Les yeux ouverts un film de Frédéric Chaudier : avant-première d’un film sur les soins palliatifs (2)

A l’occasion de la Journée mondiale des soins palliatifs, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé et Nora Berra, secrétaire d’Etat chargée des Aînés, ont assisté lundi 11 octobre 2010 à l’avant-première du film « Les Yeux ouverts » de Frédéric Chaudier. Trois questions au Dr Regis Aubry ; président du comité de suivi du développement des soins palliatifs au ministère de la Santé et au Dr Daniel d’Herouville Médecin-Chef à la Maison Médicale Jeanne Garnier.


Ce long métrage, qui sera projeté en salle à partir du 3 novembre propose une approche originale des questions de la fin de vie et des soins palliatifs, en mettant en scène le quotidien des malades, des familles et des soignants au sein de l’unité de soins palliatifs de la maison médicale Jeanne Garnier.

Conçu comme un documentaire, ce film permet de réinvestir la réflexion autour de la fin de vie et de sensibiliser le grand public aux enjeux de la démarche palliative.

Trois questions au Dr Regis Aubry ; président du comité de suivi du développement des soins palliatifs au ministère de la Santé

Le ministère de la Santé est coproducteur du documentaire de Frédéric Chaudier. Comment est née cette collaboration ?

Frédéric Chaudier est un homme qui a éprouvé la dimension bouleversante de l’accompagnement. Il a voulu communiquer cet éprouvé, témoigner de son importance capitale dans l’équilibre des hommes. Il a réalisé ce film dans une structure de soins palliatifs dans laquelle il a pu capter toute la densité de vie, qui y règne. Le résultat de son travail est un formidable témoignage sur le sens de la vie qui peut se concentrer à la fin de celle-ci ; c’est une invitation à une forme de méditation sur l’altérité et la finitude de l’homme, sur la relativité de la vie.

Ce film est essentiel dans notre société qui a tendance à escamoter le sens que donne à la vie ce temps ultime de solidarité. Le programme national de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie, qui est une priorité française en matière de santé publique, comporte un volet destiné à l’information du public. Il m’est apparu essentiel, dans ce cadre, de promouvoir le documentaire de Frédéric Chaudier parce que les questions posées par la fin de vie ne sont pas solubles dans la médecine : elles sont des questions de société.

Quelques jours après la table ronde à l’Assemblée nationale, une avant-première du film a été organisée le 11 Octobre 2010 au ministère de la Santé, dans le cadre de la Journée mondiale des soins palliatifs. Quelle est l’implication exacte des institutions face à cette problématique ?

Les capacités de la médecine à maintenir en vie des personnes qui seraient mortes sans elle et le vieillissement de la population du fait de l’amélioration de la santé, rendent nécessaires de penser différemment la fin de vie. La fin de vie s’allonge, et pas seulement la fin de vie sans maladie ni handicap. Cette évolution pose la question de la qualité et du sens de cette période ; elle impose de penser les limites et les capacités de notre société à accompagner ces « fins de vies prolongées ». Depuis dix ans, la France s’est engagée au travers de trois plans de santé publique successifs dans une véritable politique de développement des soins palliatifs.

Le retard qui caractérisait notre pays dans ce domaine est en train de se combler. Les structures de soins palliatifs se développent. La perspective de création d’une filière universitaire dans ce domaine laisse espérer que les acteurs de santé intégreront demain la démarche palliative à leur pratique et que des travaux de recherche enrichiront les connaissances dans ce domaine.

Pensez-vous que le film peut sensibiliser et changer le regard de la population sur les services de soins palliatifs en milieu hospitalier ?

C’est pour cela que j’ai demandé à madame la ministre de la Santé d’aider au financement de ce film. Le long métrage de Frédéric Chaudier est une immersion dans une réalité que chaque homme essaie de ne pas voir parce qu’il la craint. La fin de vie y est montrée dans toute sa réalité. Ce temps est riche d’émotion et de spiritualité. Ce temps est aussi lourd de souffrance existentielle… On voit, par l’image et la parole de ceux qui vont mourir, de ceux qui les accompagnent, que ce temps est un temps de vie qui peut être riche, qu’il a du sens s’il est accompagné et reconnu.

Trois questions au Dr Daniel d’Herouville Médecin-Chef à la Maison Médicale Jeanne Garnier

Comment avez-vous accueilli le projet de Frédéric Chaudier et comment s’est déroulé votre collaboration ?

Ma démarche, depuis plusieurs années, est de favoriser ou valoriser tout ce qui peut être produit sur les soins palliatifs par d’autres personnes que des professionnels. C’est encore trop souvent nous, les professionnels, qui parlons ou défendons les soins palliatifs. Frédéric nous propose, à partir de ce qu’il a vécu, de montrer ce qu’il en est des soins palliatifs et de l’accompagnement, sans prosélytisme, de façon naturelle, avec sa perception. Je n’ai pas eu une hésitation.

Par ailleurs, je m’attendais à cette proposition, parce que Frédéric nous avait dit qu’il reviendrait ! La collaboration s’est passée sans problème. J’espère avoir été à l’écoute de Frédéric et aussi lui avoir apporté les éléments dont il pouvait avoir besoin. Ce film est son oeuvre.

Vous êtes l’ancien Président de la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs). Est-ce que ce documentaire peut être un outil de travail dans vos démarches officielles ; auprès du personnel médical et bien sûr, des patients ?

Je pense que ce film peut tout à fait avoir un impact. Je privilégierais l’impact sur le grand public. Ce sont des films comme celui-là qui pourront aider certaines personnes à prendre conscience de ce que ces moments de la fin de vie peuvent représenter, du fait qu’elle fait aussi partie de la vie et qu’il y a encore quelque chose à vivre. Il pourra également être utilisé pour travailler certains points avec des professionnels.

Quelle est la place aujourd’hui des soins palliatifs dans la société et quelle est votre position par rapport à l’euthanasie ?

Cette discipline est encore fragile : elle est considérée, par certains, comme accessoire, secondaire… voire un luxe ! Alors que pour moi, c’est une spécialité à part entière qui est aussi essentielle que le reste de la médecine : est-il acceptable d’abandonner ces personnes fragilisées par la maladie, parce que la médecine ne peut pas les guérir ? Ces personnes ont besoin qu’on prenne soin d’elles, qu’on les accompagne… Concernant l’euthanasie, je considère que la position prise par l’Assemblée nationale répond au souhait de la majorité des Français qui ne veulent pas souffrir, qui ne veulent pas d’acharnement thérapeutique, mais qui ne veulent pas non plus qu’on mette fin à leur vie brutalement sans leur demander leur avis.

Pour moi, la très grande majorité des personnes qui demandent l’euthanasie est composée de patients qui, par cette demande, crient leur détresse de ne pas être soulagées, de souffrir et de ne pas être entendues dans leurs souffrances… Quand on les écoute et quand on fait tout pour les soulager, ces personnes ne parlent plus d’euthanasie. Fort de ce constat, il est clair que l’euthanasie est une mauvaise réponse à une vraie demande. Dans ce contexte également se justifie la nécessité de continuer à développer les soins palliatifs et l’accompagnement partout où des personnes devraient pouvoir en bénéficier. La question de l’euthanasie devrait être abordée de façon plus claire et plus transparente, sans ambiguïté.

Publié le 14/10/2010 à 08:01 | Lu 3162 fois





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