Réforme des retraites : des choix stratégiques à faire encore

Selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) publié le 28 janvier 2010, changer le mode de calcul actuel (annuités) des pensions de retraite du régime de base est « techniquement possible », mais ne peut garantir en lui-même le retour à l’équilibre des finances du système de retraite.


Afin d’éclairer les prochains débats de la réforme des retraites prévue cette année, le COR a étudié la faisabilité du passage à un régime en points (le total des points, obtenus en fonction des cotisations versées, est multiplié en fin de carrière par la valeur définie du point) ou à un régime en « comptes notionnels » (le total des cotisations versées, revalorisées annuellement en fonction du PIB ou de la masse salariale, est multiplié par un coefficient tenant compte de l’espérance de vie de la génération à laquelle appartient l’assuré).

Le COR souligne aussi qu’une telle évolution est une question de choix politique sur les objectifs à atteindre en priorité (pérennité financière, équité entre les générations, degré de redistribution), avant d’être une question d’ordre technique. Quel que soit le mode de calcul utilisé, le COR précise en outre que la résorption du déficit de l’assurance vieillisse (10,7 milliards en 2010 selon les prévisions) repose sur trois leviers : le niveau des ressources (cotisations), celui des pensions et l’âge effectif de départ à la retraite.

Retraites : annuités, points ou comptes notionnels ? Options et modalités techniques par le Conseil d’orientation des retraites

Le rapport du COR « Retraites : annuités, points ou comptes notionnels ? » a été adopté en séance plénière le 27 janvier 2010 et a été remis aux commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat le 28 janvier. Il répond à une demande du Parlement d’étudier les modalités du passage éventuel à un système en points ou en comptes notionnels.

Le Conseil rappelle tout d’abord que son rôle de délibération et de réflexion en commun reste distinct de celui de la négociation ou de la concertation sociale destinée à préparer ou mettre en œuvre les décisions dans le domaine des retraites. Il précise aussi que l’étude qu’il présente à la demande du Parlement ne saurait à ce stade valoir prise de position par le Conseil sur l’opportunité d’une réforme consistant à passer à un système en points ou en comptes notionnels en France.

Sur ce point, les avis sont d’ailleurs très partagés au sein du Conseil. Le rapport dresse d’abord un état des lieux du système de retraite actuel en France.

1) Le système actuel apparaît complexe, du fait de la multiplicité des régimes de base et complémentaires et de la diversité des règles selon les régimes, même si une certaine convergence a déjà eu lieu.

2) Il assure un niveau de vie aux retraités qui est aujourd’hui globalement proche de celui des actifs, mais des disparités importantes existent au sein de ces retraités.

3) Il comporte en outre une dimension de solidarité importante, au travers des droits familiaux, des périodes validées au titre du chômage, de la maladie ou encore de l’invalidité, et du minimum contributif ou garanti, qui représentent au total environ 20% des retraites versées par l’ensemble des régimes. En revanche, certaines règles au cœur même du calcul des retraites en annuités (décompte de la durée d’assurance, calcul du salaire de référence…) opèrent une redistribution peu lisible et qui ne bénéficie pas toujours aux assurés à carrière courte ou à bas salaire.

4) La dégradation rapide de la situation financière des régimes de retraite en 2009 et 2010, dans un contexte de crise économique et financière, intervient alors que les régimes sont structurellement déficitaires, du fait de l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses du baby boom depuis 2006 et de l’allongement continu de l’espérance de vie à 60 ans, qui augmenterait de plus de quatre ans d’ici 2050. Le taux d’emploi des seniors reste faible mais son évolution récente, tout en étant modeste, va dans le bon sens.

5) Enfin, le pilotage du système de retraite mis en place par la loi de 2003, qui repose sur une évolution à l’horizon 2020 de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein, en lien avec les gains d’espérance de vie, et sur des rendez-vous quadriennaux, dont le premier a eu lieu en 2008, pose aujourd’hui certaines questions. Ainsi, l’option d’un horizon de moyen terme glissant au fil du temps, complété par la prise en compte des évolutions à plus long terme, mériterait d’être discutée.

Dans un second temps, le rapport examine les questions préalables au passage à un système en points ou en comptes notionnels.

1) La première question a trait aux objectifs assignés au système de retraite. La finalité d’un système de retraite est d’assurer aux retraités actuels et futurs un niveau de ressources satisfaisant, sécurisé et anticipé. Cela permet de dégager cinq grands objectifs assignés au pilotage d’un système de retraite : pérennité financière, lisibilité et transparence, équité entre les générations, solidarité entre les individus d’une même génération, et enfin articulation avec les autres objectifs de politique économique. Si ces objectifs font l’objet d’un large consensus au sein du Conseil, des différences d’appréciation existent sur leur importance respective et aller plus loin en cherchant à déterminer, de façon concertée, sur quels indicateurs il conviendrait d’apprécier le respect de chaque objectif, contribuerait probablement à clarifier les débats et les décisions, et pourrait être de nature à renforcer la confiance des assurés dans le système de retraite.

2) La seconde question préalable au passage à un système en points ou en comptes notionnels est celle de l’architecture du système. Deux schémas de simplification sont esquissés : d’une part, des régimes de base ayant les mêmes règles complétés par des régimes complémentaires spécifiques aux différentes catégories professionnelles ; d’autre part, un seul régime dans le secteur privé, résultant de la fusion du régime de base et des régimes complémentaires.

3) La troisième question est celle du degré et du type de solidarité souhaités. Dans un régime en points ou en comptes notionnels, la solidarité passe par l’affectation au compte du bénéficiaire de points ou de capital virtuel supplémentaires, ce qui rend explicite la contrepartie en termes de cotisation de tous les droits accordés et peut contribuer à en clarifier le financement. Un changement de système pourrait être l’occasion de remettre à plat les différents dispositifs de solidarité du système actuel.

4) La quatrième question est celle de la transition entre l’ancien et le nouveau système, qui peut prendre différentes formes (immédiate, progressive avec affiliation successive ou simultanée aux deux systèmes) et être plus ou moins longue. Chaque mode de transition présente des avantages et des inconvénients au regard de leurs conséquences en termes juridiques et de gestion.

Au terme de son rapport, le Conseil d’orientation des retraites tient à souligner trois points.

1) L’examen des modalités de remplacement du calcul actuel des pensions personnelles par les régimes de retraite de base par un régime en points ou par un régime en comptes notionnels (voir encadré ci-dessous) montre qu’un tel changement est techniquement possible et permet notamment d’intégrer des dispositifs de solidarité. Il soulèverait cependant des problèmes de gestion évidents et nécessiterait en conséquence d’être soigneusement préparé, ce qui implique à la fois des délais pour l’élaboration puis pour la mise en application d’une telle réforme. Les conséquences pour les assurés dépendent principalement des modalités de la transition, notamment de sa durée, et du choix des paramètres du nouveau système.

2) La comparaison des techniques de calcul des retraites fait ressortir la capacité d’autorégulation du système en comptes notionnels face aux évolutions démographiques et économiques. La technique des comptes notionnels permet en effet, en contraignant les paramètres déterminant le montant des pensions, de contenir les éventuels déficits du régime, notamment face à l’allongement de l’espérance de vie, sans toutefois conduire nécessairement à l’équilibre instantané. En particulier, en l’absence de réserves suffisantes pour financer le surcroît de dépenses lié au papy boom, il serait nécessaire dans tous les cas de préciser comment celui-ci sera financé. Les régimes en annuités et en points peuvent être plus spontanément pilotés au fil de l’eau mais présentent le risque de s’écarter durablement de l’équilibre en voulant poursuivre d’autres objectifs. En tout état de cause, quelle que soit la technique utilisée (annuités, points ou comptes notionnels), le retour à l’équilibre du système de retraite, face notamment au vieillissement de la population, repose dans tous les cas sur les trois leviers que le COR a régulièrement mis en évidence dans son abaque : le niveau des ressources, le niveau des pensions et l’âge moyen effectif de départ à la retraite.

3) Le passage d’un régime en annuités à un régime en points ou en comptes notionnels n’est pas principalement une question d’ordre technique. Il nécessite au préalable des choix politiques qui ont trait notamment à l’architecture du système de retraite, aux objectifs que l’on souhaite atteindre en priorité (pérennité financière, équité entre les générations et degré de redistribution), enfin au calendrier et au mode de transition pour passer d’un système à l’autre.

Le chef de l’Etat et les partenaires sociaux se réuniront le 15 février 2010 pour fixer l’agenda social 2010. Le prochain rapport du COR est attendu pour le mois d’avril, il devrait porter sur les prévisions financières du système des retraites.

Régimes en annuités, en points et en comptes notionnels : définitions

1 – Dans un régime en annuités, la retraite à la liquidation est égale au produit du taux de liquidation par le salaire de référence de l’assuré et par un coefficient dit de proratisation, qui est le rapport, dans la limite de 1, entre le nombre de trimestres validées par l’assuré et le nombre de trimestres requis. Le taux de liquidation appliqué est le « taux plein » si l’assuré à le nombre de trimestres requis. Sinon, il est minoré (décote) ou majoré (surcote).

2 – Dans un régime en points, la retraite à la liquidation est le produit du nombre de points total acquis par l’assuré au moment du départ à la retraite et la valeur de service du point à cette date. Chaque année, le nombre de points acquis par l’assuré est obtenu en divisant les cotisations versées par la valeur d’achat du point cette année-là.

3 – Dans un régime en comptes notionnels, la retraite à la liquidation est le produit du capital virtuel acquis par l’assuré au cours de sa carrière par un facteur appelé « coefficient de conversion ». Le capital virtuel est égal à la somme des cotisations versées au cours de la carrière, revalorisées par un certain taux. Le coefficient de conversion dépend notamment de l’âge effectif de départ à la retraite et de l’espérance de vie à cet âge de la génération à laquelle appartient l’assuré. Il est déterminé de façon à ce que la somme des pensions perçues par chaque génération soit toujours égale à la somme des cotisations qu’elle a versées.

Publié le 08/02/2010 à 10:31 | Lu 5389 fois