Spasme coronaire : un défi diagnostique et thérapeutique

Dans le cadre des 28èmes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie qui se tiendront du 17 au 20 janvier 2018 au Palais des Congrès de Paris avec comme fil conducteur cette année, le thème « Coeur, Vaisseaux et Métabolismes », le Dr Benoît Lattuca de Nîmes fait le point sur le défi diagnostique et thérapeutique que représente le spasme coronaire.





Bien plus rare que l’athérosclérose (amenant à une sténose coronaire), le spasme coronaire, en diminuant le débit coronaire, reste l’une des principales causes d’hypoperfusion myocardique. Sa prévalence est difficile à évaluer avec précision devant un diagnostic largement sous-estimé et souvent secondaire à des errances diagnostiques (avec près de 60 % de coronarographies annoncées initialement « normales »).
 
Le développement du spasme coronaire est secondaire à l’association d’une dysfonction endothéliale et d’une hyperréactivité des cellules musculaires lisses dont les stimuli peuvent être multiples. Ces derniers peuvent être médicamenteux, pharmacologiques mais surtout toxiques avec en particulier le tabac et la prise de cocaïne.
 
Bien que de diagnostic difficile, la présentation clinique joue un rôle prépondérant avec une douleur thoracique oppressante, parfois prolongée, de repos, particulièrement nocturne ou au petit matin, et pouvant être déclenchée par une hyperventilation. Cette douleur est habituellement résolutive sous dérivés nitrés ou inhibiteurs calciques contrairement aux bétabloquants qui ont tendance à augmenter les crises.
 
Bien qu’il reste encore controversé aujourd’hui, le test de provocation reste néanmoins un critère diagnostique fort. L’induction pharmacologique d’un spasme coronaire est ainsi définie par une occlusion ou subocclusion (> 90 %) d’une artère coronaire de manière transitoire. La constatation d’un spasme de plus faible intensité avec une sténose artérielle plus limitée ne doit donc pas conduire au diagnostic de spasme coronaire. Le spasme peut atteindre plusieurs troncs dans un tiers des cas, avec une prédominance d’atteinte de la coronaire droite.
 
La définition isolée du spasme angiographique est difficile à appréhender. En effet, de nombreuses études montrant des différences dans les protocoles et les posologies d’injection, pouvaient amener au diagnostic de spasme dans plus de 30% des cas.
 
Il est habituellement réalisé par une injection intraveineuse lente de methylergométrine (0,4 mg) bien que la voie intracoronaire soit possible à des posologies plus faibles (0,06 mg). Quel que soit le mode d’administration choisi, il doit s’ensuivre d’une injection intracoronaire systématique de dérivés nitrés dans chaque tronc. Ce test peut être réalisé par voie radiale bien que la voie fémorale soit préférée particulièrement chez les femmes de petit poids pour limiter le risque de spasme radial. Bien que moins utilisée, l’acétylcholine peut aussi être proposée mais nécessite la mise en place d’une sonde d’entraînement électrosystolique.
 
Dans tous les cas, le diagnostic ne doit pas se limiter à l’évaluation angiographique et se doit d’être associé à : une douleur thoracique et une modification électrique comme décrite précédemment.
 
Les indications actuellement recommandées du test de provocation, bien que de classes différentes selon les sociétés savantes, sont les suivantes :
- suspicion clinique forte devant des douleurs thoraciques répétées résolutives sous dérivés nitrés sans relation à l’effort et apparaissant en fin de nuit,
- SCA en l’absence de lésion angiographique significative et d’autre diagnostic retenu,
- ACR inexpliqué,
- syncope inexpliquée avec antécédent de douleur thoracique,
- persistance de douleurs thoraciques après un succès d’angioplastie coronaire.
 
Il ne doit pas, en revanche, être réalisé en cas de sténose coronaire sévère, et particulièrement du tronc commun, ou de lésions instables au décours d’un SCA.
 
Le test de provocation pharmacologique reste très peu proposé aujourd’hui et arrive souvent après un traitement empirique inefficace. Cependant, bien qu’aucune étude épidémiologique de grande envergure n’ait étudié précisément cette question, le spasme coronaire reste associé à de nombreux événements ischémiques avec des taux de mortalité souvent secondaires à des troubles du rythme, plus importants que dans la maladie athéromateuse isolée.
 
Une fois suspecté, le traitement doit associer :
- un contrôle strict des facteurs de risque cardiovasculaire avec un effort tout particulier porté sur le sevrage du tabac ou des autres toxiques,
- l’administration de dérivés nitrés sublinguaux en cas de crises,
- un traitement au long cours par inhibiteurs calciques ou nicorandil.
 
L’implantation d’un défibrillateur en prévention secondaire reste discutée mais peut être proposée en cas de spasme coronaire compliqué de troubles du rythme ventriculaire, si le test de provocation reste positif, sous traitement médical optimal et après sevrage du tabagisme.

Article publié le 18/01/2018 à 01:00 | Lu 5473 fois