Lever les freins à l'insulinothérapie chez les diabétiques âgés : apport de nouvelles aiguilles

La prévalence du diabète augmente dans les différentes tranches d’âge de la population mais cette constatation concerne tout particulièrement les sujets âgés en raison de l’amélioration de l’espérance de vie. Ce fait constitue un réel problème de santé publique puisque le quart des diabétiques est âgé de plus de 75 ans.


Le passage à l’insuline chez les sujets diabétiques âgés est fréquemment nécessaire, en raison de l’insulinopénie progressive qui se traduit par l’impossibilité de parvenir aux objectifs glycémiques sous antidiabétiques oraux, par une sarcopénie ou une perte de poids spontanée.
 
La constatation d’une contre-indication aux antidiabétiques oraux et notamment d’une insuffisance rénale est également une circonstance fréquente où la prescription d’une insulinothérapie devient nécessaire (1). Dès lors, reste à convaincre le malade de la nécessité de recourir à l’insuline.
 
Les freins à l’insulinothérapie : l’insuline un médicament qui fait peur
 
Le passage à l’insuline génère fréquemment beaucoup de réticences, en raison des craintes imprimées dans l’imaginaire des malades.

Les objections soulevées par les diabétiques lors de l’évocation de l’insulinothérapie sont multiples : crainte que le diabète soit devenu plus grave et que ce traitement soit « à vie ». Les exemples familiaux où la mise à l’insuline a précédé la survenue de complications, voire du décès, la peur des hypoglycémies, de la prise de poids et enfin la crainte des piqûres sont les objections habituellement soulevées, lors de ce changement de cap dans le traitement du diabète.
 
Cependant, l’acceptation de l’insuline est le plus souvent acquise après quelques mois en raison de la dédramatisation des injections et du bien-être apporté par le traitement.

L’initiation de l’insulinothérapie nécessite naturellement une éducation thérapeutique adaptée qui, dans l’idéal, doit être fournie au malade lui-même ; le recours à l’entourage ou aux aidants devient indispensable lorsque les fonctions cognitives sont altérées.
 
Reste toutefois l’inconfort des injections qui persiste même après cette période d’acceptation.
 
Quelle autonomie du sujet âgé diabétique ?
 
La mise en place d’une insulinothérapie chez un sujet diabétique âgé amène à s’interroger sur les possibilités réelles de sa réalisation.
 
- Peut-il pratiquer lui-même ses injections, ses glycémies capillaires et adapter son traitement ? Les limites dans la pratique peuvent provenir d’une altération des facultés cognitives, de troubles sensoriels ou d’une maladresse gestuelle. Dans tous ces cas, l’entourage familial ou les aidants pourront-ils l’aider dans cette démarche ?

- Veut-il pratiquer lui-même ses injections ? La pratique du traitement peut amener des contraintes que le sujet âgé n’est pas forcément disposé à accepter. Ce passage à l’insuline doit donc être expliqué et ne pas conduire à une altération de la qualité de vie.
 
En pratique, de nombreux sujets âgés nécessitent l’intervention d’une infirmière libérale en particulier chez les sujets isolés dans leur logement. Le passage d’un paramédical au domicile permet de surveiller l’état de santé du malade et ses conditions de vie, la prise de médicaments et de réaliser dans le même temps une glycémie capillaire et l’injection d’insuline.
 
Apport des nouvelles aiguilles
 
Tout argument venant à dédramatiser et à faciliter le passage à l’insuline chez les sujets âgés est donc le bienvenu, tel que l’amélioration des moyens d’administration de l’insuline et le recours à des aiguilles plus courtes et comportant deux biseaux supplémentaires.
 
La taille des aiguilles est un point important. Une aiguille longue et de fort calibre peut constituer aux yeux du patient un élément inquiétant générateur d’anxiété et de rejet. En revanche, les aiguilles courtes de 4 et de 5 mm apparaissent comme un facteur rassurant, permettant de banaliser les injections.
 
La question qui se pose est de savoir si ces aiguilles courtes sont utilisables chez les sujets âgés. Les études montrent que l’épaisseur du derme, quel que soit l’âge, se situe entre 1,8 et 2,5 mm (2), l’épaisseur du tissu sous-cutané seule variant en fonction de la surcharge pondérale. La résorption de l’insuline ne diffère pas selon la profondeur de l’injection pourvu qu’elle se situe dans ce tissu sous-cutané.
 
L’important est d’éviter les injections intramusculaires facteurs de résorption rapide de l’insuline et donc d’hypoglycémies dont on connaît la gravité chez les sujets âgés.

Ce type d’aiguille facilite également l’injection par le malade et par l’infirmière (qui est souvent concernée) puisqu’il n’est pas nécessaire de faire de pli cutané et que l’injection s’effectue de façon perpendiculaire à la peau. L’utilisation des aiguilles courtes de 4 et 5 mm est donc parfaitement possible chez ces malades et semble même préférable en raison de la fréquence de l’atrophie et de la fragilité cutanée des seniors.
 
Particulièrement fines (32 Gauges soit 0,23 mm de diamètre (3)), les aiguilles de 4 mm à 5 biseaux réduisent la douleur des injections. La pénétration plus aisée des aiguilles comportant 5 biseaux permet de diminuer la force qui est nécessairement utilisée lors de la piqûre. En conséquence, le risque d’injection par voie intramusculaire est moindre puisque le tissu sous-cutané est moins comprimé lors de l’injection.
 
L’apport de ce type d’aiguille peut également s’appliquer pour les injections des analogues du GLP1 bien que cette classe médicamenteuse soit un peu moins utilisée chez les sujets très âgés en raison de la possibilité de troubles digestifs.
 
Le confort qui résulte de ces avancées technologiques devrait permettre de mieux faire accepter l’insulinothérapie chez les diabétiques âgés et en conséquence d’améliorer l’observance des injections d’insuline.
 
Un recours encore hésitant
 
Ainsi, en pratique quotidienne, le recours à l’insuline est encore hésitant chez les diabétiques âgés. Ce fait tient aux appréhensions des malades ou de leur entourage, mais également trop souvent aux craintes des médecins et à leur manque d’habitude dans le maniement de l’insuline. Pourtant, les insulines modernes ainsi que l’amélioration des matériels d’injection et de contrôle rendent plus sûr et plus aisé le passage à l’insulinothérapie.
 
La difficulté majeure qui persiste réside dans l’adaptation de l’éducation thérapeutique de ces malades et le recours fréquemment nécessaire d’aidants ou de paramédicaux dont la formation doit être assurée. Toutefois, des progrès considérables ont été faits ces dernières décennies permettant de facilité la prise en charge des diabétiques et l’acceptabilité de l’insulinothérapie.
 
La mise sur le marché d’aiguilles plus courtes et limitant la douleur apporte un élément de progrès supplémentaire très appréciable, notamment chez les diabétiques âgés. La technique d’injection est en effet un élément important qui concourt à un meilleur équilibre des diabétiques.
 
Par le professeur Bernard Bauduceau, ancien Chef du Service d’Endocrinologie de l’Hôpital d’instruction des Armées Bégin, Trésorier adjoint de la Société Francophone du Diabète

Bibliographie
1. Bauduceau B, Berrut G, Blicklé JF et al., Guide pour la prise en charge du diabétique âgé. Médecine des maladies métaboliques, 2008. 2. Hors série 1. S69-S121.
 
2. Gibney MA, Arce CH, Byron KJ, Hirsch LJ., Skin and subcutaneous adipose layer thickness in adults with diabetes at sites used for insulin injections: implications for needle length recommendations. Curr Med Res Opin 2010;26:1519-30.
 
3. Hirsch L, Gibney M, Berube J, Manocchio J., Impact of a Modified Needle Tip Geometry on Penetration Force as well as Acceptability, Preference, and Perceived Pain in Subjects with Diabetes. J Diabetes Sci Technol 2012;6:328-35.
 
4. Pornet C, Bourdel-Marchasson I, Lecomte P, et al, ENTRED Scientific Committee, Trends in the quality of care for elderly people with type 2 diabetes: the need for improvements in safety and quality (the 2001 and 2007 ENTRED Surveys). Diabetes Metab 2011;37:152-61.
 
5. Doucet J, Bauduceau B, Le Floch JP, et al et l’intergroupe francophone de Diabéto- Gériatrie ALFEDIAM-SFGG, Existe-t-il un lien entre l'équilibre glycémique et la morbi- mortalité chez les diabétiques de type 2 de plus de 70 ans ? Intérêt de la mise en place d’une première étude prospective. Médecine des maladies Métaboliques 2009;3:203-6.

Publié le 14/08/2015 à 03:04 | Lu 2636 fois