Mieux comprendre le suicide des personnes âgées

Le CHU de Nîmes -soutenu par la Fondation APICIL- réalise une grande étude visant à mieux comprendre les mécanismes spécifiques de la vulnérabilité suicidaire chez la personne âgée déprimée. Ces travaux de neurosciences cognitives vont tenter de révéler les marqueurs neurocognitifs associés au risque de passage à l’acte suicidaire chez le sujet âgé déprimé.


On le sait peu, mais de toutes les tranches d’âge, ce sont les personnes âgées qui présentent les taux de suicide les plus élevés… Le fait est que le suicide d’un ainé reste un phénomène tabou dont on parle peu... Nettement moins que celui des jeunes dans tous les cas !
 
Si pour certains, l’âge est associé à l’idée de sagesse, notion éloignée de l’idée de suicide, pour d’autres, le suicide représente une certaine idée de liberté, celle de choisir l’heure et le jour de sa mort. Pourtant, les études montrent que les idées suicidaires sont fortement corrélées à la maladie mentale. Il ne s’agirait donc pas de l’expression d’un choix rationnel mais plutôt, d’une intense souffrance individuelle.
 
Un des mécanismes suicidaires centraux est la douleur psychologique intense. De nombreux chercheurs pensent que le suicide n’est pas la recherche de la mort en soi mais plutôt un moyen, désespéré, de mettre fin à cette douleur que certains patients ont décrite comme « plus forte que la plus forte des douleurs physiques ».
 
À ce jour, peu de données existent concernant les fondements cérébraux de la douleur psychologique en général, et très peu d’études ont examiné le fonctionnement cérébral du sujet âgé à risque suicidaire.
 
Dans ce contexte, ce projet du CHU de Nîmes vise donc à améliorer la compréhension du processus suicidaire en étudiant spécifiquement, à l’aide de la neuropsychologie et de la neuro-imagerie, les bases cognitives et cérébrales de la vulnérabilité suicidaire. Les chercheurs étudient notamment le fonctionnement cérébral associé à la douleur psychologique chez la personne âgée déprimée.
 
Des travaux de recherche précédents, menés par le Dr Fabrice Jollant (investigateur principal) ont mis en évidence chez des adultes d’âge moyen -ayant une histoire personnelle de tentative de suicide- en comparaison de patients sans histoire personnelle de tentative de suicide, des profils cognitifs particuliers : ils présentent notamment une tendance à prendre des décisions risquées et une sensibilité accrue à certains signaux sociaux comme la menace, l’injustice ou l’exclusion sociale.
 
Ces différents profils expliqueraient que les patients à risque suicidaire ressentent une plus grande souffrance quand ils sont confrontés à certaines situations sociales difficiles, et qu’ils y répondent par des décisions qui les mettent en danger. Par ailleurs, ces profils ont été associés au dysfonctionnement de certaines régions du cerveau.
 
Durant l’étude présentée ici, les participants passent plusieurs tests neuropsychologiques qui mesurent leur manière de prendre des décisions, de contrôler leurs pensées mais aussi leurs capacités de mémoire ou d’attention et autres processus cognitifs. Ensuite, ils procèdent à une session d’une heure dans une IRM. Durant cette session d’imagerie, l’activité cérébrale est mesurée au repos et lors d’une tâche de prise de décision, ainsi que la structure du cerveau et les connexions entre les différentes régions du cerveau.
 
Ces travaux de neurosciences cognitives vont tenter de révéler les marqueurs neurocognitifs associés au risque de passage à l’acte suicidaire chez le sujet âgé déprimé. Ces études contribuent déjà à changer le regard de la société sur les personnes ayant tenté de se suicider, tentatives souvent interprétées comme une conséquence unique de la dépression.
 
A moyen terme, les connaissances accumulées par ces études auront deux types de retombées :
- d’une part, développer des marqueurs prédictifs du risque de passage à l’acte permettant de répondre à la question : « qui est plus particulièrement à risque suicidaire élevé durant une dépression ? » ;
- d’autre part, développer des thérapies plus personnalisées ciblant notamment 1) la douleur psychologique dans la prévention à court terme du suicide lors d’un épisode dépressif ; 2) les processus neurocognitifs persistants (comme la prise de décision risquée) afin de réduire le risque de nouvelle crise suicidaire à l’avenir.

Le suicide des ainés au Japon

Selon des chiffres récents publiés par le gouvernement japonais, globalement, un quart (23,6%) des Japonais aurait déjà envisagé de se suicider au moins une fois dans sa vie, les femmes (25,6%) étant un peu plus concernées que les hommes (21,4%). En revanche, les hommes passent plus souvent à l’acte que les femmes : sur les 21.764 suicides, 15.000 concernent les hommes et 6.800 des femmes.
 
A noter que pratiquement un tiers (30,1%) des personnes âgées de 50 ans et plus ont déjà pensé à se donner la mort et 19,1% des 70 ans et plus. Par rapport aux autres tranches d’âge étudiées, les quinquas et plus ont le pourcentage le plus élevé et les septuagénaires ont le plus faible.
 
Rappelons qu’au Japon, le suicide n’est pas regardé comme un pêché. Cette notion typiquement chrétienne, n’existe pas là-bas. Le suicide est plutôt considéré comme une responsabilité, spécialement chez les personnes âgées qui parfois, estiment qu’elles sont une charge pour leur famille ou la société. Certains proches font même pression sur leurs ainés, leur faisant comprendre très clairement qu’ils « ne servent à rien » et que le mieux qu’ils aient à faire, est de se supprimer.  

Publié le 04/12/2018 à 01:00 | Lu 7173 fois