Les tics et les tocs qui abîment nos dents au quotidien

Inconsciemment ou non, nous sommes nombreux à avoir de mauvaises habitudes qui traumatisent nos dents : mal se les brosser, les utiliser comme ouvre-bouteille, se ronger les ongles, etc. Ces tics ont des conséquences néfastes sur leur santé. Inoffensives en apparence, ces petites manies provoquent en effet des dégâts importants. Dossier réalisé d'après un entretien avec le docteur Jacques Wemaere, chirurgien-dentiste expert pour l'ADF.


L’ADF dresse la liste « des Tics et Tocs » qui peuvent entraîner caries, usure, déchaussement, infection, édentement...
 
Se servir des dents comme outil
Ouvrir un sachet avec ses dents, couper du fil, arracher l’étiquette en plastique d’un vêtement, casser une noix… Les dents prennent souvent la place des ciseaux, des pinces, ou des décapsuleurs. Pourtant, chaque fois que l’on utilise ses dents comme un outil, celles-ci risquent de s’effriter, se casser ou s’affaiblir. Le revêtement de protection de l’émail se détériore en le laissant vulnérable à la carie. Les chocs répétés et les micro-fissures causent leur usure, des fêlures et même des fractures.
 
La bouche, miroir du stress
Chacun d’entre nous peut être confronté à des périodes ou des situations stressantes. Se ronger les ongles, s’arracher la peau des lèvres, etc. sont des tics nerveux, nourris par le stress. Porter les doigts à la bouche est source de bactéries qui peuvent la détériorer. En effet, le dessous des ongles constitue un vrai repaire de germes capables, par exemple, d’augmenter le risque de contracter un rhume ou toute autre infection.
 
Par ailleurs, se ronger les ongles peut avoir une incidence sur l’occlusion dentaire. Les dents peuvent ainsi commencer à se déformer, se fendre, voire même se déchausser. Le stress peut causer des pensées inquiétantes ce qui peut amener à serrer involontairement la mâchoire et/ou générer un grincement des dents pendant le sommeil, appelé bruxisme.
 
Selon une étude, le bruxisme touche 8 à 10% de la population adulte. Il y a plusieurs circonstances pour lesquelles nous serrons également les dents en pleine journée : la concentration, la tension, l’effort et la répétition. Ces situations entraînent une forte pression sur les dents, sur le parodonte et l’articulation de la mâchoire. Serrer les dents peut aller de la petite fracture, visible à la loupe jusqu’à la fracture soudaine, d’une dent déjà fragilisée.
 
Toutes ces pressions ont également des conséquences au niveau des muscles et de l’articulation de la mâchoire : douleurs lors de la mastication, crispation, craquements, blocages temporaires,… Cette association de douleurs et de dysfonctionnement s’appelle le désordre temporo-mandibulaire. Le parodonte (l’ensemble des tissus qui soutiennent les dents) est lui aussi sensible au stress que nous ressentons.
 
Le stress a un impact négatif sur notre système immunitaire et va perturber la réaction de notre organisme face à une attaque bactérienne. Pour prévenir ces infections du parodonte, une excellente hygiène buccale s’impose avec un contrôle régulier chez le dentiste. Le stress joue également un rôle sur les muqueuses de la bouche : aphtoses, glossodynies (douleurs sur la langue) ou stomadynies (douleurs sur les muqueuses buccales).
 
Ce sont des pathologies difficiles à traiter, les chirurgiens-dentistes orientent les patients vers des médicaments spécifiques visant le système nerveux pour diminuer la douleur.
 
La bouche et les piercings, tatouages, maquillage permanent
Le piercing dans la bouche est une pratique de plus en plus courante chez les jeunes et qui existe aussi chez « les moins jeunes ». Mais cette pratique est loin d’être banale et sans risques. En effet, la bouche est un endroit humide contenant des millions de bactéries. C’est le milieu idéal pour le développement d’infections.
 
Parmi les risques et complications liés au piercing des lèvres et de la langue à court terme, on remarque :
Troubles de l'élocution et difficulté à mastiquer
Saignements, infections
Douleurs et picotements
Salivation accrue
Gonflement de la langue (qui peut aller jusqu’à bloquer les voies respiratoires) ou gangrène
 
Plusieurs vaisseaux sanguins et nerfs importants peuvent être affectés par le piercing de la langue.
 
A moyen et long terme, la pression et le frottement exercés par le fermoir ou la bille sur les dents et les gencives peuvent provoquer :
Fractures des dents
Fissures et éclats de l'email dentaire
Récession des gencives et déchaussement des dents, gingivites
Modification de la position des dents
 
Les « white addicts »
Le blanchiment dentaire (ou éclaircissement) permet d’éclaircir la couleur des dents afin de leur redonner un éclat et une brillance plus « attractifs ». Ce traitement est proposé « en ambulatoire » c’est-à-dire qu’il est effectué par le patient à son domicile. Mais nombreux sont ceux qui veulent toujours du « plus blanc que blanc ». Attention car il faut savoir poser l’indication et éviter l’addiction.
 
La bouche et les addictions
Le chirurgien-dentiste est la « sentinelle des addictions » : il est en position de prévenir un certain nombre d’addictions, en particulier au tabac, à l’alcool, et à d’autres drogues plus occasionnellement. Cependant, l’impact important des addictions sur la santé bucco-dentaire est insuffisamment connu par le grand public.
 
Tabac : il tabac influe sur la physiologie de la cavité buccale et entraîne de nombreuses et lourdes conséquences au niveau de la santé bucco-dentaire : la perte des dents après l’évolution défavorable d’une parodontite, le développement de pathologies dentaires dues à la fumée du tabac, un retard de cicatrisation après des actes chirurgicaux intra buccaux, une altération du goût, de l’odorat, des modifications salivaires, des cancers buccaux, … Selon les études, un fumeur a un risque de développer une parodontite 2 à 8 fois plus élevé qu'un non-fumeur.
 
Alcool : la plupart des études concernant les effets de l’alcool sur l’état bucco-dentaire montrent principalement que l’alcool aggrave ou accélère les effets du tabac au niveau parodontal et les pathologies tumorales. Il est également démontré que l’abus d’alcool affaiblit le parodonte, avec pour conséquence un édentement partiel, ou total prématuré.
 
Stupéfiants : l’utilisation régulière de drogues illicites peut provoquer des dommages significatifs sur les dents :
- Cannabis –cette herbe peut causer l’assèchement de la bouche et conduire à un risque accru de problèmes de gencives. La fumée peut causer le cancer de la bouche ;
- Cocaïne : les utilisateurs frottent parfois la cocaïne sur leurs gencives, provoquant une ulcération de la gencive et de l’os sous-jacent. La cocaïne mélangée avec de la salive crée une solution très acide qui érode l’émail des dents et expose la dentine à des bactéries causant les caries. La cocaïne et le crack provoquent l’assèchement de la bouche, ce qui augmente davantage le risque de carie dentaire ;
- Ecstasy : les effets secondaires de cette drogue sur la santé dentaire se résument au grincement des dents, serrage de la mâchoire et à la bouche sèche ;
- Héroïne : les personnes dépendantes à l’héroïne ont tendance à consommer plus d’aliments sucrés qui peuvent augmenter le risque de caries si l’hygiène dentaire est négligée. L’héroïne peut également causer l’assèchement de la bouche et le bruxisme ;
- Méthamphétamine : ce médicament provoque de graves caries dentaires dans un temps très court. La méthamphétamine est très acide et attaque l’émail des dents. Elle est également synonyme de bouche sèche, bruxisme et mâchoire serrée. C’est de loin la pire catégorie de drogues pour la santé bucco-dentaire.

Publié le 06/12/2019 à 03:00 | Lu 8842 fois