Les retraités ne sont pas des « inactifs de plus de 60 ans » ! Chronique de Serge Guérin

Le calcul du taux de vieillissement se fait sur la base du nombre de plus de 60 ans par rapport à la population totale. Il a été inventé par Alfred Sauvy en 1928. Oui, vous avez bien entendu depuis 1928… Comme si, en 80 ans, l’âge n’avait pas évolué. Comme si avoir 60 ans en 1928 recouvrait la même réalité qu’avoir 60 en 2009 !


Prenez une photo d’un sexagénaire dans les années 1930 et comparez avec une autre présentant de son « homologue » dans années 2000. Dans le premier cas, il s’agit presque d’un vieillard, dans l’autre d’une personne en pleine forme et attentive au monde.

De fait, le sexagénaire d’aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec le sexagénaire d’hier. L’âge est une notion évolutive, relative et éminemment liée à l’environnement social et culturel. Il faudrait tout de même que les représentations bougent ! Allez, risquons le mot : que les images de l’âge rajeunissent !

Dans le même genre, il me paraît incroyable d’entendre toujours définir les retraités comme des inactifs. En termes statistiques, on parle des inactifs de plus de 60 ans… Mais l’activité est-elle seulement définie par rapport au travail salarié ou non ? Chacun d’entre nous connaît des « actifs » fort peu actifs et des « inactifs » particulièrement actifs… Mieux, même, dans certains cas, certains actifs ferraient mieux d’être plus inactifs…

Reste que les retraités de 2009 participent de multiples façons à la vie sociale, à la bonne marche de la communauté, au développement de la Cité. Que serait le monde associatif sans les millions de bénévoles actifs de plus de 60 ans, que deviendrait la vie communale sans les 30% d’élus qui sont officiellement des retraités ?

Et que dire des solidarités de proximité ? Combien de familles tiennent le coup grâce aux coups de mains multiples de grands-parents : garde des enfants, accueil à la maison, bricolage et aides diverses, aide monétaire, aide aux devoirs… La liste est sans fin. De la même façon, il est impossible de faire une liste exhaustive des aides apportés par les « inactifs de plus de 60 ans » à leurs voisins ou à leurs amis.

Les mots ne sont jamais neutres et traduisent un jugement, des représentations d’une situation. Il serait donc temps, là aussi, de changer les images, d’aider à moderniser les regards et les références.

Il ne s’agit pas d’un sujet anecdotique. Ce qui est en jeu, c’est bien la compréhension par le corps social de cette double révolution : à la fois démographique au sens de l’allongement de la vie ; et sociétale au sens où l’âge chronologique est de plus en plus découplé de l’âge social.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon
Les retraités ne sont pas des « inactifs de plus de 60 ans » ! Chronique de Serge Guérin

Publié le 30/03/2009 à 10:28 | Lu 4749 fois