Rapport jeunes/vieux : changer de discours ! (2), chronique de Serge Guérin

Nous le disions dans la chronique de la semaine dernière, il importe de casser notre ligne Maginot intellectuelle concernant les rapports jeunes/seniors.


On se focalise trop sur les jeunes qui ne sont pas encore dans l’entreprise. Or, ceux qui y sont depuis quelques mois ou quelques années ont intégré certaines contraintes et ont sensiblement évolué dans leur approche du monde du travail.

Mais surtout, pourquoi vouloir que les jeunes s’inscrivent subitement dans des rapports hiérarchisés alors que toutes les normes ont connu une sorte de révolution copernicienne, en particulier dans le domaine de la famille et concernant l’autorité du père ?

Les modes de vie se sont démultipliés, la relation au travail et à l’entreprise aussi…

De ce point de vue, les différences entre les juniors et les seniors sont sans doute plus importantes qu’auparavant. N’oublions pas les effets de la fin de la culture du plein emploi, une génération de pères mise au chômage, l’impact d’écarts de rémunérations qui n’ont cessé d’augmenter, la rémunération des actionnaires privilégiés au détriment de celle des salariés…
Tout cela a contribué à changer le regard des jeunes sur l’entreprise. Mais les entreprises ont aussi une responsabilité dans cet engagement plus distancié.

Dernier point : il faudrait favoriser non seulement l’intergénérationnel entre les jeunes et les plus âgés, mais aussi, apprendre à faire travailler les 40 ans avec les 60 ans, les 20 ans avec les 35 ans. D’autant plus qu’aujourd’hui, une génération ne se forme plus en vingt ans, mais demande parfois seulement trois et cinq ans !

C’est le cas, en particulier, pour la maîtrise des nouvelles technologies. L’expression « de mon temps » ne recouvre plus la même temporalité. Il faut accepter que l’intergénérationnel (ou l’interculturel) ne soit pas spontané et nécessite un travail préalable. L’échange entre générations, entre personnes différentes n’est pas un donné « naturel » mais un construit social qui s’apprend et se prépare.

On a couramment tendance à avoir peur de l’autre, du changement, de la mixité. Dans la réalité, les choses se passent très différemment selon les contextes et selon les enjeux.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon
Rapport jeunes/vieux : changer de discours ! (2), chronique de Serge Guérin

Publié le 05/10/2009 à 11:13 | Lu 2922 fois