Personnes âgées à domicile : le silence qui tue

Décédée suite à une listériose, ma mère ne s’alimentait plus depuis quelques jours et son intervenant n’a rien signalé. La faute à un système qui mure dans le silence les personnes âgées en maintien à domicile. Depuis trop longtemps ! Par Chi Minh Pham, président de l’association AiderNosParents, aidant d’une mère handicapée suite à un AVC datant de 2008 et décédée le 5 aout 2015…





J’étais en voyage du lundi 27 juillet au lundi 3 aout. Le soir du samedi 1er aout, ma mère a été  hospitalisée après que ma sœur lui ait rendu visite. Le 4 aout, j’ai pu la voir, heureusement…. Car le 5 aout, elle est partie… A partir du mercredi 29 juillet, ma mère ne s’est plus alimentée, elle s’affaiblissait, des bactéries commençaient à attaquer son foie et ses reins... Du mercredi au samedi midi, son intervenante à domicile était présente, mais n’a pourtant pas donné l’alerte.
 
Le devoir d’alerte et d’assistance en cas de nécessité est bien stipulé dans les fonctions de l’aide à domicile. L’intervenante est donc fautive. Son gestionnaire l’a d’ailleurs remercié, s’est excusé, puis a continué son business. Il faut pourtant changer ce système criminel, car il ne prévient pas les erreurs humaines. En rendant obligatoires les remontées d’information à temps, des vies pourraient être sauvées.
 
Mais personnes âgées et intervenants ne peuvent pas s’exprimer Pour que l’information puisse remonter, il faut faire s’exprimer les ainés et les intervenants.
 
La bonne pratique est pourtant simple : il faut garder 5 minutes pour faire un point à chaque fin d’intervention :

- l’intervenant demande alors à l’ainé si tout va bien,

- l’ainé répond à un rapide questionnaire, en quelques clics, avec l’aide de l’intervenant si nécessaire,

- l’ainé ou l’intervenant laisse un commentaire, simple comme un sms, si nécessaire,

- à chaque commentaire, la famille et le gestionnaire reçoivent une notification, réagissent, échangent, comme dans un réseau social. Or, aucun service d’aide, aucun projet de modernisation du secteur, ne s’intéresse aux avis et remarques des personnes âgées et des intervenants…
 
Certes, la pratique du cahier de liaison existe. C’est un carnet en papier laissé au domicile de l’ainé, sur lequel chaque intervenant gribouille ses observations. Mais problème…

1) Ce cahier sert aux transmissions entre intervenants, pas envers la famille à distance.

2) Malgré les discours commerciaux, très peu d’intervenants laissent des commentaires.

3) Malgré les discours commerciaux, très peu de gestionnaires lisent ce carnet, en supposant qu’il soit d’ailleurs ramené au bureau par l’intervenant !
 
Malgré les discours commerciaux et les mises en avant marketing, le suivi de ce qui se passe réellement à huis-clos entre personnes âgées et intervenants n’intéresse pas les gestionnaires. Ou si peu. Avec son dernier service d’aide sur les douze derniers mois, ma mère a eu droit à sept intervenantes (un sacré turnover !) et trois coordinatrices. Et aucune coordinatrice ne s’est proposée pour venir lui rendre visite…
 
C’est un manquement grave du système que notre association a maintes fois dénoncé, dans l’indifférence générale. Il est grand temps de rendre obligatoire la pratique du cahier de liaison moderne, numérique, collaboratif, partagé entre intervenants, personnes âgées, familles, et gestionnaires !
 
Un système inexcusable

La faute incombe au paradigme de télégestion qui s’est imposé depuis 1999, où les aînés sont considérés comme des patients en phase terminale ; de vulgaires objets sans âme bons à être « gérés à distance ». Ces personnes âgées sont certes dépendantes mais bien vivantes, et souvent durant plusieurs années encore !
 
Durant ses sept années de dépendance, ma mère a connu de nombreux systèmes de maintien à domicile. Et pour tous, le suivi des ainés à domicile se résume à une collecte industrielle des heures pour « accélérer la facturation » !
 
Au lieu de favoriser :

- la lutte contre l’isolement, l’éveil, la vigilance,

- l’interactivité, l’échange, la collaboration, le partage,

- bref, la vie,
 
Les acteurs de l’aide à domicile étouffent d’emblée le senior en l’empêchant :

- de s’informer, de valider ses heures,

- de s’exprimer, de donner ses avis,

- bref, d’exister.
 
Pire que la mort physique, la mort sociale de la personne âgée en maintien à domicile est révoltante.
 
Par Pham Chi Minh
Président AiderNosParents.org
Tél : 06 09 04 61 59
AiderNosParents,
31, rue Lavoisier,
92800 Puteaux.

Article publié le 19/08/2015 à 05:15 | Lu 5149 fois