Song for Marion : il n’est jamais trop tard pour changer (film)

Le dernier film de Paul Andrew Williams, avec Terence Stamp, Vanessa Redgrave et Gemma Arteton sort le 15 mai 2013 sur les écrans. Cette comédie dramatique a été inspirée par l’histoire de la famille du réalisateur, et en particulier, par celle de ses grands-parents. Détails.


L’histoire ? Arthur et Marion, couple de retraités londoniens, sont profondément unis malgré leurs caractères dissemblables ; Marion est positive et sociable, Arthur est morose et fâché avec la terre entière.
 
Aussi ne comprend-il pas l’enthousiasme de sa femme à chanter dans cette chorale férue de reprises pop décalées et menée par la pétillante Elizabeth.
 
Mais peu à peu, Arthur se laisse toucher par la bonne humeur du groupe et par la gentillesse d’Elizabeth. Encouragé par cette dernière, qui a inscrit la chorale à un concours, Arthur réalise qu’il n’est jamais trop tard pour changer.
 
Song for Marion, un sujet très personnel

Song for Marion rompt avec l’univers adolescent qui domine dans mes films précédents, ainsi qu’avec le genre du thriller, sociétal de London to Brighton, psychologique de Cherry Tree Lane, parodique et déjanté de Bienvenue au Cottage. Song for Marion est une comédie dramatique, c’est également un projet très personnel, inspiré par l’histoire de ma famille et en particulier par mes grands-parents.
 
Comme Arthur et Marion, mes grands-parents formaient un couple indestructible, entièrement dévoué l’un à l’autre, et ma grand-mère était la seule à percevoir, derrière l’amertume et la morosité de son mari, sa bonté d’âme et sa délicatesse. Comme Arthur, mon grand-père a souffert d’un immense désarroi à la disparition de sa femme. A travers lui, c’est à toute une génération que j’ai voulu rendre hommage, une génération d’hommes de devoir, cadenassés dans leurs sentiments, incapables de s’ouvrir à la légèreté du bonheur.

Le portrait d’un vieil homme solitaire

Le film est centré sur le personnage d’Arthur Harris, presque constamment à l’image, et sur l’interprétation de Terence Stamp.

Il raconte sa métamorphose, la manière dont, à la suite d’un événement dramatique, il va s’ouvrir au monde et « renaître » en parvenant à exprimer des émotions enfouies.

Ce qui m’intéressait, c’était de montrer la complexité de son personnage, profondément épris de sa femme, veillant sur elle à chaque instant et, dans le même temps, amer et insupportable : critiquant constamment son propre fils ou invectivant les chanteurs venus donner la sérénade à Marion sous leur fenêtre.

L’épisode le plus révélateur de ce repli sur soi est celui du premier concours de chant où, alors que Marion a chanté le solo de « True Colors » en le lui dédiant, Arthur s’isole et refuse d’avouer qu’il est bouleversé.

Une histoire d’amour

Le film repose sur la relation de Marion et Arthur et l’amour inconditionnel qu’ils se portent. Il faut toute la légèreté et la luminosité de Marion incarnée par Vanessa Redgrave pour éclairer, comme malgré lui, le personnage d’Arthur. Marion est celle qui donne les signes extérieurs de leur amour, qui pardonne à Arthur sa mauvaise humeur, qui va toujours vers lui (après le solo du premier concours, elle part à sa recherche alors que c’est lui qui aurait dû venir la féliciter).

Selon ses propres termes « il est son roc », celui qui lui donne force et confiance, dans ce lieu qui symbolise leur union, plusieurs fois filmé de l’extérieur en plan fixe : leur petite maison. Par amour, Marion va donc préparer Arthur à lui survivre et tout faire pour qu’après sa disparition il ne sombre pas plus encore dans la solitude. Elle prend par avance soin de lui, en demandant à son fils James de ne pas l’abandonner, en obligeant Arthur à s’excuser de sa grossièreté auprès des chanteurs et à fréquenter la chorale avec elle.

Elle veut lutter contre la fatalité de son caractère qui voudrait que, privé du seul être qui le rattachait au monde, il se laisse envahir par la misanthropie et la dépression. En chantant le solo de « True colors », elle lui fait clairement don de sa propre vie. C’est pourquoi le film est paradoxalement optimiste.

Un hommage à l’Angleterre middle class

Je souhaitais un ancrage réaliste, celui d’une banlieue londonienne, symbolisée par le pavillon de Marion et Arthur, le garage où travaille leur fils, James, le pub où Arthur retrouve ses amis une fois par semaine ou le centre socio-culturel de briques rouges où se réunissent les chanteurs. Je voulais évoquer un milieu social et une génération pas forcément à l’aise avec l’extériorisation des sentiments ou avec des activités artistiques.

C’est pourquoi la chorale de personnes âgées du film n’est pas un groupe factice de comédiens, mais une authentique chorale, créée spécialement sur le modèle de celle des « Heaton Voices », imaginée et dirigée par le chef de chœur Richard Scott. Recrutés par petite annonce, les futurs chanteurs des OAP’Z ont été auditionnés par Richard Scott, et j’ai filmé les auditions.

Un hymne à la musique et au chant

Séduit par l’originalité de la démarche des « Heaton Voices », j’ai voulu transmettre à la chorale de Song for Marion le même esprit ludique et décalé. Le superviseur musical du film, Richard Scott, y a transposé des inspirations éclectiques et des arrangements métissés (chants d’Afrique, d’Europe de l’Est, gospel, jazz ou succès de variété), pour créer avec les OAP’Z un ensemble à la grande liberté de ton. A travers Marion puis Arthur, le film montre les vertus libératoires du chant, dans sa dimension collective (par l’expérience partagée au sein de ce groupe non conformiste) et individuelle (comme exutoire physique et psychologique). J’ai choisi de faire des OAP’Z l’instrument de la « renaissance » d’Arthur.


Publié le 14/05/2013 à 07:44 | Lu 1485 fois