Quartet : le troisième acte… de la vie, film de Dustin Hoffman

Quartet, le tout premier film de Dustin Hoffman en tant que réalisateur est sorti le 3 avril 2013 sur les écrans. L’histoire ? À Beecham House, paisible pension au coeur de la campagne anglaise qui accueille des musiciens et chanteurs d’opéra à la retraite, le bruit court qu’une nouvelle pensionnaire arriverait sous peu. Et ce serait une diva !


Pour Reginald, Wilfred et Cissy, le choc est grand lorsqu’ils voient débarquer l’impétueuse Jean Horton, avec laquelle ils triomphaient sur les scènes internationales des années auparavant. L’ambition de Jean et son ego démesuré avaient alors ruiné leur amitié et mis un terme au mariage qui la liait à Reginald.
 
Malgré les vieilles blessures, Reginald, Wilfred et Cissy mettront tout en oeuvre pour convaincre Jean de reformer leur célèbre quatuor à l’occasion du gala annuel de Beecham House.
 
La genèse de ce film…

Quartet est d’abord une pièce, née sous la plume de Ronald Harwood en 1999. Les sujets qu’elle aborde, comme la capacité de l’art à illuminer l’existence, le poids de la vieillesse ou l’univers exaltant de la musique, ont trouvé un écho auprès du public et de l’acteur Tom Courtenay, ami de longue date de Ronald Harwood.
 
Le dramaturge se souvient : « Tom m’a appelé il y a cinq ou six ans pour me dire qu’il fallait faire de Quartet un film, et qu’il adorerait jouer Reggie ». Pour cette pièce, Ronald Harwood s’était inspiré du documentaire Le baiser de Tosca, du réalisateur suisse Daniel Schmid. Ce film de 1984 nous plonge dans le quotidien des résidents de la Casa di Riposo per Musicisti, fondée à Milan par Giuseppe Verdi en 1896.
 
Le compositeur était particulièrement fier de cette résidence, destinée à accueillir les « chanteurs âgés qui n’ont pas fait fortune, ou qui n’ont pas eu la présence d’esprit d’économiser lorsqu’ils étaient jeunes. Pauvres et chers compagnons de mon existence ! ». Maggie Smith avait déjà vu la pièce Quartet, mais c’est Dustin Hoffman qui lui a envoyé Le baiser du Tosca lorsqu’il s’est impliqué dans le projet. « C’est ce documentaire qui a donné envie à Dustin Hoffman de faire le film » explique l’actrice. « Ayant déjà vu la pièce, cela m’a vraiment donné envie de marier les deux, moi aussi ».
 
Une fois l’histoire adaptée sous forme de scénario, avec la possibilité d’avoir Tom Courtenay ainsi que Maggie Smith dans les rôles principaux, Ronald Harwood a soumis le projet à Headline Pictures. L’année suivante, la société a confié le scénario de Quartet à Finola Dwyler, productrice. Dustin Hoffman venait alors de tourner Last chance for love, avec le directeur de la photographie John de Borman, collaborateur régulier de Finola Dwyler, et les deux hommes étaient devenus amis. « Sur le tournage, je n’arrêtais pas de lui dire : Tu as fait tellement
de films sensationnels en tant qu’acteur ; il faut vraiment que tu passes à la réalisation
» explique John de Borman.
 
Dustin Hoffman se souvient avoir appelé John de Borman pendant les vacances pour lui souhaiter une bonne année. « J’ai ajouté : Au fait, si tu tombes sur un scénario, pense à moi, j’adorerais réaliser un film, surtout ici, parce que j’adore Londres ». John de Borman a passé le message à Finola Dwyer, qui a tout de suite pensé à Dustin Hoffman pour s’attaquer au scénario de Ronald Harwood. « Je cherchais justement quelqu’un capable de donner vie au script » explique-t-elle, « quelqu’un qui percevrait comme moi ses qualités, mais qui pourrait aussi apporter quelque chose de nouveau au projet. Dustin avait l’âge des personnages de Quartet. Et le film est tellement un « film d’acteurs », j’ai tout de suite senti qu’il serait parfait pour lui ».
 
« J’ai lu le scénario dans un avion » se souvient Dustin Hoffman, « et quand je l’ai terminé, ma femme s’est tournée vers moi, m’a vu en pleurs et m’a demandé pourquoi je sanglotais. J’ai seulement dit : Il faut que tu le lises ! ». Dustin Hoffman a tout de suite été séduit par cette histoire pour les thèmes qu’elle aborde et sa vision optimiste de la vieillesse. « On dit que la vieillesse n’est pas une partie de plaisir. Quand votre corps prend de l’âge, vous devenez plus vulnérable, mais j’ai toujours pensé que votre âme peut continuer à s’épanouir. J’ai presque 75 ans, et je crois que si vous avez la chance de vivre aussi longtemps, trois choses peuvent arriver : soit vous grandissez, soit vous régressez, soit vous stagnez, ce qui revient selon moi à régresser. Mais c’est tout à fait possible de grandir ».

Quartet : le troisième acte… de la vie, film de Dustin Hoffman
« Il a mis tellement de lui-même dans ce film » explique John de Borman.

« Dustin était l’acteur le plus célèbre et le plus talentueux de sa génération, et il est d’une grande humanité. Il a un immense sens de l’humour et il mord la vie à pleines dents. On retrouve tous ces éléments dans le film. Il reflète parfaitement sa personnalité. Personne d’autre n’aurait pu arriver à ce résultat ».

Pour Dustin Hoffman, Quartet parle d’individus arrivés au « troisième acte » de leur vie, mais qui ont encore énormément à offrir. Maggie Smith partage cet avis : « Ce sont des musiciens, ils s’accrochent à cette passion, qui les pousse à aller de l’avant. Ils se battent pour continuer à faire ce qu’ils faisaient des années plus tôt ».

Pour Billy Connolly, se comporter en adulte est surfait. « Je ne suis pas jeune, loin de là. Mais je refuse d’être réduit à un chiffre, et je ne me comporte pas comme les gens de mon âge sont supposés le faire. J’ai toujours pensé qu’agir en accord avec son âge est aussi cohérent que d’agir en accord avec son numéro de sécurité sociale ; ça n’a aucun sens ! ».

Ces propos résument bien la philosophie du film Quartet ; pour les résidents de Beecham House, l’âge est un désagrément, mais avec un peu de détermination, ce n’est en aucun cas un handicap. Les aspirations musicales de Dustin Hoffman ont précédé sa carrière d’acteur. Il a pris des leçons de piano dès l’âge de cinq ans, et se serait bien vu pianiste de jazz. Ce n’est que plus tard, alors qu’il avait déjà choisi de devenir acteur, qu’il a découvert l’opéra. « J’ai commencé à étudier pour devenir acteur à New York en 1958, et j’ai rencontré un type, acteur au chômage comme moi, un certain Robert Duvall ! Un de ses frères était chanteur d’opéra, nous avons tous partagé un appartement, et c’est comme ça que j’ai rencontré des chanteurs d’opéra. »

Mais il reconnaît qu’il n’est devenu réellement sensible à cet art que quelques années plus tard. « Je me souviens être allé à l’opéra un jour, sans rien savoir de ce que j’allais voir. C’était Carmen, avec Jessye Norman, et je me rappelle que j’avais eu de bonnes places, parce que je venais de tourner Le Lauréat. J’étais assis là, à la regarder chanter un aria, et je ne me suis même pas rendu compte que je pleurais depuis une bonne minute. Je crois que ce genre de réaction différée ne m’était jamais arrivé avant. Je ne comprenais pas ce qu’elle chantait, mais ce qu’elle faisait avait quelque chose d’extraordinaire, de surhumain, même ».

L’opéra a toujours fait partie de la vie de Maggie Smith. « Mon mari en écoutait constamment » explique-t-elle. « C’est un univers qui m’est familier, j’ai adoré faire ce film. On avait l’impression de sentir la présence de Verdi, c’était fantastique. On se sentait submergé par l’émotion ». L’actrice parle de son respect pour les chanteurs d’opéra et les épreuves qu’ils rencontrent lorsqu’ils prennent de l’âge et qu’ils perdent leur voix. « En tant que chanteurs, vous êtes tellement dépendant de cet « instrument », vous devez vous inquiéter constamment de son état. Nous les acteurs, nous y pensons aussi bien sûr, mais pas au point que cela nous empêche de travailler. Ils ont un tel niveau d’excellence, leur travail est hors du commun ».

Tom Courtenay la rejoint sur ce point : « Les acteurs ont de la chance, leur corps ne les laisse pas tomber aussi vite. J’ai 74 ans, et c’est merveilleux de pouvoir encore trouver des rôles intéressants, et de garder cette envie de travailler. Les chanteurs d’opéra sont comme des athlètes ; c’est lorsqu’ils sont au sommet de leur art que leur corps commence à les trahir ».

« Pour moi, la vie est ainsi faite » dit Ronald Harwood. « Elle est incroyablement drôle et triste à la fois. C’est ce que j’ai essayé de montrer à travers cette histoire ». Pour Dustin Hoffman, le coeur du film repose sur son humour et son esprit. « Billy Wilder a dit : Si vous voulez dire la vérité au public, mieux vaut le faire avec humour. J’ai noté cette citation sur mon script, et je l’ai relue chaque jour ». « Je pense que les gens qui verront le film se diront que la vie ne s’arrête pas nécessairement après un certain âge, dit Maggie Smith. Il n’y a pas de quoi sombrer dans le désespoir ! ».

Billy Connolly résume ainsi le message du film : « Ne cessez pas de vivre avant que votre heure ne sonne. Intéressez-vous à tout jusqu’à la dernière seconde, toujours curieux de la vie. Ne les laissez pas vous nourrir, nourrissez-vous vous-mêmes ».

Publié le 04/04/2013 à 10:33 | Lu 1345 fois





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