Les stratégies actuelles et futures pour une alimentation de qualité chez les seniors

Chaque année, le congrès Goût-Nutrition-Santé est organisé à Dijon par le pôle de compétitivité Vitagora pour réunir chercheurs, industriels et professionnels de santé sur un thème défini. 2012 étant l’année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, le choix s’est naturellement porté sur la nutrition des seniors pour cette 7ème édition. Ainsi, du 20 au 22 mars 2012, deux jours de communications scientifiques et de débats ainsi qu’une journée de formation permettront de faire le point sur ce thème particulièrement sensible.


Le maintien d’une alimentation répondant aux besoins nutritionnels liés à l’âge tout en assurant un certain plaisir gustatif est un enjeu majeur, aussi bien au niveau individuel que collectif.

Face aux handicaps physiques et sensoriels apparaissant avec le vieillissement, les sujets âgés mettent en place différentes stratégies pour s’adapter et préserver autant que possible leur qualité de vie.

Ces stratégies concernent de nombreux aspects de la vie quotidienne, notamment l’alimentation. Sur le plan collectif, différents axes de recherche ont été développés pour prévenir la dénutrition des personnes âgées et corriger certaines anomalies métaboliques ou fonctionnelles.

Stratégies individuelles compensatoires

Pour faire face au vieillissement, différentes stratégies peuvent être mises en place par les individus dans leur vie quotidienne, selon les moyens matériels, physiques et psychiques dont ils disposent. Pour l’alimentation, cette adaptation est nécessairement très large car elle concerne le choix des aliments mais aussi les modes de préparation, l’organisation des courses, le nombre et la composition des repas.

Certains aliments sont abandonnés car ils ne peuvent plus être ingérés facilement, parce qu’il devient difficile d’aller les acheter ou de les cuisiner, ou parce qu’ils ne procurent plus de plaisir gustatif. Par exemple, les légumes frais peuvent être remplacés par des plats cuisinés ou surgelés, ce qui évite l’épluchage et la manipulation d’ustensiles devenus trop lourds ou dangereux. Le choix des aliments se fait alors si possible en fonction des goûts personnels, mais aussi du conditionnement facile ou non à transporter puis à ouvrir, des étiquettes plus ou moins difficiles à lire, de l’équipement électro-ménager nécessaire etc.

Lutter contre la dénutrition par la sensorialité
Le projet Aupalesens, labellisé par le pôle de compétitivité Vitagora sera présenté au congrès par Claire Sulmont-Rossé (INRA Dijon, Centre du goût et de l’alimentation). Comment compenser les déficits sensoriels liés au vieillissement pour que l’alimentation reste un plaisir et surtout pour que la prise alimentaire demeure suffisante pour couvrir les besoins nutritionnels ? Faut-il augmenter la flaveur des aliments ? Comment répondre aux difficultés d’appréciation de la texture des aliments ? Quelle est la dimension psycho-affective des repas ?

Claire Sulmont-Rossé fera d’abord le point sur les différentes études menées sur ces thèmes et présentera les objectifs d’Aupalesens. Il s’agit de mieux connaître les situations qui conduisent aux premiers signes de dénutrition puis, en travaillant directement au contact de personnes âgées vivant en EPHAD, de trouver des solutions pour optimiser le plaisir de manger et la prise alimentaire : faut-il travailler la texture des aliments ou leur odeur ou leur saveur ou tout à la fois ?

A terme, l’enjeu est de définir des stratégies et des recommandations applicables dans les collectivités de sujets âgés, en sachant que la perte sensorielle au cours du vieillissement est très variable d’un individu à l’autre. Les travaux récents de Claire Sulmont-Rossé portent notamment sur la recherche d’éléments corrélés à une perte de l’olfaction : qui sont les sujets atteints ? Quels sont les facteurs susceptibles d’être associés à cette perte sensorielle ?

Des tests spécifiques ont été développés à l’occasion de ce projet pour mesurer à la fois olfaction et gustation, et pour évaluer la capacité des sujets à détecter les odeurs, à les discriminer et à les interpréter. Les résultats complets du projet AUPALESENS sont attendus pour fin 2013.

Les probiotiques pour corriger certaines conditions délétères

L’alimentation peut améliorer l’état de santé et la consommation de probiotiques a fait ses preuves sur différentes pathologies intestinales infectieuses ou inflammatoires, sur la vitalité et la résistance aux infections. Les recherches sur les probiotiques se poursuivent et leur intérêt pour contrôler différentes situations se confirme, notamment leur pouvoir hypocholestérolémiant.

Nutrigénétique et nutrigénomique : vers une nutrition personnalisée ?

Une autre piste de recherche concerne la génétique et ses nteractions avec la nutrition : l’impact de notre alimentation sur notre santé dépend de notre profil génétique (nutrigénétique) et inversement, les nutriments peuvent modifier l’expression de nos gènes (nutrigénomique). Ces thèmes d’avant-garde feront l’objet de deux interventions au congrès : l’une sur la place des acides gras oméga-3 et oméga-6 en nutrigénétique et nutrigénomique et l’autre sur l’adaptation à une sous-nutrition protéique pendant la période périnatale (Pierre Fafournoux, INRA Clermont Ferrand).

En effet, la nutrition au cours de cette période est un déterminant important de l’état de santé à l’âge adulte, dans l’espèce humaine comme chez les animaux. Selon la nourriture apportée à une larve d’abeille (miel ou gelée royale), elle deviendra ouvrière ou reine : un génotype peut conduire à deux phénotypes différents. Chez l’Homme, en cas de déficit protéique pendant la période périnatale, une adaptation complexe se met en place chez le foetus et cette « empreinte » persiste tout au long de la vie. Ce phénomène a été observé dans certaines populations humaines, par exemple une cohorte hollandaise exposée à la famine au cours de la seconde guerre mondiale : chez les descendants, la prévalence des syndromes métaboliques était élevée.

Pierre Fafournoux a étudié ces phénomènes épigénétiques sur la souris en analysant le devenir des descendants après une période de carence protéique chez la mère : il a eu la surprise de constater qu’un stress nutritionnel des mères a des effets différents chez les descendants selon la période à laquelle il est appliqué (uniquement pendant la gestation ou prolongé au cours de la lactation également). En cas de carence pendant la grossesse et la lactation, les descendants seront petits alors que si la carence est limitée à la grossesse, le phénotype sera inverse. Une telle évolution du phénotype est transmissible partiellement aux générations futures, ce qui signifie une part de responsabilité de la génétique paternelle également.

La compréhension des mécanismes à l’origine de ces modifications de l’expression génique permettra donc d’expliquer l’installation de prédispositions à certaines pathologies. Un jour peut-être, elle ouvrira la voie à une personnalisation pointue de l’alimentation pour préserver la santé tout au long de la vie et celle des générations futures.

Bien sûr, à l’occasion de cette grande rencontre de spécialistes et de chercheurs, le grand public n’a pas été oublié : une conférence-débat exceptionnelle clôturera la première journée du congrès et sera animée par le docteur Olivier de Ladoucette, spécialiste de la psychologie du vieillissement et auteur de différents ouvrages sur le sujet, notamment « Le Guide du bien vieillir ».

Publié le 16/02/2012 à 02:10 | Lu 2711 fois