Poumon miroir : quand l'organe malade n'est pas celui qu'on croit, par le professeur Marc Humbert

Les poumons interagissent avec de nombreux organes, du cerveau à la peau en passant par le coeur. Les dysfonctionnements des uns retentissent sur les autres, et vice versa. Une maladie cardiaque peut ainsi s’exprimer par un essoufflement. A l’inverse, des symptômes qui semblent n’avoir rien à voir avec le poumon peuvent venir révéler une authentique maladie respiratoire. Le point avec le Pr Marc Humbert du Service de Pneumologie - Hôpital Bicêtre, APHP





 « C’est le concept du poumon miroir, peu connu et peu décrit, mais dont la réalité clinique est indéniable » précise Marc Humbert. Il peut compliquer à l’extrême le diagnostic, avec des situations dignes de figurer dans un épisode du célèbre Dr House… Tout l’enjeu consiste alors à ne pas se laisser leurrer par des reflets trompeurs venus d’ailleurs, pour mieux remonter à leur cause originelle : le poumon et les bronches.
 
Des ongles (très) bombés ?

Lorsqu’un bombement des ongles (en « verre de montre ») s’associe avec un élargissement de la dernière phalange des doigts (en « baguette de tambour »), on parle d’hippocratisme digital. « Il doit faire rechercher une maladie respiratoire, à commencer par le cancer broncho-pulmonaire et la dilatation des bronches » signale Marc Humbert. Un hippocratisme digital peut aussi traduire une fibrose pulmonaire idiopathique, une maladie rare au cours de laquelle le tissu pulmonaire devient rigide, ou encore des maladies extra-respiratoires, comme certaines cardiopathies congénitales ou une cirrhose hépatique.
 
Se réveiller fatigué et somnoler toute la journée ?

C’est peut-être la manifestation d’un syndrome d’apnée obstructive du sommeil, qui se traduit par des pauses respiratoires répétées durant la nuit. Dans la journée, il existe une somnolence intense (jusqu’à s’endormir au volant) et de grandes difficultés à se concentrer, mais aussi des maux de tête le matin. « Une fatigue chronique peut traduire de nombreuses maladies respiratoires, complète Marc Humbert. Les patients ne se disent pas toujours essoufflés, alors qu’ils le sont. Ils se sentent avant tout fatigués ».
 
Des malaises avec perte de connaissance ?

Une perte de connaissance brève et soudaine (syncope) fait plutôt penser à une maladie cardiaque. « Elle peut aussi révéler une hypertension artérielle pulmonaire 3» précise Marc Humbert. Dans cette maladie, une innovation récente a étonnamment rapproché les spécialistes du coeur et ceux des poumons. « Dans certains cas, les pneumologues pratiquent désormais, comme les cardiologues, une angioplastie, explique Marc Humbert. Elle consiste à dilater de l’intérieur les artères pulmonaires à l’aide d’un ballonnet, ce qui évite une opération lorsque l’hypertension pulmonaire est la conséquence d’embolies pulmonaires anciennes ». Cette option thérapeutique émergente est une avancée parmi de nombreuses autres pour cette maladie qui fera l’objet de nouvelles recommandations européennes en septembre 2015.
 
Un mal de dos trainant ?

En recrudescence, la tuberculose pulmonaire peut passer longtemps inaperçue. L’infection par le bacille tuberculeux est souvent bien plus bruyante lorsqu’elle diffuse et touche les vertèbres ou les disques intervertébraux (Mal de Pott). Elle se manifeste alors par des douleurs, dorsales ou lombaires dans la majorité des cas. « Les patients toussent souvent, sans toujours y faire attention, souligne Marc Humbert. La radio des poumons révèle des lésions évocatrices de tuberculose pulmonaire ».

Article publié le 20/01/2015 à 13:00 | Lu 5087 fois