Retraites : 5 questions à Jean-Paul Delevoye

Dans le cadre d’un nouveau débat citoyen qui s’est déroulé le 7 novembre dernier à Amiens avec Jean-Paul Delevoye, les participants ont pu poser leurs questions au haut-commissaire aux retraites. Pour l’occasion, ces interrogations ont porté sur le chômage chez les seniors, la génération 1963-1973, la retraite des enseignants du privé et des travailleurs handicapés et les trimestres acquis pour enfant.





« Travailler plus longtemps, pourquoi pas, mais faudrait-il encore qu'il y ait du travail pour les quinquas qui se retrouvent au chômage, à l'écart du monde du travail. Que prévoyez-vous dans ce cas ?"
Votre question aborde une problématique essentielle qui dépasse le cadre des retraites des Français. C’est pourquoi le Premier ministre a confié à Sophie Bellon, présidente du conseil d’administration de Sodexo, une mission sur ce sujet. Elle rendra début 2020 ses propositions pour le maintien dans l’emploi des seniors.
 
En tout état de cause, le futur système universel accordera des points aux personnes touchant une allocation chômage, ce qui permettra d’augmenter systématiquement leur retraite. Cela n’est pas toujours le cas dans le système actuel, car le chômage indemnisé ne permet que de valider des « trimestres » et n’est pas pris en compte dans le calcul du salaire des 25 meilleures dernières années.
 
La génération 1963-1973
J’ai proposé que la première génération concernée par le système universel de retraite soit celle née en 1963 et qui sera à plus de 5 ans de son départ en retraite. Les premières générations concernées seraient plus jeunes, s’agissant des personnes qui peuvent aujourd’hui bénéficier de départs anticipés.

La transition sera très progressive et tous les droits acquis dans le système actuel seront convertis à 100% dans le futur système universel de retraite.
 
Ce sont les règles du système actuel qui s’appliqueront pour toutes les années travaillées jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau système. Si vous appartenez à la génération 1963, le calcul de votre retraite reposera presque entièrement sur les règles de l’ancien système puisque vous aurez cotisé un an ou moins dans le nouveau. De même, un assuré qui aurait passé 35 années de sa carrière dans le système actuel et 7 dans le système universel aurait 35/42ème, c’est-à-dire soit 83%, de sa retraite calculée selon les règles actuelles.
 
D’autre options qui conduiraient à appliquer le nouveau système à des générations autres que la génération 1963 existent : il pourrait s’agir de générations nées après 1963 ou des seuls nouveaux entrants sur le marché du travail. Ces options sont actuellement soumises à concertation.
 
L’objectif est de déployer progressivement le système universel de retraite pour doter notre pays d’un système plus juste, plus solidaire et plus simple dans un délai raisonnable.
 
Il est aussi de construire un système lisible pour que les générations ayant effectué une partie de leur carrière avant la réforme et une partie après disposent d’une vision claire de leurs droits, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas pour les nombreuses personnes qui ont travaillé sous plusieurs statuts et été affiliées en conséquence plusieurs régimes.
 
Régime additionnel de retraite des enseignants du privé
Le régime additionnel de retraite des enseignants du privé, créé par la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005, alloue un complément de retraite aux personnels enseignants exerçant dans les établissements privés sous contrat, avec l'objectif de compenser, à terme et à carrière comparable, l'écart de pension entre les enseignants du privé et du public.

Géré en répartition provisionnée, il est financé par des cotisations des personnels concernés et de l’Etat et ses réserves n’interviennent aujourd’hui que pour une faible part dans les conditions de son équilibre financier.
 
Les réserves des différents régimes actuels, qui ont vocation à leur permettre de faire face à leurs engagements futurs, constituent un sujet distinct de celui des droits individuels qui seront pris en compte lors de la transition. En ce domaine, c’est un engagement de garantie à 100% des droits qui ont été constitués avant la réforme, avec application des règles des régimes de retraite auxquels ont appartenu les assurés, qui prévaudra.
 
A l’avenir, c’est le système universel qui va prendre le relais pour verser les futures prestations aux affiliés, y compris celles qui résulteront des règles des anciens régimes. En tout état de cause, les réserves déjà constituées ne seront utilisées que pour les enseignants concernés.
 
Les travailleurs handicapés
Les départs anticipés pour les travailleurs handicapés seront conservés dans le futur système universel de retraite, avec les mêmes règles qu’aujourd’hui. L’attribution automatique du taux plein sera maintenue ; la condition d’une durée de cotisation sera simplifiée puisqu’il ne sera tenu compte que de la durée d’activité en situation de handicap ; des points supplémentaires seront accordés afin de tenir compte des incidences du handicap sur l’activité professionnelle des personnes concernées.
 
Les trimestres acquis pour enfant
La question de la valorisation des trimestres acquis au titre d’enfants nés avant 2025 fait actuellement l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux et les associations familiales. Il s’agit de savoir s’il est préférable de prendre en compte ces majorations pour évaluer les droits acquis dans les anciens régimes ou s’il est plus juste d’appliquer le nouveau modèle de droits familiaux (5% de majoration par enfant) à l’ensemble de la carrière (avant et après réforme).
 
Il faut notamment tenir compte du fait que ces majorations n’existent pas sous la même forme dans les différents régimes (seulement 2 trimestres de majoration par enfant sont ainsi accordés aux fonctionnaires).
 
En tout état de cause, le deuxième scénario que vous évoquez n’est pas celui proposé par le rapport Delevoye. Le rapport propose en effet d’ajouter une majoration de pension de 5% par enfant, et ce dès le 1er enfant, afin d’augmenter les pensions de tous les parents et non pas seulement ceux de 3 enfants et plus.
 
Dans votre exemple, il faudrait donc augmenter de 10% le montant calculé (13 669 € et non 12 426) mais aussi tenir compte du fait que cette majoration de 10% s’appliquera aux droits convertis mais aussi aux droits acquis dans le nouveau système puisque, dans votre exemple, la mère ne part pas en retraite au 31 décembre 2024.

Article publié le 12/11/2019 à 01:00 | Lu 2641 fois