Papi-sitter : entretien avec Gérard Lanvin qui revient en gendarme psycho-rigide

Grand retour de Gérard Lanvin dans ce nouveau film de Philippe Guillard qui joue avec son ami Olivier Marchal. Ils sont réunis pour interpréter en tandem, les grands-pères (radicalement opposés) de Camille, leur petite-fille qui n’est absolument pas prête pour son bac… Entretien avec Gérard Lanvin qui est le papy gendarme et rigoureux !





D’où vous est venue l’idée du film ? Philippe Guillard dit qu’au fond, c’est un peu grace à vous si Papi-sitter existe. Vous confirmez ?
« Affirmatif ! », comme aurait pu répondre André, mon personnage… (Rires) Quand on a largement passé la soixantaine et qu’on continue de ne vous proposer pratiquement que des rôles de mecs de 40 ou 50 ans, qu’il serait ridicule d’accepter, il faut bien prendre le taureau par les cornes et gamberger pour trouver des idées.
 
Pour André, le premier déclic est venu sur le tournage du Fils à Jo. Le père de Philippe était venu donner un coup de main. Il nous avait tous étonnés. Cet ancien capitaine de gendarmerie était tellement cadenassé dans ses principes et ses rituels, tellement raide et maniaque, qu’il nous faisait autant rire qu’il nous attendrissait.
 
J’ai soufflé à Philippe qu’il ferait un formidable personnage de comédie… que je me verrais bien jouer. Le temps est passé et m’est venue l’idée d’une histoire qui, à l’inverse de celle de Tanguy, parlerait d’un père qui viendrait s’incruster chez son fils, faute de ne plus savoir où aller.
 
J’en ai parlé à Philippe avec qui je suis ami depuis notre rencontre sur 3 Zéros et assez vite nous sommes tombés d’accord : ce père allait devenir un grand-père, gendarme à la retraite, à qui son fils demanderait de s’occuper de sa petite-fille… Et Philippe s’est mis à écrire.
 
Et le personnage de Teddy ?
Il est arrivé après. Quand Philippe m’a fait lire la première version de son scénario, j’ai trouvé qu’elle était trop parodique et qu’elle manquait de ressort. J’ai beau aimer Philippe, j’ai joué les emmerdeurs et lui ai rendu sa copie.
 
Comme j’avais très envie de retravailler avec Olivier Marchal, avec qui je m’étais régalé sur Le fils à Jo, Philippe a convenu de prendre deux papis, deux grands-pères comme deux frères ennemis, chargés de surveiller leur petite-fille qui va leur en faire voir de toutes les couleurs…
 
Non seulement le nouveau scénario tenait la route, mais Olivier et moi étions emballés à l’idée d’avoir comme partenaire une gamine de dix-huit ans. Grâce à elle, nous, les « sexas », nous retrouvions dans une comédie transgénérationnelle, humaine et attendrissante. C’était aussi enthousiasmant que lorsqu’on s’était retrouvés face au petit Jérémie du Fils à Jo.

Jouer avec et pour des gens d’une autre génération que la vôtre est-il important pour vous ?
Indispensable ! Vous croyez qu’arrivés à nos âges, on rêve de jouer les gentils papis ? (Rires) On cherche plutôt des rôles de types peu convenables. Qu’ils soient dans l’aigreur ou dans la méchanceté, on s’en fout. Ce qui compte est qu’ils dépotent et que sous leurs défauts, ils véhiculent les valeurs qui sont les nôtres.
 
Le Teddy d’Olivier est dingo, égoïste et fêtard, mais en même temps c’est un homme fragile qui a beaucoup d’amour et d’amitié à donner. Mon André est du même acabit. Sous ses monceaux de principes et d’obsessions, il a un cœur d’or et il est persuadé de n’agir que pour le bien de tous.
 
André est-il proche de vous ?
Par certains côtés, oui. Même si je suis un homme plus tolérant et moins raide que lui, je vis, comme lui, selon certains principes, qui m’ont été inculqués par mon père. En matière d’éducation, par exemple, je suis assez pointilleux. Mes enfants n’ont pas été laissés livrés à eux-mêmes à longueur de journée, devant une tablette ou un ordinateur.
 
Je m’en suis occupé ! Je me suis efforcé de leur transmettre quelques valeurs humaines qui me semblent fondamentales, comme l’honnêteté et le respect de la parole donnée. Sans ces valeurs, que je me suis efforcé de suivre, je n’aurais certainement pas eu le même parcours.
 
Aujourd’hui, ces principes disparaissent. Même dans le milieu du cinéma. Avant, on avait affaire à des « Messieurs » avec de la mentalité, qui avaient des paroles d’homme, des Fechner, des Poiré, des patrons de groupe et des réalisateurs qui se comportaient « à la régulière » et savaient reconnaitre au premier coup d’œil à qui ils pouvaient faire confiance.
 
Pour la génération d’aujourd’hui c’est souvent le paraître et l’argent vite gagné qui comptent d’abord. Elle n’écoute pas grand monde, ne croit qu’en elle-même et recherche les « bons coups » avant tout.
 
Que vous jouiez les caïds comme dans Le Boulet, les chauffeurs de maitre dans Le gout des autres ou les grands-pères psychorigides comme ici, votre engagement est impressionnant. Vous n’êtes jamais en « surplomb » par rapport à vos personnages, vous les « écoutez » …
Je ne m’en rends pas compte. Lorsque j’accepte un rôle, c’est pour le jouer de l’intérieur, pas pour « faire le malin » avec lui. Mais pour que je l’endosse, il faut qu’il ait de la consistance et que le composer m’amuse. Avec sa psychorigidité démesurée et sa sensibilité exacerbée, André avait tout pour me plaire. Il était bien écrit – merci Philippe – et me donnait du grain à moudre. C’était un vrai personnage de cinéma…
 
Pour en revenir au film… ascetisme et rigueur oblige, votre André a une silhouette impeccable : ventre plat et forme olympique. Vous y êtes-vous préparé physiquement ?
Je ne me suis jamais préparé spécifiquement pour un rôle, mais j’ai toujours fait beaucoup de sport, en salle et en plein air, individuel et en équipe. Plus jeune, c’était un mode vie que je partageais avec certains amis, comme Bernard Giraudeau. À l’époque les gens se foutaient de nous. On m’a même traité de « Musclor ».
 
Mais nous on faisait ça pour nous, pas pour le cinéma, tout en se disant quand même, qu’à l’écran, il valait mieux être présentable qu’avoir l’air minable. J’ai dû forcer un peu, car aujourd’hui, ça tiraille de partout. J’ai même dû récemment me faire opérer du genou. Mais pour en revenir à votre question, la forme physique qu’affiche André n’est en fait que le résultat de plus de 40 ans d’une bonne hygiène de vie et d’exercices.
 
Hier, Les Spécialistes avec Bernard Giraudeau, Les frères pétard avec Jacques Villeret, Marche à l’ombre avec Michel Blanc, Le Boulet avec Benoît Poelvoorde, aujourd’hui, Papi-sitter avec
Olivier Marchal… quel plaisir avez-vous à jouer en tandem ?

Le ping-pong verbal qu’il implique ! À condition, bien sûr, que le partenaire soit « réglo », et laisse son ego au placard, c’est un des meilleurs trucs que je connaisse pour booster son taux d’adrénaline ! Mais il faut faire attention. Les duos de cinéma sont comme les duos de clowns. Il faut un clown blanc et un Auguste.
 
Comme j’appartiens à la catégorie des clowns blancs, il faut qu’on me trouve des Augustes. Mais pas n’importe lesquels. Pour que je turbine à fond, il m’en faut des « rock’n’roll ». J’ai été vernis. Tous ceux que vous avez cités avaient ou ont tous un petit grain, Olivier en tête.
  
À qui s’adresse Papi-sitter ?
À tout le monde car c’est un film qui peut émouvoir et faire rire à la fois les grands-parents, les parents et les enfants. C’est une comédie « populaire » dans le sens où on peut tous se retrouver. Sous sa dimension comique et burlesque, elle parle, avec simplicité et tendresse, des « choses » de la vie. J’espère que les gens vont avoir autant de plaisir à la découvrir qu’on en a eu, nous, à la tourner.

Le film est sorti le 4 mars dernier


Article publié le 06/03/2020 à 01:00 | Lu 3034 fois