Maladies métaboliques et cardiovasculaires : une véritable politique de prévention est-elle possible ?

La prévention est l’un des piliers de la nouvelle Stratégie nationale de santé et passe notamment par le contrôle des maladies métaboliques et cardiovasculaires. Afin qu’elle prenne corps dans la grande loi de santé à venir, un panel d’experts et de professionnels se sont réunis le 28 novembre à l’Assemblée nationale pour en débattre dans le cadre d’un colloque co-organisé par l’Institut Pasteur de Lille et la Fondation PileJe.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le Mercredi 8 Janvier 2014

« Mieux vaut prévenir que guérir. » Cet adage, tout le monde le connaît et y adhère.
 
Pourtant, le système de santé français est encore centré sur le curatif. Mais, la prévention fait partie des objectifs prioritaires de la stratégie nationale de santé présentée par Marisol Touraine le 23 septembre dernier. Nous sommes à la veille d’un changement de paradigme. Et heureusement !
 
Un rapport du CESE (Conseil Économique Social et Environnemental) daté du 14 février 2012 a montré qu’en la matière la France est à la traîne. Notre pays souffre de fortes inégalités sociales et régionales, d’une mortalité prématurée élevée et d’une moindre espérance de vie sans incapacité par rapport à d’autres pays.
 
L’explosion des maladies métaboliques et cardiovasculaires y est pour beaucoup : 147.000 Français meurent encore chaque année d’un infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire cérébral, 4% des Français adultes souffrent de diabète, et près de 15% de la population adulte est obèse. Or, s’ils sont nombreux, la majorité des déterminants de ces pathologies sont connus, et beaucoup d’entre eux sont modifiables (sédentarité, tabagisme, déséquilibre alimentaire, stress).
 
La prévention constitue dès lors le meilleur moyen d’enrayer la progression de ces fléaux. Mais comment ? Une vraie politique de prévention des maladies métaboliques et cardiovasculaires est-elle possible ?
 
Pas d’approche univoque et simpliste

Cette question a été longuement débattue fin novembre à l’Assemblée nationale, où élus, professionnels de santé, responsables d’associations, institutionnels et chercheurs, de France mais aussi de Finlande et d’Angleterre, ont fait émerger des pistes de réflexion en vue de l’élaboration de la grande loi de santé qui sera présentée en 2014. En tant que marraine de l’événement, Bernadette Laclais, députée de Savoie, rapporteur pour avis du volet santé du projet de loi de finances 2014 a en effet insisté sur la nécessité que les acteurs de terrain « alimentent la réflexion des députés, afin qu’ils puissent porter un regard complet sur ces questions complexes ».
 
Le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition à l’Institut Pasteur de Lille et modérateur du colloque, a justement décrit toute la complexité des déterminants des maladies métaboliques et cardiovasculaires. Ces pathologies sont multifactorielles, mêlant facteurs prédisposants (génétique), favorisants (modes de vie) et déclenchants (évènements), tous interdépendants.
 
« Les discours doivent donc être nuancés. Les causes et la physiopathologie de ces affections sont d’une grande complexité et hétérogénéité. Il faut éviter d’avoir une approche univoque et simpliste », conclut le nutritionniste. Ainsi, si l’alimentation constitue un angle d’attaque majeur, des leviers tels que l’activité physique, dont les bénéfices santé dépassent parfois ceux des médicaments, ne doivent pas être négligés. Le Pr Martine Duclos, conseillère scientifique pour le ministère des Sports, les a longuement décrits et travaille actuellement à leur promotion via les réseaux sport santé.
 
Le médecin traitant pivot de la prévention

Certains professionnels de santé ont ajouté à cela le besoin de personnalisation de la prévention. Une dimension essentielle, car si « les politiques ont à s’occuper de la santé de tous, les médecins prennent en charge la santé de chacun », relève un médecin de l’auditoire. Ce rôle central du médecin traitant dans la prévention pourrait être exercé via des consultations dédiées, à certains âges clés de la vie. Maintenant, cette solution comporte certains freins, tels que la formation initiale des médecins, aujourd’hui exsangue de prévention ; le manque de temps des médecins généralistes pour de telles consultations qui, pour être complètes, nécessitent environ une heure ; ou encore leur rémunération, car il est difficilement concevable de ne régler que 23 euros une heure de consultation de prévention…
 
Une politique globale contre les inégalités sociales

Pour Thibault de Saint-Pôl, sociologue à la Dress (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) l’augmentation des pathologies métaboliques et cardiovasculaires ne doit pas faire oublier les inégalités sociales qui les concernent. « Les politiques de santé publique se sont longtemps concentrées sur l’amélioration de la santé des populations en moyenne », a-t-il pointé. Il conviendrait donc désormais de mettre l’accent sur leur distribution, sans quoi le risque serait d’accroître les inégalités de santé qui, en outre, ne relèvent pas seulement d’une question de santé. « Elles s’associent aux autres inégalités sociales (ressources, logement, etc.), explique-t-il. Les politiques doivent donc s’attaquer à l’ensemble des causes d’inégalités en agissant de façon globale sur les conditions de vie. »
 
L’évaluation : une nécessité

Autre point essentiel mis en exergue durant les échanges : la nécessité d’évaluer les actions mises en place. Car les politiques de prévention doivent suivre le sacro-saint précepte médical Primum non nocere. Inutile ? Pas du tout ! En délivrant des messages trop généraux par des biais parfois inadaptés, les campagnes de prévention peuvent avoir des effets adverses. Le Pr Carolina O.C. Werle, chercheur en marketing social à l’université de Grenoble, a ainsi montré que les messages sanitaires apparaissant en bas des publicités étaient trop souvent contreproductifs : généralement mal interprétés (comme pouvant accompagner les produits à privilégier), ils peuvent également constituer une justification pour une consommation hédonique (par exemple, « je peux manger ce produit puisque je suis venu travailler en vélo »).
 
D’où son appel du pied : « Par leurs connaissances, les chercheurs en sociologie et en psychologie ont des éléments à apporter pour aider au choix des bonnes stratégies de prévention qui doivent, dans tous les cas, faire l’objet d’une évaluation au préalable. » Par ailleurs, une politique n’est efficace que si elle est relayée par des initiatives de terrain qui doivent, elles aussi, être évaluées de manière systématique. Le but n’étant pas de juger, mais de référencer les mesures efficientes afin qu’elles puissent être reproduites, à l’instar du projet Asalée (patients diabétiques) qui développe la coopération médecin/infirmière pour une meilleure prise en charge du patient grâce à l’éducation thérapeutique.
 
Ainsi, l’idée serait d’arriver à une sorte de registre des « bonnes actions » à l’usage des ARS, mais aussi des médecins, afin qu’ils orientent leurs patients vers les structures existantes sur leur territoire. Car si le cap est donné à l’échelon national, l’arrivée à bon port ne pourra se faire sans l’appui de l’échelon local et de ceux qui travaillent au plus proche des Français.
 
La Finlande, un exemple en matière de prévention

Le colloque a permis de faire connaître des exemples de politique santé innovants et efficients à l’international. Antero Kiviniemi, conseiller affaires sociales, santé et assurances à la délégation permanente de la Finlande a présenté le projet Carélie du Nord, lancé en 1972, véritable référence internationale. « Le projet Carélie du Nord est le premier qui a cherché et qui a aussi réussi à changer radicalement les mauvais modes de vie de toute une population…. la région de la Carélie du nord, avait le taux de mortalité dû aux maladies cardio-vasculaires le plus élevé du monde, à la fin des années 60. Grâce à ce projet et grâce notamment aux changements comportementaux, cette mortalité et notamment celle due à la maladie coronarienne a diminué de 85 % dans la région, en trente ans, et respectivement l’espérance de vie moyenne s’est prolongée de dix ans ». explique Antero Kiviniemi L’intégralité des transcriptions est en pièce jointe ou disponible sur demande pour un envoi courrier.

Des pistes pour une prévention efficace des maladies métaboliques et cardiovasculaires

- Prendre en compte l’étiologie complexe de ces pathologies pour définir des approches multifactorielles.
- Mettre le médecin traitant au centre du dispositif en instaurant des consultations de prévention, justement rémunérées, à certains âges de la vie.
- Adopter une politique globale s’attaquant à l’ensemble des causes d’inégalités sociales afin de ne pas creuser les inégalités de santé.
- Évaluer au préalable les campagnes de prévention pour éviter les effets adverses.
- Établir un registre des initiatives locales efficaces afin qu’elles soient connues des médecins et reproductibles sur d’autres territoires.










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