Lola : deux grands-mères de Manille confrontées à un drame commun (film)

Lola, le dernier film de Brillante Mendoza, qui met en scène deux grands-mères de Manille confrontées à un drame commun : le petit-fils de l’une tue le petit-fils de l’autre, vient de sortir en vidéo. En savoir plus sur le rôle des grands-parents philippins avec les commentaires de ce jeune réalisateur philippin.





L'histoire

Lola : deux grands-mères de Manille confrontées à un drame commun (film)
A Manille, deux mamies se trouvent confrontées à un drame commun : Lola Sepa vient de perdre son petit-fils, tué d’un coup de couteau par un voleur de téléphone portable ; Lola Puring est la grand-mère du jeune assassin, en attente du procès.

L’une a besoin d’argent pour offrir des funérailles décentes à son petit fils, pendant que l’autre se bat pour faire sortir son propre petit-fils de prison. Déambulant dans les rues de la ville, sous une pluie battante, elles luttent infatigablement pour le salut de leur famille respective…


Commentaires du réalisateur Brillante Mendoza

Notre humanité peut être pesée et mise en équilibre sur la balance de la justice. Dans Lola, un crime va révéler les forces et les fragilités de deux vieilles dames. L’une s’avère être faible, l’autre forte. L’équilibre de l’humanité est sauvegardé, et comme dans la nature, c’est le plus fort qui survit. Mais la valeur humaine est régie par le statut social.

Lola
« Lola » signifie « grand-mère » en Tagalog. Les Philippins sont très respectueux de leurs aînés, particulièrement des grands-parents. Le respect des personnes âgées est quelque chose dont les Philippins peuvent être fiers, aujourd’hui et pour les années à venir. Les grands-parents jouent un rôle majeur dans la famille philippine. On sait que les Philippins tissent des liens étroits à l’intérieur de leur famille. Quand les parents ne sont pas là, les enfants sont toujours confiés aux grands-parents. D’ailleurs, ils traitent souvent leurs petits-enfants mieux que leurs propres enfants. Dans de nombreux cas, les grands-parents dépassent même les limites du raisonnable en gâtant à l’excès leurs petits-enfants.

Les grands-mères
Dans Lola, les deux grands-mères sont jouées par des actrices professionnelles. J’avais déjà ces deux actrices en tête quand la scénariste et moi avons imaginé cette histoire il y a deux ans. Anita Linda qui joue Lola Sépa a 84 ans et Rustica Carpio qui joue Lola Puring a 79 ans. C’est toujours une joie de travailler avec des professionnelles comme elles, elles ne se sont jamais plaintes pendant le tournage malgré toutes les difficultés logistiques que nous avons pu rencontrer.

Des faits réels
Le film se base sur des faits réels. J’ai situé cette histoire pendant la saison des pluies, dans un quartier de Manille en lutte contre l’adversité. Au fond, les Philippins sont des survivants. Pour eux, l’épreuve fait partie de la vie, ils gardent toujours espoir. Ils tentent de trouver la paix et la consolation grâce à la prière.

La bureaucratie et les formalités
Aux Philippines, comme dans tout pays industrialisé, l’accès à la modernité peut s’avérer compliqué, en particulier pour les personnes âgées. La vie urbaine est nerveuse et intense. La plupart du temps, on considère les vieillards comme gênants et inutiles tout simplement parce qu'ils sont lents et en dehors des modes. De nos jours, on peut tout obtenir d’un clic sur internet, mais dans les pays en développement, les choses se compliquent pour les personnes âgées en raison des procédures administratives.

Les quartiers inondés
Le film a été tourné à Malabon, dans le plus important quartier de Manille, qui se situe à 45 minutes du centre ville. Ce quartier est inondé toute l’année. Le niveau des eaux varie en fonction des averses de pluie. Les gens qui vivent dans cette partie de la ville submergée par les eaux ont décidé d’y rester parce qu’ils n’ont pas d’autre endroit où loger. J’ai décidé de tourner dans ce quartier pour montrer les conditions de vie de ses habitants, comment ils s’en sortent au quotidien et comment ils se sont adaptés à un tel environnement. Comme le démontre le film, malgré des conditions de vie précaires, ils parviennent toujours à trouver des solutions à leurs problèmes.

La saison des pluies
J’ai tourné le film en juin 2009 pendant la saison des pluies. Je tenais vraiment à ce ciel sombre et couvert, pour susciter la douleur qu’éprouvent les deux grands-mères durant tout le film. Nous avons recréé la pluie et le vent au moment du tournage. Nous ne pouvions pas dépendre des averses réelles, car les caméras et les éclairages auraient été mouillés. Sans compter le danger des câbles électriques exposés à la pluie. L’eau est aussi symbolique dans Lola. A la fois, elle peut être source de vie, mais peut aussi être signe de stagnation et d’insalubrité. Nous pouvons flotter sur l’eau, mais nous pouvons aussi nous y noyer.

La procession funéraire
La procession funéraire qu’on aperçoit dans Lola est typique dans ces régions inondées. De la même façon, il existe dans certaines parties des Philippines de célèbres parades fluviales qui célèbrent la saison des pluies. La personne qui tombe à l’eau au début de la scène de la procession ne le fait pas accidentellement, mon assistant réalisateur et moi-même le lui avions secrètement demandé ! Nous voulions surprendre tous les figurants et il s’est avéré qu’ils ont effectivement tous ri de lui à ce moment-là, ce qui rompait le silence et le caractère solennel de la scène.

Prison
Toutes les scènes de prison ont été tournées dans une vraie prison. Tous les gens aperçus à l’intérieur sont en fait de vrais prisonniers ou de vrais gardiens, mis à part le masseur, qui est mon assistant réalisateur.

Le vol de téléphones portables
Un vol de téléphone portable est mis en lumière dans le film. Aux Philippines, la caution fixée pour ce type de délits est plus élevée que pour d’autres, en raison de leur croissance galopante, surtout sur les enfants riches. Un téléphone portable haut de gamme est devenu le symbole d’un certain statut pour les adolescents. Le film démarre sur un gros plan montrant de l’argent et l’argent est au cœur du dénouement du film. L'argent est en fait la source de tous les maux. Dans Lola, l'humanité des deux grands-mères est mise à l’épreuve, elles doivent répondre aux besoins de leurs proches, mais pas forcément de leurs propres besoins à elles. Les dépenses accordées à la vie et à la mort dépendent de notre statut social. Plus vous êtes riche, plus la mort coûte cher. Mais si vous êtes pauvre, la vie peut être négociable, comme on le voit dans le film.

Lola
Long-métrage réalisé par Brillante Mendoza
Avec Anita Linda, Rustica Carpio, Tanya Gomez, etc.

Film disponible en DVD depuis le : 6 octobre 2010

Article publié le 29/10/2010 à 08:01 | Lu 2017 fois