Seniors : la question de l’identité (2), chronique de Serge Guérin

La notion d’identité, générationnelle ou autre, est à interroger : elle est construite par la société mais c’est aussi une co-construction par les personnes concernées, y compris à leurs corps défendant. Il importe donc d’intégrer l’impact et les conditions de ce que l’on peut appeler « l’invention des seniors » au sens d’Hobsbawm où l’invention d’une histoire sert le temps présent.





Cette approche nous permet, pour partie, d’expliciter le regard que nous portons sur l’âge et les conditions de son invention.

Il s’agit bien de montrer que la catégorie des seniors ne peut se résumer à une interprétation biologique et doit prendre en compte une histoire sociale, les données économiques et l’approche sociologique de la pluralité des individus que nous avons souvent défendus dans ces chroniques pour Senioractu.com.

Impossible de raisonner encore avec des représentations de l’âge datant de trente ans... Physiquement, moralement, culturellement, un quinquagénaire de 2009 est plus proche du quadragénaire d’aujourd’hui que de l’homme de 55 ans d’hier.

Il a tout juste dépassé la mi-vie et peut faire de multiples projets d’avenir, sur le plan personnel et familial, comme sur celui de l’activité professionnelle ou sociale. Pour ces publics, les projets restent ouverts.

Cette perspective est également en ligne avec la révolution individualiste qui a secoué les sociétés occidentales depuis les années 1980. La post-modernité débouche sur la pluralité des projets de vie. La société est à la fois espace de normes et de contraintes et productrice de moyens d’autonomie. Les individus ne vont pas contre la société mais font avec.

D’une certaines façon, il importe de renverser la formule type « La société est morte, vive l’individu » pour exprimer justement que les individus produisent de la société et contribuent à de nouvelles solidarités qui enrichissent humainement la société.

On n’est pas seulement dans une destruction du lien social mise en avant par Illich (in La convivialité, Seuil, 1973) ; on est aussi dans la recherche et l’expérimentation de pratiques solidaires, le plus souvent de proximité. Il s’agit aussi bien du regroupement de riverains pour sauvegarder une rivière, que de parents d’élèves refusant l’expulsion d’un enfant issus de « sans papiers » ou encore d’habitants d’un quartier défavorisé s’organisant avec des bailleurs sociaux autour d’un projet de jardin écologiques et intergénérationnel.

Il existe un métissage de l’âge dynamique au sens où dans la même journée, un individu peut avoir des âges pluriels car il va vivre des situations sociales différentes. Ainsi, à 60 ans, une personne peut vivre une journée en étant surtout un individu expérimenté dans son travail, alors qu’un autre du même âge sera successivement, un grand-père le matin, un étudiant (à l’Université du Temps Libre) en fin de matinée, un nouveau bénévole dans une association dans l’après-midi et un adolescent amoureux dans la soirée…

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon
Seniors : la question de l’identité (2), chronique de Serge Guérin

Article publié le 07/09/2009 à 18:45 | Lu 3014 fois