Les seniors sont-ils fragilisés par la réforme de l'Assurance chômage et la réforme des retraites ?

Avant même la réforme des retraites, une autre réforme d’envergure a été adoptée le 21 décembre dernier : la réforme de l’Assurance chômage. Depuis le 1er février 2023, les nouveaux inscrits à Pôle Emploi voient leur durée d'indemnisation réduite de 25% si le taux de chômage toutes générations confondues est inférieur à 9% et s’il n’a pas progressé de plus de 0,8% sur un trimestre. Le point avec Mercer, spécialiste du conseil en ressources humaines depuis plus de 75 ans.





Ainsi, un senior qui aurait droit à 36 mois de chômage actuellement, ne sera plus indemnisé que pendant 27 mois avec ces nouvelles règles.
 
En parallèle, le gouvernement a annoncé son projet de réforme des retraites dans la continuité de ce qu’ont engagé les gouvernements successifs depuis 1993, à savoir faire évoluer les paramètres du système de retraite français que sont l’âge légal et la durée de cotisations, sans en modifier son fonctionnement intrinsèque.

La combinaison de ces deux réformes risque-t-elle de fragiliser de manière importante les seniors ?

Cette partie de la population rencontre en effet davantage de difficultés pour accéder à l’emploi.

Rappelé par le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Lemaire, lors du discours de présentation de la réforme des retraites le 10 janvier dernier, le taux d’emploi des seniors de plus de 55 ans en France atteint seulement les 56%.
 
De plus, beaucoup d’entreprises ont pris l’habitude de mettre en place des ruptures conventionnelles lors de la fin de carrière de leurs collaborateurs et font donc, de fait, supporter à l’Assurance Chômage la prise en charge de leurs seniors.

Quelles sont les solutions proposées pour assurer la réussite de ces réformes ?

Pour pallier ces difficultés et mener à bien ces changements, le gouvernement propose deux réelles innovations dans le cadre de son projet de réforme des retraites autour de deux axes principaux.
 
  1. Prévenir l’usure professionnelle avec comme nouveautés la création d’un fonds de « prévention de l'usure professionnelle » et d’un suivi médical obligatoire à 45 ans et 61 ans.
  2. Inciter les entreprises à considérer davantage les seniors avec la mise en place d’un CET universel, d’un Index Senior et l’accès facilité à la retraite progressive.
 

Avec seulement 0,8% de salariés ayant utilisé une partie de leurs points attribués sur leur Compte Prévention Pénibilité (C2P) et 0,002% ayant choisi des formations en sept ans, les nouvelles solutions proposées, encore très axées sur la formation et la reconversion, ne paraissent pas les plus adaptées pour prévenir efficacement l’usure professionnelle.
 
Le renforcement du suivi médical, s’il est souhaitable, serait suivi d’effets concrets, mais uniquement pour une partie des collaborateurs usés par le travail.

En effet, suite à un revirement de position du gouvernement dans le cadre des débats parlementaires, les victimes d’accidents du travail et de maladie professionnelle pourraient finalement partir dès 60 ans comme aujourd’hui.
 
En revanche, les bénéficiaires à la fois d’un compte pénibilité et d’une carrière longue ne pourront plus partir avant 62 ans.

Face à ce constat, les mesures permettant la transition entre emploi et retraite pourraient-elle être la bonne solution ?

Le gouvernement semble avoir pris conscience de cette nécessité et a d’ailleurs accordé une place importante à une mesure dans sa réforme : la retraite progressive.

Néanmoins, élargie en étant à l’avenir possible pour les fonctionnaires, elle reste limitée par ailleurs en étant décalée de 60 ans à 62 ans.
 
Or, nous rencontrons beaucoup de salariés fatigués dès l’âge de 57/58 ans. D’ailleurs, d’après l’étude d’impact de la réforme présentée par le gouvernement, le taux de personnes « inactives » (chômage, maladie, absents) de la génération 1950 atteint 29% l’année précédant le départ en retraite.
 
Pour répondre à cette problématique, il existe aujourd’hui le temps partiel senior mis en place par certaines entreprises dès 57/58 ans avec maintien de cotisations retraite à temps plein et éventuellement un maintien de rémunération au-delà du taux d’activité de l’ordre de 5% à 15%.
 
Le gouvernement envisage à cet égard d’implémenter dans chaque entreprise un CET dit « universel » qui pourrait être utilisé comme une réelle solution pour aménager les fins de carrière grâce à du temps partiel. L’État et les entreprises, par accord, pourraient même décider d’abonder une partie des jours déposés.
 
Ce dernier pourrait d’ailleurs être utilisé uniquement à partir d’un certain âge dans le cadre d’un aménagement de fin de carrière (congé de fin de carrière, temps partiel) aux fins de limiter les arrêts de travail et organiser au mieux les transfert de compétences. L’avenir de ce CET serait certainement discuté dans le cadre d’une prochaine Loi Travail.
 
L’Index Senior, rejeté par le Conseil constitutionnel le 14 avril dernier, avait quant à lui, l’avantage de mettre la gestion des seniors au centre du dialogue social.

Il rendait ainsi le sujet de l’emploi des seniors obligatoire dans le cadre de la négociation GEPP et contraignait les entreprises à davantage de transparence grâce à des sanctions financières dont le montant serait fonction de la masse salariale.
 
Si cet index a été écarté par les Sages parce qu’il ne respectait pas l’objet de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale dans lequel il était inscrit, il n’a toutefois pas nécessairement rendu son dernier souffle puisque le gouvernement pourrait le voir adopté via une autre loi.

Article publié le 27/04/2023 à 01:00 | Lu 14188 fois