Retraites : aucune solution alternative sérieuse n'est sur la table, selon Alain Juppé

La réforme des retraites est une nécessité. Telle qu'elle a été proposée par le gouvernement et amendée par le Parlement, elle est aujourd'hui équilibrée. Aucune solution alternative sérieuse n'est sur la table. J'ai eu l'occasion d'écrire ici combien les déclarations de Martine Aubry étaient en la matière floues et embarrassées. Quand on y regarde d'un peu plus près, on s'aperçoit que le parti socialiste promet de rétablir, s'il en a les moyens politiques, la retraite à 60 ans... tout en allongeant la durée minimum de cotisation. En somme, partir à 60 ans... avec une retraite minorée ! Quant à laisser croire que c'est en taxant « le capital » qu'on trouvera les 40 milliards nécessaires, c'est une supercherie ! Le financement de nos entreprises n'y résisterait pas.


Je ne développerai pas davantage les arguments qui militent en faveur de la mise en oeuvre de la réforme. Je voudrais en revanche m'adresser aux jeunes qui manifestent dans les rues de nos villes. L'un de leurs slogans m'a frappé. Je le cite, tel que je l'ai trouvé reproduit dans les colonnes du Monde : « Pépé-Mémé au boulot, les jeunes au chomdu. On n'en veut pas ! ». Je traduis : en prolongeant la durée d'activité des seniors, on enlève des emplois aux jeunes.

Cette affirmation a toutes les apparences du bon sens. Et pourtant, elle est fausse, c'est en tout cas ma conviction. Je trouve, dans la contre-enquête que publie le Monde sur une pleine page de son édition du 21 octobre, des raisons qui me renforcent dans cette conviction. Je vous en suggère la lecture. J'en extrais quelques citations:

« Parmi les trente-trois pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), ceux qui ont le taux d'emploi des seniors le plus élevé sont aussi ceux où le taux d'emploi des moins de 25 ans est le meilleur. En Allemagne, entre 2003 et 2008, le taux d'emploi des moins de 25 ans a augmenté de 3 points à 70% et celui des plus de 55 ans de 7 points à 75%. En France, le taux d'emploi des jeunes et celui des seniors sont restés désespérément stables. »

Ou encore : « Penser que l'emploi des jeunes va de pair avec la mise à la retraite des seniors procède d'une vision malthusienne de l'économie » ; « Quand on pousse les seniors hors du marché du travail, il faut payer leurs retraites... Cela accroît la pression fiscale et renchérit le coût du travail. C'est cet enchaînement qui n'est pas favorable à l'emploi des jeunes, très sensible au coût du travail » ; « Quand les seniors travaillent, leurs revenus s'accroissent. Ils soutiennent la demande intérieure, donc l'emploi ».

J'ai bien conscience que ces analyses économiques ne sont pas évidentes. Raison de plus pour en débattre. Ce pourrait être un sujet pour le « Grenelle de l'emploi » dont je suggère la réunion. Je crois, en effet, que la feuille de route du prochain gouvernement, une fois la réforme des retraites acquise, devrait se focaliser sur l'emploi, sur la croissance, sur la redynamisation de l'économie française. Rassembler, pour y travailler, l'Etat, les partenaires sociaux, les collectivités locales, le réseau associatif, les experts... ce qui est la philosophie même de ce qu'on appelle « un Grenelle », pourrait être un bon moyen de rétablir le dialogue social.

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Publié le 02/11/2010 à 08:45 | Lu 1351 fois