Pour en finir avec le discours de guerre civile entre les générations : la question de l’habitat (partie 4), chronique par Serge Guérin

Dans cette analyse des facteurs qui vont à l’encontre du discours mortifère sur la guerre des générations, il importe de souligner que la ville au sens large, et l’habitat en particulier, sont des éléments essentiels pour produire de l’intergénération et casser les logiques de séparation.


En effet, l’évolution des formes de l’habitat peuvent permettre aux personnes âgées de rester dans des lieux qui forment une large part de leur identité. De même que l’organisation et la structuration de la ville, des espaces d’échanges, des modes de transports adaptés aux besoins et aux modes de vie sont essentiels pour permettre la rencontre entre les âges.

Il ne s’agit pas d’obliger, mais de permettre. Il importe de laisser chacun choisir ses moments d’échanges et ses périodes de retrait. La ville est l’espace du possible, elle ne doit pas devenir le cadre de la surveillance et de la relation formelle obligatoire.

L’enjeu d’un habitat intergénérationnel est central en ce qu’il doit épouser les évolutions de la société, la diversité des parcours de vie et la révolution des temps de la vie. L’habitat intergénérationnel est une porte d’entrée féconde pour permettre l’échange diversifié entre des générations toujours plus nombreuses.

De fait, pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, cinq générations peuvent coexister au sein d’une même famille, au sein d’un même espace. Il serait paradoxal que l’habitat se développe dans le sens inverse de cette nouveauté révolutionnaire !

Mais la notion de génération a profondément évoluée et recouvre désormais des réalités de plus en plus disparates, paradoxales et multiples. La rencontre et la déliaison entre les générations se fait dans l’espace public, en particulier dans la ville, le quartier, la résidence, le lieu d’habitation. Il devra aussi se faire à nouveau dans l’entreprise ou tout autre lieu d’exercice d’une activité.

Bref, les réalités des relations entre générations sont bien plus polymorphes, coopératives et riches que le triste regard de ceux qui perçoivent la réalité sociale seulement par le prisme de la concurrence et du rapport de force.

Finalement, la rencontre entre les générations se fait le plus souvent de façon simple : un projet commun, un intérêt partagé pour une cause, un loisir ou un sujet d’interrogation peuvent suffire à produire du lien. L’échange, alors, est fédéré par cette communauté d’intérêt qui relègue au rang d’accessoire la question de l’âge et de ses différences. Les différences peuvent être indifférentes.

Il faut rappeler que la qualité d’une société se mesure en grande partie à la manière dont sont traités les plus faibles. L’attention aux fragiles et aux fragilisés devrait être l’honneur de la démocratie, sa mesure ultime. Mais les tenants du discours jeuniste ne raisonnent pas en humanistes...

Serge Guérin
Professeur à l’ESG, vient de publier Vive les vieux !, Éditions Michalon
Pour en finir avec le discours de guerre civile entre les générations : la question de l’habitat (partie 4), chronique par Serge Guérin

Publié le 28/07/2008 à 11:58 | Lu 4813 fois