soulève le film ?
L’histoire évoque le voyage qui permet de parvenir à maturité en traversant les différentes phases d’une existence. Un jour, William a demandé à Julie quel était le propos de son film, et elle a répondu qu’il s’agit de gens essayant de trouver leur place dans la vie. Légèrement, subtilement, le film aborde beaucoup de questions dont nous n’avons pas les réponses. Seule l’expérience partagée peut nous aider. Mary va finir par s’apercevoir qu’elle est une bonne personne et que sans être parfaite, elle fait ce qu’elle croit. Elle prend conscience qu’elle n’a pas trop mal accompli sa tâche et que sa famille ressemble à ce qu’elle souhaitait.
Trois fois vingt ans est-il un film de femmes ?
Certainement, mais en s’appuyant sur leur humanité plus que sur le simple féminisme. Le film est un point de vue de femme, celui de Julie, qui est peut-être plus intéressée par les relations entre les êtres, la famille, que peuvent l’être les réalisateurs masculins. Mais il faut se méfier des généralités. Le fait est qu’il est rare de trouver un bon film sur la vie et la famille, et que celui-ci en est un.
Les fortes personnalités m’attirent, de David Lynch à John Schlesinger, en passant par Guy Maddin. J’essaie de choisir des films réalisés par ce qu’il est convenu d’appeler des auteurs. Avec La faute à Fidel, Julie a déjà su montrer qu’elle était un véritable auteur, et ce film-là en apporte la confirmation. Elle est sincère et propose sa vision. Le mélange de sensibilité et d’humour touchera beaucoup de monde.
Qu’est-ce qui vous a séduite dans le scénario ?
Julie a su installer un côté tragi-comique typique des films européens, surtout ceux du Sud, qui savent combiner rires et larmes. Son film aborde des thèmes très forts : l’âge, la perception que nous en avons et le fait que personne n’est éternel. Il est question du temps qui nous reste et de ce que nous en faisons. Nous rencontrons mon personnage, Mary, au moment où elle est en train de prendre conscience de cela.
On a beau être prévenu dès notre enfance, cette échéance reste toujours un peu abstraite, jusqu’à ce qu’elle arrive. Mary en est là. À l’approche de la soixantaine, elle est rattrapée par cette réalité et veut faire en sorte que son mari et toute sa famille en prennent pleinement conscience. Ce scénario est extrêmement puissant parce qu’il aborde une situation grave avec beaucoup d’élégance, de tendresse et d’espoir. C’est une histoire très particulière qui trouve un écho universel et parle à chacun. J’ai été très impressionnée à la lecture. Julie est une grande réalisatrice, je n’ai aucun doute sur ce point. Il faut juste attendre que tout le monde s’en rende compte.
Comment définiriez-vous Mary, votre personnage ?
Bien que sa mère soit anglaise, tout comme son mari, et que ses enfants aient grandi dans le pays, Mary, étant née d’un père italien, a passé son enfance en Italie. Elle n’est donc pas typiquement une mère anglaise et cela lui apporte des nuances. Je pense qu’elle-même se définirait comme une mamma, une épouse, et la famille est la chose la plus importante de sa vie. Mary a ce côté latin européen.
Vous sentez-vous proche de ce personnage ?
Je suis italienne, même si ma mère était suédoise. Je n’avais donc rien, moi non plus, d’une mamma typique. Certainement à cause de cette culture, ou de ce mélange de cultures, j’ai immédiatement compris Mary et sa manière de se comporter avec les enfants. Mary m’est finalement très familière.
Le regard qu’elle porte sur la vie nous interpelle tous…
Il y a ce qu’elle a accompli et ce qu’il lui reste à faire. Elle a toujours soutenu son mari et ses enfants, mettant sa propre carrière entre parenthèses. Les femmes font souvent cela. Et puis tout à coup, Mary réalise qu’elle est plus proche de sa tombe que de ses 20 ans. Et elle s’aperçoit que notre société ne laisse pas de vraie place à ceux qui ont entre 60 et 80 ans, alors que beaucoup pourraient encore être utiles et ne demandent qu’à agir. Selon les pays, vous devez prendre votre retraite à 60 ou 65 ans et vous êtes toujours jeune, plein d’énergie. Qu’en faites-vous ? Quelle est votre vie ? Face à son époux qui va tenter de nier la réalité, Mary va essayer d’être réaliste et de réagir. C’est drôle, touchant et profondément humain.
Comment avez-vous travaillé avec Julie Gavras ?
Nous avons répété deux semaines, ce qui est très inhabituel. En général, vous avez une ou deux lectures du scénario, mais pas de répétitions comme pour une pièce de théâtre. Julie nous a demandé de venir quinze jours avant le tournage pour travailler avec William Hurt et toute l’équipe. Nous avons discuté de tout, de l’enfance de Mary, de la façon dont elle est arrivée en Angleterre, de sa rencontre avec Adam. Connaître l’histoire d’un personnage, même ce qui n’est pas à l’écran, vous aide à mieux le définir et le jouer. Julie était toujours là pour répondre aux innombrables questions que nous pouvions avoir. C’est son rôle et elle l’a très bien compris. Elle a pensé à tout.
Comment s’est déroulée votre collaboration avec William Hurt ?
C’est la première fois que nous jouons ensemble. C’est quelqu’un dont j’admire le travail et que j’ai découvert humainement. Il est vraiment très bon. Une grande partie du jeu consiste à réagir à votre partenaire, et travailler avec William est très facile. Notre première rencontre fut insolite. J’étais dans un avion et alors que je me dirigeais vers ma place, un type avec une grande barbe blanche m’a saisi le bras en me déclarant qu’il était mon mari. J’ai souri et j’ai continué mon chemin. Assise, je me suis alors demandé qui était cette personne étrange avec ses faux airs de Père Noël. Je ne l’avais pas reconnu, mais c’était William ! Il a patiemment attendu l’atterrissage pour revenir vers moi et me répéter qu’il était mon mari dans le film que nous allions tourner ! Cette rencontre lui ressemble, insolite et élégante. J’ai tout de suite été sous le charme, ce qui est un bon début pour jouer une femme amoureuse ! C’est un homme vrai et travailler avec lui fut passionnant. C’est un grand acteur.
Etes-vous sensible aux thèmes que soulève le film ?
L’histoire évoque le voyage qui permet de parvenir à maturité en traversant les différentes phases d’une existence. Un jour, William a demandé à Julie quel était le propos de son film, et elle a répondu qu’il s’agit de gens essayant de trouver leur place dans la vie. Légèrement, subtilement, le film aborde beaucoup de questions dont nous n’avons pas les réponses. Seule l’expérience partagée peut nous aider. Mary va finir par s’apercevoir qu’elle est une bonne personne et que sans être parfaite, elle fait ce qu’elle croit. Elle prend conscience qu’elle n’a pas trop mal accompli sa tâche et que sa famille ressemble à ce qu’elle souhaitait.
Trois fois vingt ans est-il un film de femmes ?
Certainement, mais en s’appuyant sur leur humanité plus que sur le simple féminisme. Le film est un point de vue de femme, celui de Julie, qui est peut-être plus intéressée par les relations entre les êtres, la famille, que peuvent l’être les réalisateurs masculins. Mais il faut se méfier des généralités. Le fait est qu’il est rare de trouver un bon film sur la vie et la famille, et que celui-ci en est un.
Rencontre avec William Hurt, interprète d’Adam
Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à ce projet ?
Le scénario. J’ai accepté tout de suite après l’avoir lu. J’ai aussi été sensible au fait que Julie traverse l’Atlantique pour venir m’en parler.
Qu’avez-vous ressenti en lisant le script ?
Bien que je l’aie lu en version anglaise –qui n’est pas sa langue d’origine–, il y avait beaucoup de vérité. Les émotions étaient là, à chaque page. Les mots de Julie trouvaient un écho en moi, ils sonnaient juste. J’ai tout de suite senti de quoi parlait le film : le temps qui passe alors que la vieillesse et la mort se profilent. L’histoire associait plusieurs générations, chacune dans leurs préoccupations et leurs identités, comme cela peut parfois se passer en musique. Il y avait quelque chose de mélodieux dans l’histoire, quelque chose de profondément humain.
Cette humanité est-elle importante pour vous ?
Je n’ai envie ni de perdre mon temps, ni de gâcher ma vie. J’ai besoin de ressentir, de trouver un sens à mon travail, et le seul moyen d’y parvenir est de rencontrer des projets qui abordent de vrais thèmes, loin de toute superficialité. Au cinéma, nous sommes confrontés à l’artifice de par la nature de notre métier. Cela nous amène d’autant plus à rechercher la vérité et une meilleure compréhension des choses, parce que nous avons besoin de comprendre la réalité pour faire notre travail.
Êtes-vous sensible aux thèmes du film ?
Qui ne le serait pas ? Une des scènes les plus importantes du film se déroule dans un cimetière. Même dans cet endroit-là, Julie et son histoire nous donnent de l’espoir. Nous finirons tous au cimetière. Ce film parle de vous et de moi. Je trouve remarquable de pouvoir aborder un sujet que bon nombre de personnes évitent.
À propos de Moby Dick, Herman Melville expliquait que son livre posait une question sur un paradoxe très humain. De mémoire, il disait : « Pourquoi les vivants s’acharnent-ils à réduire les morts au silence ? Les morts vivent en nous, et ainsi leur existence se poursuivra éternellement. Il n’y a donc rien de plus précieux que le moment présent. À la fois en mémoire de ceux qui ont été et pour nous- mêmes, car nous mourrons pour nos prochains ».
Je m’interroge depuis ma jeunesse. J’ai commencé ma carrière d’acteur avec le répertoire du théâtre classique, et les grandes questions sur la nature humaine y sont très présentes. Je me les suis toujours posées et suis heureux de pouvoir le faire à travers ce film. Avoir la chance d’aborder cette question essentielle, sublime et profonde, est une grande opportunité pour un artiste, et je suis content que Julie Gavras m’en ait donné la chance.
Votre personnage, Adam, semble ne pas vouloir admettre son âge…
C’est une des questions que le film pose. Comment est-il possible d’être en accord avec ce que nous devenons, quel que soit l’âge ? Comment ne pas succomber à la peur et à l’image de la vision que nous pouvons nous faire du futur ? Comment vivons-nous nos vies ? Pour avoir une chance de trouver les réponses, il faut beaucoup de courage. Grandir est un défi. La vie est brillante pour ceux qui l’acceptent.
Quel regard portez-vous sur le couple de Mary et Adam ?
Comme dans toute grande union, ils sont à la fois ensemble et séparés. Chacun accomplit un voyage personnel tout en restant une équipe. Cela me rappelle une remarque qui m’a été faite voilà quelques années : une relation n’est pas une addition. Une relation est une multiplication. Le film restitue cela, Mary et Adam ont chacun leur personnalité et pourtant ils forment un couple. C’est une nuance merveilleuse. Comment ce couple a-t-il réussi à s’engager sans que chacun ne perde sa propre personnalité ? Il en est ainsi, je crois, de toutes les grandes relations.
Vous reconnaissez-vous dans votre personnage ?
Je suis seulement un acteur. En jouant un personnage, je m’efforce de trouver en moi ce qui lui ressemble, mais cela ne me définit pas pour autant. Au début de la préparation du film, mes partenaires m’ont offert un petit livre intitulé « Cent une leçons apprises à l’école d’architecture ». J’avais auparavant dévalisé le rayon architecture de ma librairie pour me documenter, mais comme tous ces ouvrages m’intimidaient, j’ai d’abord pris ce cadeau qui me paraissait être le plus accessible. C’est un ouvrage remarquable. Page 101, j’y ai lu parmi une foule d’observations, que les architectes sont des « late bloomers ». Belle coïncidence, n’est-ce pas ? Alors, l’acteur est-il le personnage qu’il joue ? Quand des gens m’interpellent dans la rue et me parlent de la vision que je leur inspire, je leur réponds ne pas être celui qu’ils croient. Je m’identifie au personnage par le détail. Je le fais avec assez d’attention vis-à-vis de l’histoire et de manière à ce qu’il y ait une résonance avec les autres personnages. Le but est que le spectateur puisse s’identifier lui-même. C’est tout le secret du spectacle : aider les gens à reconnaître qui ils sont.
Comment avez-vous travaillé avec Isabella Rossellini ?
Les gens avec qui je préfère travailler sont ceux qui ont les pieds sur terre, qui sont eux-mêmes, bien dans leur peau. Isabella est remarquable, elle est toujours elle-même. À mon sens, jouer est un acte de générosité, de partage, et Isabella semble le voir de la même façon. Elle fait toujours preuve de conscience, je pense qu’elle a en partie hérité cela de ses parents. Être dans une scène avec elle est tout simplement un bonheur.
Ce film vous a-t-il aidé à trouver des réponses sur la vie ?
Chacun pourra y trouver des éléments qui le nourriront. Pour ma part, je me sens capable de mieux me confronter à ma propre mortalité, à mes choix
Trois fois vingt ans de Julie Gavras
Avec : William Hurt, Isabella Rossellini, Doreen Mantle, Kate Ashfield, Joanna Lumley, etc.
Sortie le 13 juillet 2011
Le scénario. J’ai accepté tout de suite après l’avoir lu. J’ai aussi été sensible au fait que Julie traverse l’Atlantique pour venir m’en parler.
Qu’avez-vous ressenti en lisant le script ?
Bien que je l’aie lu en version anglaise –qui n’est pas sa langue d’origine–, il y avait beaucoup de vérité. Les émotions étaient là, à chaque page. Les mots de Julie trouvaient un écho en moi, ils sonnaient juste. J’ai tout de suite senti de quoi parlait le film : le temps qui passe alors que la vieillesse et la mort se profilent. L’histoire associait plusieurs générations, chacune dans leurs préoccupations et leurs identités, comme cela peut parfois se passer en musique. Il y avait quelque chose de mélodieux dans l’histoire, quelque chose de profondément humain.
Cette humanité est-elle importante pour vous ?
Je n’ai envie ni de perdre mon temps, ni de gâcher ma vie. J’ai besoin de ressentir, de trouver un sens à mon travail, et le seul moyen d’y parvenir est de rencontrer des projets qui abordent de vrais thèmes, loin de toute superficialité. Au cinéma, nous sommes confrontés à l’artifice de par la nature de notre métier. Cela nous amène d’autant plus à rechercher la vérité et une meilleure compréhension des choses, parce que nous avons besoin de comprendre la réalité pour faire notre travail.
Êtes-vous sensible aux thèmes du film ?
Qui ne le serait pas ? Une des scènes les plus importantes du film se déroule dans un cimetière. Même dans cet endroit-là, Julie et son histoire nous donnent de l’espoir. Nous finirons tous au cimetière. Ce film parle de vous et de moi. Je trouve remarquable de pouvoir aborder un sujet que bon nombre de personnes évitent.
À propos de Moby Dick, Herman Melville expliquait que son livre posait une question sur un paradoxe très humain. De mémoire, il disait : « Pourquoi les vivants s’acharnent-ils à réduire les morts au silence ? Les morts vivent en nous, et ainsi leur existence se poursuivra éternellement. Il n’y a donc rien de plus précieux que le moment présent. À la fois en mémoire de ceux qui ont été et pour nous- mêmes, car nous mourrons pour nos prochains ».
Je m’interroge depuis ma jeunesse. J’ai commencé ma carrière d’acteur avec le répertoire du théâtre classique, et les grandes questions sur la nature humaine y sont très présentes. Je me les suis toujours posées et suis heureux de pouvoir le faire à travers ce film. Avoir la chance d’aborder cette question essentielle, sublime et profonde, est une grande opportunité pour un artiste, et je suis content que Julie Gavras m’en ait donné la chance.
Votre personnage, Adam, semble ne pas vouloir admettre son âge…
C’est une des questions que le film pose. Comment est-il possible d’être en accord avec ce que nous devenons, quel que soit l’âge ? Comment ne pas succomber à la peur et à l’image de la vision que nous pouvons nous faire du futur ? Comment vivons-nous nos vies ? Pour avoir une chance de trouver les réponses, il faut beaucoup de courage. Grandir est un défi. La vie est brillante pour ceux qui l’acceptent.
Quel regard portez-vous sur le couple de Mary et Adam ?
Comme dans toute grande union, ils sont à la fois ensemble et séparés. Chacun accomplit un voyage personnel tout en restant une équipe. Cela me rappelle une remarque qui m’a été faite voilà quelques années : une relation n’est pas une addition. Une relation est une multiplication. Le film restitue cela, Mary et Adam ont chacun leur personnalité et pourtant ils forment un couple. C’est une nuance merveilleuse. Comment ce couple a-t-il réussi à s’engager sans que chacun ne perde sa propre personnalité ? Il en est ainsi, je crois, de toutes les grandes relations.
Vous reconnaissez-vous dans votre personnage ?
Je suis seulement un acteur. En jouant un personnage, je m’efforce de trouver en moi ce qui lui ressemble, mais cela ne me définit pas pour autant. Au début de la préparation du film, mes partenaires m’ont offert un petit livre intitulé « Cent une leçons apprises à l’école d’architecture ». J’avais auparavant dévalisé le rayon architecture de ma librairie pour me documenter, mais comme tous ces ouvrages m’intimidaient, j’ai d’abord pris ce cadeau qui me paraissait être le plus accessible. C’est un ouvrage remarquable. Page 101, j’y ai lu parmi une foule d’observations, que les architectes sont des « late bloomers ». Belle coïncidence, n’est-ce pas ? Alors, l’acteur est-il le personnage qu’il joue ? Quand des gens m’interpellent dans la rue et me parlent de la vision que je leur inspire, je leur réponds ne pas être celui qu’ils croient. Je m’identifie au personnage par le détail. Je le fais avec assez d’attention vis-à-vis de l’histoire et de manière à ce qu’il y ait une résonance avec les autres personnages. Le but est que le spectateur puisse s’identifier lui-même. C’est tout le secret du spectacle : aider les gens à reconnaître qui ils sont.
Comment avez-vous travaillé avec Isabella Rossellini ?
Les gens avec qui je préfère travailler sont ceux qui ont les pieds sur terre, qui sont eux-mêmes, bien dans leur peau. Isabella est remarquable, elle est toujours elle-même. À mon sens, jouer est un acte de générosité, de partage, et Isabella semble le voir de la même façon. Elle fait toujours preuve de conscience, je pense qu’elle a en partie hérité cela de ses parents. Être dans une scène avec elle est tout simplement un bonheur.
Ce film vous a-t-il aidé à trouver des réponses sur la vie ?
Chacun pourra y trouver des éléments qui le nourriront. Pour ma part, je me sens capable de mieux me confronter à ma propre mortalité, à mes choix
Trois fois vingt ans de Julie Gavras
Avec : William Hurt, Isabella Rossellini, Doreen Mantle, Kate Ashfield, Joanna Lumley, etc.
Sortie le 13 juillet 2011