Loi Pacte : objectifs et propositions (partie 2)

La loi Pacte s’est fixée comme objectif de financer l’économie française de façon plus efficace, de mieux associer les salariés aux fruits de la croissance, et d’encourager l’épargne et l’investissement des français, notamment en vue d’un complément de retraite. Marie Brière (responsable du Centre de Recherche aux Investisseurs, Amundi et professeur associé à Université Paris Dauphine) et Xavier Collot (directeur Épargne Salariale & Retraite Amundi) font le point sur cette question.


Peu d’appétit des individus pour les rentes viagères
En Australie, les individus se voient offrir trois choix. Quasiment 50% choisissent de récupérer leur capital, et 50% les versements programmés qui leur permettent de garder une exposition aux actifs risqués. Une très faible minorité choisit d’acheter l’annuité (moins de 1%). Au Royaume-Uni, la réforme de 2014-2015 (Pension Freedom) a supprimé l’annuitisation obligatoire et a vu chuter dramatiquement la valeur totale des contrats vendus au profit des stratégies de retraits programmés.
 
Lorsque Amundi et Natixis AM ont sondé leurs clients sur leur souhait concernant l’évolution du Perco (sondage réalisé auprès de 131 000 clients des 2 institutions), 48% d’entre eux ont indiqué vouloir continuer à faire fructifier leur capital après la retraite, 20% vouloir le convertir en rente fixe lors du départ à la retraite, et 15% récupérer leur capital pour pouvoir en disposer librement. Ces chiffres reflètent bien la diversité des situations et des besoins individuels.
 
L’avantage de la flexibilité
La solution optimale pour la retraite fait appel aux 2 types de produits : rentes et solutions de placement. Les travaux théoriques sur le sujet préconisent une stratégie d’annuitisation graduelle où l’individu conserve du capital investi en actifs risqués longtemps après le départ à la retraite, afin de pouvoir bénéficier de la prime de risque (et donc du surcroît de rendement associés). L’autre avantage de l’annuitisation graduelle, est qu’elle permet aux individus de ne pas avoir à prendre, le jour du départ à la retraite (ou même dans certains cas bien avant), une décision irréversible de conversion de l’ensemble de leurs avoirs en rente.
 
La flexibilité permet également de mieux adapter la stratégie de conversion en rente aux situations de marché, et notamment de stopper temporairement la conversion en annuités lorsque le niveau des taux est très bas et les rentes particulièrement onéreuses, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous vivons plus vieux, et la durée de la retraite s’allonge.
 
Dans ce contexte, conjugué à un niveau exceptionnellement bas des taux d’intérêt, la phase de retraite doit pouvoir être conçue comme une phase active d’investissement, permettant de poursuivre la réalisation de projets pendant la retraite, tout en sécurisant progressivement les besoins essentiels de consommation sur la fin de vie.
 
La flexibilité peut enfin inciter à plus d’épargne. Aux Etats-Unis, dans le cadre du 401k*, des travaux académiques ont montré que la possibilité de pouvoir accéder à ses fonds avant la retraite (sous la forme de retraits ou d’emprunt) a un impact significatif sur la propension à épargner, augmentant le taux de contribution de 1%.
 
En offrant la possibilité de choisir librement son mode de sortie sur tous les produits d’épargne retraite, voire de panacher entre les 2 types de produits, chaque individu pourra choisir la solution qui lui semble la plus adéquate selon sa situation : sa couverture retraite de base et complémentaire, son capital épargné, ses besoins de liquidité, sa situation familiale (les couples ont par exemple des besoins de protection contre la longévité plus faibles que les personnes seules), ses besoins de consommation, son désir de legs, etc.
 
4. Intéresser les salariés à la performance de leur entreprise via un meilleur partage des profits et de la croissance
La rémunération participative renforce la cohésion sociale au sein de l’entreprise
L’épargne salariale est un moyen simple d’intéresser les salariés à la performance de leur entreprise, via la distribution d’intéressement et de participation, voire la mise en place d’un plan d’actionnariat salarié, dispositifs aujourd’hui promus par la proposition de loi. Aujourd’hui en France, seuls 16% des salariés des entreprises de moins de 50 salariés bénéficient d’un dispositif d’intéressement ou de participation. L’objectif de la loi serait de doubler ce chiffre.
 
Les modes de rémunération participatifs (intéressement, participation, investissement en actions de l’entreprise) sont souvent considérés comme une forme de démocratie économique, permettant de réduire les conflits entre salariés et employeurs, de renforcer la cohésion sociale et l'égalité, en distribuant les résultats économiques de l’entreprise plus largement et plus équitablement.
 
Un certain nombre d’études mettent en évidence un engagement et une identification plus forte des salariés à leur entreprise lorsqu’ils en sont actionnaires. L’impact sur la satisfaction professionnelle, la motivation des salariés ou la productivité des entreprises n’est pas uniforme selon les travaux, mais en moyenne la présence d’actionnariat salarié est associée à une performance des entreprises, et des gains de productivité de l’ordre de 4 à 5%.
 
Un mécanisme important pour les petites entreprises Aujourd’hui, les mécanismes d’intéressement et l’actionnariat salarié sont surtout développés dans les grandes entreprises, alors même qu’en théorie, les gains de productivité devraient être plus importants dans les entreprises plus petites, où les incitations individuelles à s’engager sont plus fortes lorsque les profits doivent être partagés entre un plus petit nombre de salariés. Promouvoir ces modes de partage des profits au sein des petites et moyennes entreprises a donc toutes les raisons d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises.
 
Actionnariat salarié : facteur de stabilité du capital
Pour les entreprises, disposer d’un actionnariat salarié est aussi une source de stabilité du capital. Dans de nombreuses circonstances, les managers et les employés s’allient contre des OPA hostiles, et réduisent significativement leurs chances de succès. Aux Etats-Unis, de nombreuses entreprises ont établi des plans d’actionnariat salarié (Employee stock ownership plan, ESOPs) à la fin des années 80 pour se prémunir contre des prises de contrôle.
 
*Le Plan 401(k) est un système d'épargne retraite par capitalisation utilisé aux États-Unis

Publié le 26/06/2018 à 01:00 | Lu 2246 fois