Pour en finir avec le discours de guerre civile entre les générations : refuser le regard massificateur sur les générations (partie 2), chronique par Serge Guérin

La semaine dernière, j’ai insisté sur l’importance de nuancer la vision « enchantée » des années soixante-dix. Il importe aussi de redire que ces discours anti-âge cherchent à gommer les différences au sein d’une même génération, et nient par exemple, la diversité des situations des retraités.


En effet, quoi de commun entre un cadre supérieur ayant bénéficié d’un système de capitalisation maison et jouissant d’une pension confortable ; une femme très âgée vivant seule avec un minimum vieillesse de 628 euros par mois ou encore ; un nouveau retraité qui voit son pouvoir d’achat être divisé plus que par deux d’un seul coup ?

Si une part non négligeable des retraités d’aujourd’hui vit dans des conditions de vie très confortables, il en est aussi qui subissent les effets d’un pouvoir d’achat réduit et d’une fragilité croissante.

Il ne s’agit pas de nier que les jeunes générations –mais aussi les quadras pris entre deux feux générationnels- doivent affronter une réalité délicate. De fait, la nouvelle mondialisation et l’accélération des innovations techniques les obligent à une plasticité sociale et professionnelle complexe, sans compter que la société actuelle demande à la fois plus d’autonomie et offre moins de filets de sécurité. Il ne s’agit pas non plus, de passer sous silence le fait que de nombreux retraités découvrent la question de l’âge seulement lorsqu’ils y sont confrontés…

Sur un autre plan aussi, le discours jeuniste apparaît comme une approche intellectuellement hémiplégique, pour reprendre une formule de Raymond Aron, centrée sur une vision pessimiste des choses qui fait l’impasse sur les potentialités liées au vieillissement et aux nouvelles attentes des seniors.

Et oui, le vieillissement est source d’innovation, de création de richesses et de développement de l’emploi. La société du quaternaire, dont Michèle Debonneuil dans un ouvrage publié chez Bourin Editeur, a montré l’émergence, signe une transformation centrale des sources de création d’emplois et de richesse.

Une étude du Centre d'Analyses Stratégiques et du ministère du Travail présentée en janvier 2007 montre que cinq secteurs tertiaires dont, en premier lieu les services aux particuliers (415 000 emplois), la santé et l'action sociale (308 000) devraient concentrer l'essentiel des créations d'emplois durant les dix prochaines années. Signalons que la croissance annuelle du secteur des services à la personne est passée de 5% en moyenne à plus de 11% après la mise en marche du Plan Borloo de soutien à ce secteur.

Le Japon nous montre également qu’une société du vieillissement peut aussi produire de l’excellence technologique et favoriser la recherche.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG, vient de publier Vive les vieux !, Éditions Michalon
Pour en finir avec le discours de guerre civile entre les générations : refuser le regard massificateur sur les générations (partie 2), chronique par Serge Guérin

Publié le 14/07/2008 à 12:38 | Lu 5170 fois