"Qui est Monsieur Schmitt ?" au Théâtre Edouard VII : et vous, qui êtes-vous ?

Écrite en 2009 la pièce fut montée pour la première fois par José Paul au Théâtre de La Madeleine, avec Richard Berry dans le rôle principal. Le Théâtre Édouard VII en a confié cette saison la mise en scène à Jean-Louis Benoit, pour une reprise très attendue qui fut malheureusement retardée par le coronavirus.


On ne présente plus Sébastien Thiéry. Depuis « Dieu habite Düsseldorf » et « Cochons d’Inde » jusqu’à « Momo » et « Ramsès II », ses pièces ont fait le tour des planches, de Paris et d’ailleurs. Cette fois encore on retrouve le ton si particulier de son théâtre, fait d’un heureux mélange d’absurde et de comique.
 
Le rideau s’ouvre sur un décor étrange, évoquant un lieu et une époque tous deux incertains. Monsieur et Madame Bélier -du moins croient-ils s’appeler ainsi- sont à table pour le dîner lorsque le téléphone sonne.
 
Bizarre, ce téléphone orange qu’ils découvrent sur une étagère, et qu’ils n’avaient jamais installé. Au bout du fil, une voix inconnue demande à parler à un certain Monsieur Schmitt, nom qui leur est parfaitement inconnu.
 
Tout aussi inquiétant est ce portrait au mur, qu’ils ne reconnaissent pas, ces livres dans la bibliothèque, qui ne sont pas les leurs, même ces vêtements qu’ils portent : rien ne leur appartient. Lorsqu’ils veulent quitter la pièce, ils se rendent compte que la porte est fermée de l’extérieur.

Tout est en place pour qu’une mécanique implacable se mette en route, dans laquelle nos deux protagonistes vont petit à petit basculer de l’autre côté du réel, chacun à leur tour, jusqu’à une fin très inattendue et très réussie.
 
La mise en scène de Jean-Louis Benoit est précise, les scènes s’enchaînent dans une grande fluidité au fil de l’évolution des deux personnages.
 
Jean Haas a conçu un décor unique -la salle à manger des Bélier- qui renforce l’impression du huis-clos. Mais cet enfermement n’est jamais oppressant car l’auteur sait nous faire rire à tous moments -même, et surtout- dans les situations les plus absurdes.
 
Et puis, sans aucune lourdeur, il sait aussi nous faire réfléchir sur ce que nous sommes, ou croyons être.
 
Stéphane de Groodt est prodigieux. En bon humoriste qu’il est, et bon pilote qu’il fut, il mène la pièce à un rythme endiablé, campant avec brio un Monsieur Bélier-Schmitt essayant désespérément de garder les pieds sur terre alors que toutes ses certitudes s’écroulent une à une.
 
Valérie Bonneton lui donne joliment la réplique, parvenant à exprimer sur son visage l’acceptation irrémédiable et progressive d’événements qui la dépassent.
 
Les trois autres acteurs, dont Alain Doutey, que les habitués du petit écran retrouveront avec plaisir, donnent eux aussi le meilleur d’eux-mêmes pour mener jusqu’à son terminus cette machine infernale.
 
Un divertissement de grande qualité donné dans un lieu magnifique. Sans aucun doute un des meilleurs spectacles qu’on peut actuellement voir à Paris, et qui partira ensuite en tournée.
 
Théâtre Édouard VII
10, Place Édouard VII
75009 Paris

Jusqu’au 2 avril 2022

Du mercredi au vendredi 21h
Samedi 16h30 et 21h
Dimanche 16h

Publié le 07/03/2022 à 01:00 | Lu 1835 fois