Pathologies du foie : il faut un dépistage de masse !

Le professeur Patrick Marcellin, fondateur et organisateur de la Paris Hepatology Conference (PHC), souhaite la mise en place urgente de mesures à grande échelle pour enrayer la mortalité des maladies du foie et plaide pour le dépistage par un dosage systématique des transaminases lors des examens de routine. Explications.


La 11ème PHC, congrès annuel et international sur les maladies du foie, s’est ouverte lundi dernier à Paris réunissant plus de mille experts venus du monde entier. A cette occasion, les spécialistes ont fait un constat alarmant : la mortalité due aux maladies du foie -essentiellement des cancers- est en augmentation alors que ces maladies, contrairement aux autres maladies chroniques, peuvent être généralement guéries, prévenues ou contrôlées… évitant l'évolution vers le cancer.
 
Le problème ? Ces maladies sont souvent silencieuses et asymptomatiques ; et de fait, elles sont dans plus d'un tiers des cas, révélées à un stade trop évolué et… incurable.
 
Comme le souligne le Professeur Marcellin : « nous devons sensibiliser le public, les professionnels de santé et les autorités de santé publique pour encourager la mise en place de politiques efficaces afin de diminuer la mortalité liée aux maladies du foie à court et à long à terme ».
 
Et le spécialiste de poursuite : « le dosage des transaminases respecte tous les critères de dépistage : c'est un test simple, bon marché disponible partout et dont la sensibilité, lorsqu'il est correctement interprété, est satisfaisante. En d'autres termes, le dosage systématique des transaminases lors de tout examen de routine constitue aujourd'hui le meilleur outil pour dépister à grande échelle les maladies du foie encore trop souvent négligées ».
 
Les estimations mondiales actuelles, probablement sous-estimés, estiment à 844 millions le nombre de personnes qui seraient atteintes de ces pathologies responsables d'un taux de mortalité élevé : 2 millions de décès par an. A titre de comparaison, le diabète est responsable de 1,6 millions de décès et touche 422 millions d'individus !
 
Grâce aux nouveaux traitements et à la mise en place de politiques vaccinales, les experts prévoient une diminution progressive des maladies du foie d'origine virale et une augmentation massive des maladies du foie d'origine métabolique (NASH). Et dans plus d'un tiers des cas les maladies du foie se révèlent à un stade évolué !
 
La cirrhose et le cancer du foie (carcinome hépatocellulaire) sont les stades ultimes, le plus souvent mortels, des maladies chroniques du foie. Dans le monde, ces maladies, toutes causes confondues, entrainent chaque année 633.000 cirrhoses mais cette incidence est très certainement sous-estimée car la majorité des patients restent asymptomatiques.
 
Du fait de la difficulté de l'accès aux traitements, les continents les plus touchés par ce fléau sont l'Afrique et l'Asie. En France, la prévalence de la cirrhose augmente également : les derniers chiffres suggèrent que 700.000 personnes seraient atteintes de cirrhose, dont presqu’un tiers (30%) à un stade sévère ou de cancer, responsable de 10.000 à 15.000 décès par an.
 
Troisième cause de décès liés au cancer (692.000 cas par an dans le monde), le cancer du foie est responsable en Europe de 49,000 morts par an. On estime qu'à l'horizon 2030, le taux de mortalité pourrait augmenter de 50%.
 
En France chaque année, près de 9.000 nouveaux cas de cancer du foie sont rapportés conduisant au décès dans les trois-quarts des cas (près de 7.000 morts). La prise en charge trop tardive de ces cancers est le plus souvent uniquement palliative et la survie à cinq ans estimée à 10% seulement.
 
Dans ce contexte, dépister tôt une maladie du foie est impératif pour prévenir l'évolution vers un cancer du foie et seule une prise en charge précoce des cancers du foie pourra permettre d'envisager une guérison. 

​Transaminases élevées : le signal d'alarme d'un foie en souffrance

Fréquentes, silencieuses, généralement asymptomatiques quelques soient leurs causes, les maladies du foie sont méconnues du public et insuffisamment diagnostiquées par les médecins. Un taux élevé de transaminases constitue un indicateur fiable de l'inflammation du foie, mécanisme central responsable de la progression des maladies du foie.
 
Sa corrélation avec la sévérité de la maladie du foie n'est pas parfaite et toute augmentation, même minime doit alerter. C'est le meilleur test simple et bon marché permettant le dépistage d'une maladie du foie quelle qu'en soit la cause.
 
Le stade de la maladie, fibrose ou cirrhose, peut alors être déterminé dans un deuxième temps par des examens complémentaires fiables (scores, tests sanguins, élastométrie). La biopsie du foie qui permet de déterminer avec précision l'état du foie, procédure invasive et associée à une morbidité non négligeable, est rarement utilisée.

Publié le 19/01/2018 à 01:00 | Lu 1574 fois