Les jumeaux vénitiens au Théâtre Hébertot : le crapaud et le rossignol

Deux frères jumeaux, Zanetto et Tonino, nés tous deux à Venise, sont séparés l’un de l’autre dès le plus jeune âge. Le premier est élevé simplement aux champs, loin des turpitudes et des intrigues de la ville. Le deuxième aura droit à l’éducation d’un jeune bourgeois dans la Cité des Doges. Tous deux se retrouveront un beau jour à Vérone pour des affaires sentimentales, chacun ignorant évidemment la présence de l’autre, ce qui fait le sel de l’intrigue.


La ressemblance physique entre les deux jumeaux est parfaite, telle que tout le monde les prend à première vue l’un pour l’autre. Au premier abord en tout cas, car autant Zanetto, le jumeau des champs, est gauche et bégayant, autant Tanino, le jumeau des villes, s’avère être un sacré gaillard à qui on ne la fait pas.
 
Les choses se compliquent cependant lorsqu’on découvre l’existence d’une sœur a priori disparue en bas âge mais qui, recueillie et adoptée par un marchand de Vérone, est en fait une des belles de nos jumeaux. Il faudra trois actes, où l’intrigue ne faiblit pas, pour démêler cet écheveau bien compliqué, dans un happy-end doux amer qui nous rappelle que le bonheur est fragile et n’est jamais tout rose.
 
Jean-Louis Benoît signe la mise en scène de cette brillante comédie en une production ramassée sur une durée d’un peu moins de deux heures, qui laisse le temps de découvrir le nœud de l’histoire sans ennui ni précipitation. Un décor, des lumières et des costumes particulièrement réussis contribuent à nous plonger dans cette atmosphère italienne intemporelle que nous aimons tant.

Maxime d’Aboville tient le rôle des deux jumeaux. On l’avait découvert au Théâtre du Petit Montparnasse dans « The Servant », adaptation du roman éponyme rendu célèbre par le film de Joseph Losey. Sa composition énigmatique du valet calculateur nous avait beaucoup impressionnés, elle lui avait d’ailleurs valu le Molière du meilleur Comédien en 2015.
 
Ce n’est pas exagéré de dire qu’aujourd’hui, il brûle les planches dans ce double rôle, tantôt zozotant comme un benêt et tantôt sûr de lui et presque arrogant, voire cynique quand, par exemple, il nous conte l’histoire du crapaud et du rossignol. La facilité avec laquelle il devient alternativement l’un et l’autre des deux personnages est époustouflante, gageons qu’une fois encore, l’Académie des Molières saura le récompenser comme il se doit.
 
Mais le reste de la distribution est à son aune, mention particulière pour Olivier Sitruk dans le rôle d’un Pancrace noir à souhait, qui n’est pas sans nous rappeler un certain Tartuffe. Quant au jeu pétillant des trois comédiennes, filles bien nées ou servantes, il apporte sur la scène un bon vent de fraîcheur.
 
On l’a compris, on passe une soirée délicieusement gaie dans ce joli théâtre à l’italienne récemment rénové et qui convient si bien à la commedia dell’arte.

Alex Kiev

Les Jumeaux Vénitiens de Carlo Goldoni

Théâtre Hébertot
78bis, Boulevard des Batignolles
75017 Paris

Publié le 05/10/2017 à 01:00 | Lu 1118 fois