Tako-Tsubo : attention aux peines de coeur !

Selon une étude de l’Insee publiée en décembre 2015, la vie en couple est de plus en plus fragilisée. Ainsi, en quinze ans, le nombre de ruptures sentimentales a bondi de 63% : entre 2009 et 2012, près de 253.000 couples se sont séparés chaque année (vs 155.000 entre 1993 et 1996). Or ces séparations peuvent entrainer un fameux Tako-Tsubo, un syndrome cardio-vasculaire aigu et méconnu. Une attention particulière doit être portée aux femmes ménopausées.


Pour les hommes, et plus encore pour les femmes, les conséquences d’une séparation entraînent des modifications importantes au quotidien. Elle s’accompagne souvent d’une baisse du niveau de vie et d’un stress émotionnel aigu potentiellement nuisible à la santé cardiaque. Dans ce contexte, la Fédération Française de Cardiologie (FFC) a décidé, à quelques jours de la Saint-Valentin 2016, de mettre en garde contre les effets du stress émotionnel qui peuvent déclencher le syndrome du coeur brisé, le fameux « Tako-Tsubo » et provoquer des symptômes graves, proches de l’infarctus.
 
Rappelons que le Tako-Tsubo, maladie du muscle cardiaque, a été décrit pour la première fois au Japon dans les années 1990. Encore largement méconnue, cette pathologie peut se révéler mortelle. Récemment des chercheurs de l’université de Zurich ont publié* des conclusions scientifiques sur ce syndrome : le taux de mortalité de cette maladie de Tako-Tsubo (3,7%) serait presque aussi élevé que celui des crises cardiaques dues à un infarctus du myocarde (5,3%). Il concerne environ 2% des hospitalisations pour infarctus du myocarde et son diagnostic sera un diagnostic d’élimination une fois l’infarctus écarté par l’angiographie des coronaires.
 
Selon cette étude, les chocs émotionnels (perte d’un être cher, rupture amoureuse…) souvent associée à une fatigue intense (épuisement moral et physique) sont des facteurs déclencheurs du Tako-Tsubo dans 27,7% des cas. Les femmes en sont les premières victimes car leurs artères, particulièrement sensibles aux effets du stress, se spasment plus facilement.
 
Comme le précise le communiqué de la FFC, les femmes ménopausées sont les premières victimes du « coeur brisé ». De fait, le Tako-Tsubo, touche surtout les femmes, essentiellement après la ménopause (neuf femmes pour un homme), les femmes n’étant plus protégées par leurs hormones relaxantes, les oestrogènes. « Parmi les symptômes, beaucoup peuvent évoquer une crise cardiaque : essoufflement brutal, douleur brutale dans la poitrine, arythmie, perte de connaissance, malaise vagal », rappelle le professeur Claire Mounier-Vehier, Présidente de la Fédération Française de Cardiologie.
 
Ce syndrome n'est pas provoqué par une obstruction classique des artères coronaires, qui amènent le sang au coeur. Une partie du coeur, sous l’effet d’une libération massive d’hormones du stress -les catécholamines-, ne se contracte quasiment pas. Il se ballonne et prend une forme d’amphore (Tako- Tsubo veut dire « piège à poulpe » en japonais). Il peut s’en suivre des troubles du rythme ventriculaires parfois graves avec menace de mort subite, une insuffisance cardiaque aigüe, des caillots de sang dans le coeur inerte qui peuvent ensuite migrer dans la circulation sanguine et provoquer d’autres accidents artériels en cascade (AVC par exemple).
 
Les chercheurs ne peuvent pas encore expliquer pourquoi cette maladie semble toucher essentiellement les femmes ménopausées. L’implication des récepteurs aux oestrogènes spécifiques chez la femme est toutefois mise en avant par nombre d’entre eux. En revanche, le mécanisme du Tako-Tsubo est désormais connu. .
 
« Une femme de plus de cinquante ans, ménopausée, en situation de rupture, ne doit surtout pas sous-estimer les premiers symptômes liés à un stress émotionnel aigu. Le syndrome de Tako-Tsubo mime un infarctus du myocarde et le diagnostic sera le plus souvent porté après une batterie d’examens complémentaires dont l’angio coronarographie fait en urgence. Certains parlent d’ailleurs de « faux infarctus de stress » » ajoute le Professeur Claire Mounier-Vehier.
 
La Fédération Française de Cardiologie rappelle qu’il est important de consulter et d’avertir son médecin, son gynécologue ou son cardiologue, les symptômes peuvent être dus au Tako-Tsubo. Ce syndrome nécessite un diagnostic rapide pour éviter des répercutions graves pour le coeur et permettre une prise en charge adaptée. La prise en charge initiale doit être rapide en unité de soins intensifs cardiologiques, avec une prise en charge en urgence comparable à celle de l’infarctus du myocarde. L’électrocardiogramme, l’échographie cardiaque et les tests sanguins (dosages répétés de la troponine) peuvent ne pas suffire à différencier formellement en urgence l’infarctus du myocarde et le syndrome du coeur brisé. Une angio coronarographie avec étude du ventricule gauche et une IRM cardiaque (constatant des lésions spécifiques) sont indispensables pour conforter le diagnostic de syndrome de Tako-Tsubo.
 
Le traitement médical de cette insuffisance cardiaque aigue doit être instauré en urgence au moment de l’épisode initial en associant une prévention des complications. Ce traitement sera poursuivi quelques mois sous stricte surveillance du cardiologue et du médecin traitant jusqu’à la récupération, souvent complète, de la fonction du coeur.
 
*le 3 septembre 2015 dans la revue New England Journal of Medecine

Publié le 20/01/2016 à 01:00 | Lu 3998 fois