Maladies cardiovasculaires : où en sommes-nous en 2012 ?

Alors que se tiennent actuellement à Paris au Palais des Congrès les 22ème Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (SFC), des professeurs et des médecins font le point sur nos connaissances actuelles en matière de maladies cardiovasculaires.





Le point avec le professeur Nicolas Danchin, de l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) à Paris : où en sommes-nous en 2012 ?

De nos jours, les maladies cardiovasculaires (MCV) présentent une situation de paradoxe. En effet, bien qu’au niveau mondial elles soient au premier plan des causes de mortalité et que les projections des vingt prochaines années tendent à montrer que cette situation sera constante, on observe actuellement une tendance inverse extrêmement favorable dans les pays industrialisés.

Ainsi, en France, la fréquence des MCV est l'une des plus faibles au monde (notamment par rapport aux pays d'Europe du nord et d'Europe centrale et de l'est). Entre 1980 et 2004, la mortalité cardiovasculaire a diminué de 56% positionnant le cancer comme la première cause de mortalité dans notre pays.

Cette réduction est due d’une part, aux progrès de la prévention et d’autre part, aux améliorations considérables du traitement des maladies cardiaques déclarées durant ces trois dernières décennies. Malgré ces performances, les courbes pourraient remonter dans les années à venir et les causes en sont nombreuses :

- le tabagisme, qui après une baisse notable, ne diminue plus de nos jours et pourrait même s’accroitre de nouveau. La situation est particulièrement inquiétante chez les femmes jeunes, qui sont les plus touchées ;

- l’augmentation considérable et continue du poids et la proportion grandissante de l'obésité, liées à la sédentarité croissante des populations, qui risque d’entrainer une véritable épidémie de diabète, lui‐même à l'origine de maladies cardiovasculaires graves ;

- les succès des traitements des principales maladies cardiologiques, comme l'infarctus, associés au vieillissement de la population dont la conséquence est l’augmentation de l'insuffisance cardiaque.

Le rôle essentiel des traitements dans la prévention secondaire des maladies cardiovasculaires par le professeur Laurent Fauchier de Tours

La prévention primaire, destinée à éviter l’apparition des maladies cardiovasculaires, repose principalement sur le respect des règles hygiéno-diététiques. Les médicaments ont eux un rôle majeur dans la prévention secondaire et permettent : de prévenir l’aggravation d’une de ces maladies lorsqu’elle est apparue ; de prévenir des complications cardiaques et vasculaires : en particulier lorsqu’il existe une hypertension artérielle, un diabète ou une dyslipidémie, pour limiter le risque de maladie coronaire et d’infarctus du myocarde ; et d’éviter les récidives d’accident cardiaque ou cérébral.

Dans ces différents cas, il faut surveiller tous les facteurs de risque.

Quel traitement dans quelle situation ?

- Le traitement pharmacologique anti-hypertenseur est justifié lorsque la pression artérielle est élevée (> à 140/90 mmHg).

- Les bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone (inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II) sont les médicaments les mieux adaptés pour prévenir les complications cardiovasculaires. Ils sont également prescrits chez les patients souffrant d’une dysfonction ventriculaire gauche afin de réduire le risque de complications cardiovasculaires et de décès. Ils sont aussi indiqués chez les diabétiques ayant de l’hypertension ou une néphropathie afin de protéger leur rein à moyen et à long terme.

- Les statines ont montré leur bénéficice à court, moyen et long terme pour faire baisser le cholestérol, en particulier le LDL-cholestérol (lipoprotéines de petite densité), dit « mauvais cholestérol », en dessous de 1g/l voir 0,8g/l.

- Les traitements médicamenteux anti-diabétiques peuvent être nécessaires chez le diabétique.

- L’aspirine est recommandée pour presque tous les stades de maladie cardiovasculaire athéromateuse et chez les patients dont le risque est jugé supérieur à 10 % lorsque la pression artérielle est contrôlée (méthode SCORE ).

- Les bêta-bloqueurs sont recommandés après un infarctus du myocarde et chez les patients en insuffisance cardiaque car ils permettent de diminuer la mortalité, en particulier la mortalité subite, et la morbidité.

- Les anti-coagulants oraux permettent de fluidifier le sang et d’éviter la formation de caillots susceptibles de boucher les artères.

Education thérapeutique du patient (ETP) et maladies cardiovasculaires chroniques par le professeur Yves Juillière de Nancy

Les maladies cardiovasculaires chroniques (maladie coronaire, insuffisance cardiaque, hypertension artérielle) sont des pathologies fréquentes dues à la fois au vieillissement de la population et aux progrès thérapeutiques majeurs qui caractérisent la discipline cardiologique. Le nombre croissant de patients concernés pose aujourd’hui un réel problème de santé publique.

En France, l’intérêt pour l’éducation thérapeutique du patient (ETP) a tardé à se développer et a pris son essor au début des années 2000. C’est grâce à la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) que son importance a pu être reconnue dans la prise en charge des pathologies chroniques. L’ETP permet de rendre le patient plus autonome, de maintenir et d’améliorer sa qualité de vie.

De plus, des réseaux et des programmes se sont développés permettant la formation des personnels et la création d’outils spécialement dédiés. La mise en place du programme I-CARE pour l’insuffisance cardiaque demeure un des exemples les plus aboutis.

Depuis 2011, un programme de formation de patients-experts cardiaques est en cours avec l’appui de la Direction Générale de la Santé (DGS), déjà impliquée dans l’évaluation de l’impact de l’éducation thérapeutique du patient dans l’insuffisance cardiaque au travers du registre ODIN . La mise en place de cellules éducatives, constituées d’un cardiologue et d’une infirmière, pourrait représenter une solution simple et moins onéreuse que le développement de réseaux ou de vastes programmes de prise en charge multidisciplinaire et multi-professionnelle.

Seniors et maladies cardiovasculaires par le docteur Laura Ernande de Lyon

Les pathologies cardiaques les plus fréquentes telles que l’insuffisance cardiaque, les coronaropathies, la fibrillation atriale, les valvulopathies ou les troubles conductifs augmentent fortement avec l’âge.

Avec le vieillissement de la population (8, 9 % de la population française âgés de 75 ans ou plus à la fin 2010) et l’amélioration des moyens thérapeutiques en cardiologie, l’âge moyen des patients présentant une ou des pathologie(s) cardiovasculaire(s) s’accroit : les patients âgés de 80 ans ou plus sont de plus en plus nombreux.

Plusieurs problèmes se posent quant aux traitements de ces malades très âgés :

- c’est une population particulièrement fragile du fait de la fréquence des comorbidités, de la polymédication et du risque accru d’iatrogénie ,

- la majorité des grands essais cliniques ont été menés au sein de populations ne comprenant pas ou peu de sujets âgés ou très âgés. Par conséquent, la majorité des recommandations des sociétés savantes ne s’appuient que sur des études ne prenant pas en compte les spécificités liées à cette population.

Une prise en charge insuffisante des pathologies chez les sujets très âgés

Depuis peu, la communauté scientifique nationale et internationale a exprimé le besoin et a reconnu la nécessité d’étudier de manière distincte la population des sujets âgés et d’éditer des recommandations professionnelles adaptées à ces patients à haut risque.

De nombreux registres mettent en évidence la prise en charge insuffisante des pathologies cardiaques et tendent à prouver que des réflexions sont encore à mener sur cette question :

- le registre européen Euro Heart Failure Survey II montre par exemple que bien qu’on note une amélioration par rapport au début des années 2000, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chez les octogénaires reste actuellement insuffisante avec une sous utilisation et/ou un sous dosage des thérapeutiques médicamenteuses recommandées ;

- le registre de la Société Française de Cardiologie FAST-MI a également montré que 30,6 % des patients présentant un syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST ont 75 ans ou plus et que seulement 38,5 % d‘entre eux bénéficient d’une thérapeutique de reperfusion,

- enfin, le registre OCTOCARDIO a montré que les thérapeutiques recommandées dans l’insuffisance cardiaque, la fibrillation atriale et les cardiopathies ischémiques étaient sous utilisées chez les patients de plus de 80 ans (cette sous-utilisation des thérapeutiques médicamenteuses n’est pas associée à la présence de comorbidités).

Femmes et risque cardiovasculaire par le professeur Florence Leclercq de Montpellier

Contrairement aux idées reçues, les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité chez les femmes. Elles sont responsables de quatre à six fois plus de décès que le cancer du sein. Relativement épargnées avant la ménopause, les femmes ont un risque cardiovasculaire identique à celui de l’homme après 70 ans.

Les maladies des artères du cœur (artères coronaires) sont les plus fréquentes et les plus graves, et sont notamment responsable de la survenue de l’infarctus du myocarde, dont le pronostic est en général moins bon chez les femmes que chez les hommes. Les facteurs expliquant ce pronostic défavorable sont doubles. D’une part, le diagnostic est souvent plus tardif (on n’y pense pas) et la maladie est souvent découverte au stade des complications. D’autre part, la prise en charge médicale et interventionnelle est souvent moins bonne que chez l’homme.

Les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires chez les femmes sont :

- le tabagisme, en particulier chez la femme jeune. Plus de 60 % des infarctus de la femme de moins de 50 ans sont attribuables au tabac. En France, parmi les femmes hospitalisées pour un infarctus, le nombre de celles de moins de 50 ans est passé de 3,7 % en 1995 à 11,9 % fin 2010,

- le diabète,

- l’obésité,

- le manque d’activité physique, plus fréquent chez la femme que chez l’homme.

Les spécificités cliniques des maladies cardiovasculaires de la femme

Il est souvent plus difficile de diagnostiquer ces maladies chez la femme que chez l’homme car les symptômes ne sont pas les mêmes. De plus, les examens de dépistage ayant été pour la plupart uniquement validés chez l’homme, la rentabilité en est donc moins bonne pour la femme. Les maladies cardiovasculaires de la femme ont donc des spécificités cliniques que les médecins doivent connaître afin de les diagnostiquer au mieux.

En conclusion, les progrès thérapeutiques des vingt dernières années ont permis une diminution importante des complications et de la mortalité de ces maladies. Cependant, ces bénéfices ont surtout été notés chez les hommes, les femmes restant globalement moins bien prises en charge. De plus, les traitements ont souvent la réputation erronée d’être moins efficaces ou plus dangereux. Les MCV de la femme sont donc fréquentes et graves. Les médecins comme les patientes doivent être sensibilisés à ce risque. Le rôle de la prévention est essentiel, notamment en ce qui concerne le tabagisme. La prise en charge médicale doit associer un diagnostic rapide et, quand cela est nécessaire, la mise en œuvre des thérapeutiques modernes médicamenteuses et non médicamenteuses afin de diminuer les complications dues à ces maladies.

Article publié le 12/01/2012 à 10:51 | Lu 2724 fois