Tribune : un manque cruel de structures d'accompagnement à la mobilité des seniors en France

Le Cercle des Partenaires Engagés, créé en mai 2022 à l’initiative de Wimoov milite pour le passage d’un modèle curatif à un modèle préventif autour des problématiques de la mobilité des seniors et publie aujourd’hui une tribune. A la veille de la publication de la feuille de route « Grand âge » par le Ministère des Solidarités, ce groupe attire l’attention sur le manque cruel de structures d’accompagnement à la mobilité des seniors en France et sur les impacts sur leur santé physique et psychologique.


Alarmés par la situation des seniors et l’absence d’évolution de leur mobilité, nous, les signataires de la tribune, souhaitons informer le plus grand nombre de la situation, des innovations et des solutions envisagées.
 
En 2040, un habitant sur quatre aura 65 ans ou plus. Nous ne sommes pas prêts. Nous devons créer un nouvel imaginaire collectif autour de la vieillesse. Nous devons changer de paradigme et sortir de la stigmatisation, changer notre regard et donc nos habitudes.
 
C’est pourquoi nous militons pour le passage d’un modèle curatif à un modèle inclusif et préventif autour des problématiques de mobilité des seniors.
 
Face au défi du vieillissement de la société, au constat de l’isolement et de la précarité des seniors, à une dépendance à l’usage individuel de la voiture thermique incompatible avec les enjeux de transition énergétique et entrainant des risques notamment en termes de sécurité routière chez les personnes âgées, nous appelons tous les acteurs à s’engager.
 
La construction d’une société du bien vieillir pour toutes et tous nécessite à la fois la mobilisation des acteurs d’accompagnements des séniors et ceux de la mobilité.
 
Si l’objectif dominant pour les seniors est le maintien à domicile dans des conditions autonomes, pour autant nous ne devons pas « assigner à résidence » les personnes âgées.
 
Commençons par prendre en compte la mobilité des seniors. Nous sommes convaincus que cela passera par la sensibilisation à l’échelle nationale permettant la mise en place de moyens opérationnels et financiers.
 
Nous devons nous saisir des possibilités ouvertes par la LOM : nous souhaitons rendre obligatoire la compétence de mobilité inclusive et y intégrer la problématique de mobilité des seniors.
 
Pour accompagner tous les publics aux problématiques des seniors, il s’agirait d’intégrer un volet mobilité des seniors dans les projets de lois et les délégations de service public.
 
La proposition de loi pour « bâtir une société du bien vieillir » doit être l’occasion de pousser les enjeux de formation de l’ensemble des parties prenantes aux problématiques de mobilité des seniors.
 
Aujourd’hui, ce manque de connaissances et de conscience de la réalité des problématiques de mobilité des seniors fait que nous ne pouvons pas penser l’accompagnement adéquat. C’est pourquoi nous devons créer de nouveaux métiers dédiés à l’accompagnement mobilité des seniors.
 
Pour faire de la mobilité des seniors un axe prioritaire de décision des politiques publiques, il nous faut avant tout créer un comité interministériel en charge de la mobilité inclusive et débloquer une ligne budgétaire.
 
Nous devons changer structurellement la manière dont nous percevons le fait d’être senior, afin d’anticiper les ruptures de la vie et lutter contre les risques d’isolement des personnes âgées. La prévention est la clé pour accompagner les seniors dans leurs changements de vie et donc de mobilité.
 
C’est pourquoi nous appelons à systématiser le diagnostic mobilité dans les consultations médicales de prévention aux 3 « âges clés de la vie » et ajouter une consultation à 70-75 ans pour mettre en place les solutions curatives nécessaires.
 
Plus généralement, nous devons penser autrement notre rapport à la mobilité. Par définition, la  mobilité est un vecteur de lien social et de lutte contre l’isolement. Nous devons donc faire notre priorité de la lutte contre le renoncement, qui se traduit par un isolement beaucoup plus prononcé chez les seniors que parmi les autres tranches d’âges : 1 personne sur 6 de plus de 65 ans ne sort de chez elle que 2 à 3 jours par semaine.
 
Pour autant, nous sommes convaincus que la dépendance à la voiture individuelle thermique, particulièrement pour les publics seniors, est un problème. Nous pensons aussi que la transition énergétique ne doit pas se faire au détriment de l’inclusion sociale.
 
Ainsi, pour maintenir du lien social et lutter contre l’isolement, mais aussi pour assurer les services de santé ou administratifs, nous voulons encourager le développement des solutions de l’aller vers et de la mobilité inversée.
 
Enfin, l’accessibilité doit être placée au cœur des plans d’aménagements territoriaux, en partant des besoins des usagers seniors, pour que le « bien circuler » soit un axe majeur du « bien vieillir ».
 
Nous sommes convaincus que s’il n’y a pas une solution unique, et si nous voulons pérenniser le changement à une échelle globale, nous devons co-construire les solutions de mobilité inclusive
nécessaires à cette société du bien vieillir.
 
En s’appuyant sur la richesse et la diversité des territoires, nous appelons à mettre en cohérence les programmes existants, à généraliser les initiatives solidaires locales, à les faire changer d’échelle. Les opérateurs de territoires, les entreprises, les mutuelles, les collectivités, les porteurs de projet innovants, les réseaux de solidarité informelle, les associations … Nous avons besoin de tous les acteurs.
 
La LOM a institué un comité des partenaires : ouvrons-le à des représentants des usagers seniors ! En partant des besoins des usagers les plus fragiles, nous permettrons à toutes et à tous, sur tous les territoires, d’avoir accès à une mobilité plus simple et durable.
 
La transition énergétique et le vieillissement de la population ne sont pas des sujets qui peuvent attendre. Il nous faut dès à présent anticiper ces changements afin de prévenir et d’adapter nos  territoires, notre société, nos pratiques de mobilité.
 
Nous avons fait exister le droit à la mobilité dans  la LOM. Rendons-le effectif. Rendons-le inclusif. Saisissons l’opportunité du projet de construction de  la société du bien vieillir pour poser les bases d’une conception universelle de la mobilité inclusive.

 
Cette tribune a été publiée dans Newstank le 11 juillet 2023. 
 
Tribune co-signée par ADEME, MACIF, Melissa Petit, sociologue de MIXING GENERATION, Tatiana Stoica, doctorante en sciences de gestion, BETA, Université de Lorraine, et Wimoov, membres du Cercle des Partenaires Engagés.

Publié le 13/07/2023 à 07:47 | Lu 7155 fois