Les aidants bénévoles, une figure majeure de la société du soin : chronique de Serge Guérin

L’an dernier, le 6 octobre 2010 a eu lieu la première journée nationale des aidants. Cette semaine se dérouleront à nouveau différentes initiatives pour mettre en avant la réalité de l’engagement de plus de 3,5 millions de personnes qui soutiennent un proche vieillissant ou malade chronique.


A l’heure où la politique de santé doit être repensée, les aidants informels forment une figure majeure de la société du soin. Ils assument une grande part du soutien et de l’attention auprès des plus fragiles, personnes vieillissantes, malades chroniques ou personnes en situation de désavantage.

À l’heure des débats sur le « care » et l’état accompagnant, ils sont encore trop rarement mis en avant et bénéficient d’une bien faible reconnaissance sociale. Pourtant les rôles des aidants sont multiples et absolument nécessaires.

Par exemple, il est symptomatique de voir qu’aujourd’hui les professionnels de santé les considèrent comme de véritables partenaires de soins : c’est ce qu’affirment 70% des aidants, selon les résultats du panel BVA / Fondation Novartis ».

Finalement, l’un des changements majeurs aura été l’intégration progressive des proches dans la sphère médicale. Les médecins et les personnels soignants n’ont plus le monopole de l’agir.

Aujourd’hui, les aidants, les familles, les proches font parties intégrantes du monde de la santé et du soin. On prend la mesure, enfin, de l’importance du milieu dans la situation de santé de la personne. Cette prise de conscience est d’autant plus notable que l’environnement de la santé connaît des transformations majeures, tant sur le plan de la contrainte financière et de la démographie médicale que sur celui des modes de vie et des attentes, des personnes à soigner comme de l’entourage.

Ce changement structurel se déroule sur fond de croissance du nombre de personnes âgées, de chronicisation croissante des maladies, d’augmentation de l’espérance de vie des malades chroniques et des personnes en situation de handicap.

Il faut dire, aussi, que les aidants exercent une incroyable mission de service public à titre bénévole et sans grand secours de l’Etat... C’est un vrai et beau sujet politique ! L’Etat, qui recule partout, laisse aux familles, à l’entourage, le « soin » de faire face à ces situations pénibles et délicates.

Les aidants bénévoles, une figure majeure de la société du soin : chronique de Serge Guérin
Souvent, à cet abandon, s’ajoute un discours moralisateur expliquant que c’est un devoir moral d’agir auprès du proche malade ou vieillissant. Cette situation est-elle « normale » ? Comment doit-on articuler solidarité de proximité et solidarité collective ? C’est la question du statut de l’aidant, des moyens à mettre en œuvre (lieux de répit, valorisation et formation, soutien à la conciliation vie professionnelle et vie d’aidant…) pour accompagner ces personnes.

Une grande partie des aidants, 46% exactement, exercent une activité professionnelle. Plus que d’assurer la conciliation vie d’aidant et vie professionnelle, il faut penser en termes de prise en compte par les entreprises des contraintes et des apports des aidants. On ne sort pas indemne de cette expérience, mais plus riches de connaissance, d’interrogations et d’attention aux autres.

Cela implique que les entreprises prennent leur part : politique de sensibilisation de l’encadrement, formation et e-coaching, prise en compte de la situation pour faciliter les aménagements d’horaires et le passage à temps partiel…

Répondre aux attentes des aidants, c’est aussi prendre en compte les familles, les personnes malades et vieillissantes et la communauté de soin. C’est un premier pas qui doit nous engager à penser une société de l’accompagnement à la fois plus juste, plus présente et plus efficace.

Enfin, il est passionnant de noter que la notion d’aidant, et leur implication et influence croissante, vient déconstruire le discours classique sur l’individualisme. La pression idéologique entendant réduire l’être humain à sa seule fonction de producteur et de consommateur, le discours normatif imposant la culture de la compétition comme seul élément du lien social doivent rendre les armes devant la permanence des aidants.

Les aidants, dont 18% interviennent auprès de proches sans liens institutionnels ou biologiques, prouvent que le don reste un mode de relation à l’autre toujours vivant et actuel. L’être humain est d’abord un être en lien avec l’autre, avec l’altérité. Il est temps de sortir de l’indifférence pour mener un travail de valorisation et de soutien des aidants.

Serge Guérin, professeur à L’ESG MS
Vient de publier La nouvelle société des seniors, Michalon, 2011

Publié le 03/10/2011 à 09:18 | Lu 1882 fois