Sol : interview de Chantal Lauby

Alors que le film de Jézabel Marqués, Sol avec Chantal Lauby sort sur les écrans français le 8 janvier prochain, l’actrice Chantal Lauby, qui joue le rôle de Sol, revient sur ce long-métrage qui évoque la transmission, les générations, la mort, la famille et la grand-parentalité et dont l’histoire lui a été inspirée de sa relation -conflictuelle- avec sa grand-mère.





Quelle a été votre réaction à la lecture du scénario de Sol ?
Avant de le lire, on en avait parlé avec Jézabel. On s’est découvertes l’une l’autre… et puis j’ai lu son histoire. Je l’ai trouvée très touchante, très belle. Ça lui ressemblait par rapport à ce qu’elle m’avait raconté -il y avait certainement des choses qui venaient profondément d’elle. J’ai dit d’accord avec une certaine appréhension quand même parce que Sol est un personnage fort…
 
Je ne dis pas que je ne joue pas de personnages forts, mais souvent je suis plus dans la comédie. Et donc de m’approprier un personnage comme Sol, de rentrer dans la peau d’un tel personnage… ça me faisait peur. Ce que j’appréhendais aussi c’était de danser le tango et de chanter… Ce sont des choses que je ne maitrise pas bien.
 
En revanche pour l’émotion, il suffisait de se laisser porter par le texte, de le jouer, et l’émotion arrivait toute seule.
 
D’une certaine façon, Sol est votre vrai premier rôle au cinéma au sens où vous avez le rôle-titre et donc que l’histoire repose sur votre personnage…
Tout à fait. Quand on s’est séparés avec « Les nuls », j’étais un peu perdue parce que je ne savais pas dans quelle direction aller et j’avais accepté un film de Philomène Esposito pour la télévision qui s’appelait Le secret de Julia.
 
Et Julia c’était moi. C’était l’histoire d’une femme qui revivait son passé et qui réglait des choses de sa vie… J’avais accepté ce drame parce que je ne voulais plus faire de comédie. Même si j’avais très peur de ce genre. Mais ça avait très bien marché : on avait même eu la médaille d’or du festival de New York !
 
Je me souviens que ma mère -qui ne m’avait vue que dans les sketches des Nuls et des trucs rigolos– avait versé sa larme en me voyant dans ce rôle dramatique. Mais après ça, je ne me suis plus vraiment retourné vers ce genre de rôles à part Photo de famille avec Bacri, mais c’était un petit rôle. Je ne portais pas le film comme je le porte ici avec Camille Chamoux.
 
Parlez-nous de Sol. Qui est-elle ?
Sol est une femme qui vieillit et qui d’un seul coup n’a plus de temps à perdre. Elle n’a plus le temps de faire ses conneries, elle ne veut plus être dans une espèce de légèreté… C’est un personnage qui a consacré sa vie à la chanson et au tango et qui a laissé de côté sa vie de famille. Et un beau jour elle décide de rattraper le temps perdu. Elle ne pourra pas le sauver hélas -c’est trop tard- mais elle pourra en tout cas donner du bonheur à quelqu’un de sa famille. Pour moi, Sol est quelqu’un qui a une prise de conscience.
 
Et le film, vous le trouvez bien ?
C’est très compliqué de juger quand on est dans un film, encore plus quand on le voit pour la première fois… Mais je dois dire que, quand je l’ai vu, ma fille était avec moi et à la fin je l’ai retrouvée en larmes et j’ai pris conscience que moi aussi je pleurais !
 
Ça vous donne envie de continuer à jouer des rôles sinon dramatiques en tout cas avec plus d’émotions ?
Si ça se présente oui. Mais je pense que dans l’humour aussi on peut mettre de l’émotion. Madame Verneuil dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? quand elle est triste elle est vraiment triste. Ce n’est pas parce que le film va faire rire les gens qu’il n’y a pas des instants d’émotions, des instants vrais.
 
Quand le texte est drôle, on fait rire et quand il est triste on fait pleurer. Les comédies d’aujourd’hui sont souvent tendres, voire avec des instants un petit peu plus tristes… Les réactions des gens qui ont vu Sol me changent un petit peu de ce que j’ai entendu ces derniers temps quand je me fais arrêter dans la rue et qu’on me dit : « Qu’est-ce que j’ai ri !» Maintenant j’entendrais peut-être autre chose.
 
Et je me dis que c’est ça qui est beau dans le cinéma : on provoque des émotions différentes. Donc je continuerai dans cette voie si le scénario me plait, qu’il soit triste ou qu’il soit gai !
 
Sol est un film réalisé par une femme avec deux femmes dans les rôles principaux. C’est assez rare dans le cinéma français pour être mentionné. C’est important pour vous ?
Ça compte mais je n’y fais pas attention. Pour moi les femmes c’est comme les mecs : elles font leurs films point. On est en train de grandir toutes, mais il est temps maintenant qu’on soit considérées comme des êtres humains. Alors oui je suis contente d’être dans un film de femmes mais pas plus que dans un film d’hommes. Je suis surtout contente d’avoir fait un film avec une réalisatrice de talent qui a du cœur, avec une super actrice, et des comédiens qui sont tous excellents !
 
Comment vous avez abordé les aspects techniques du rôle ?
J’ai pris quelques cours de tango pour savoir placer les jambes, savoir me tenir… C’est la posture qui est importante… Et après il suffisait de bien réaliser comme Jézabel l’a fait pour que tout semble facile et joli à l’écran.
 
Et comment ça s’est passé avec votre petit-fils de cinéma ?
Naturellement. C’est un enfant. Et un enfant ce n’est pas quelqu’un qui joue, c’est quelqu’un qui est. Pour moi, quand on fait un personnage, il ne faut pas essayer de le jouer il faut essayer de l’être. Et un enfant, c’est ce qu’il fait : lui, il était Jo. C’est un comédien formidable ce petit jeune homme parce qu’il était vrai jusque dans son excès et j‘ai aimé ça.

Article publié le 07/01/2020 à 01:00 | Lu 1692 fois