Les Européens et la longévité (partie 2)

L’allongement de la vie est devenu la situation normale des pays développés. De l’acceptation du droit à vieillir à la gestion économique des retraites en passant par le financement de la dépendance, déclarée chantier prioritaire en 2011, les enjeux sont importants. Maintenant qu’en est-il du bien vieillir et de la possibilité de vivre le plus longtemps possible en bonne santé ? Jusqu’à quel âge se voient vivre les Européens ? Quels clivages y a-t-il entre l’Allemagne et l’Italie ou l’Espagne ? Sous quelles conditions les Européens veulent-ils vivre plus longtemps ? Pour beaucoup, le vieillissement est le déclin des performances et l’accroissement des déficits, quelle est la vision des Européens ? Des réponses grâce à l’étude commanditée par le laboratoire PiLeJe auprès de l’Institut Ifop. Seconde partie.


Lien vers la Partie 1

Le bien vieillir : l’hygiène de vie comme règle

Interrogés sur l’action la plus importante pour vivre vieux et en bonne santé, les Européens donnent des réponses assez éclatées, mais sont une majorité relative à évoquer l’hygiène de vie en général (38% citent cet aspect en premier), devant la pratique régulière d’un sport (22%).

Après ces considérations purement relatives à la prévention, les actions s’inscrivant dans une démarche plus sanitaire sont moins évoquées: 17% citent en premier la pratique régulière de bilans de santé, 15% évoquent une bonne information en matière de santé, 6% seulement le fait de bien se soigner quand on est malade, et 2% la prise de produits ou le suivi de thérapies permettant d’éviter de tomber malade.

On observe des décalages entre les différents pays. Ainsi, en France et au Royaume-Uni, une bonne hygiène de vie apparaît de loin comme l’action la plus importante (citée par 55% des Français et 48% des Britanniques comme la première action à mettre en place). En Allemagne aussi, l’hygiène de vie sort en tête des réponses (38%), mais elle est rapidement suivie par la pratique régulière d’une activité physique (25%) et aussi par les bilans de santé et dépistages fréquents (19%).

Relevons qu’en Espagne, c’est d’abord l’activité physique régulière qui est citée (34%, devant l’hygiène de vie en général), et qu’en Italie, les réponses sont très équitablement réparties entre l’hygiène de vie (21%), l’activité physique (23%), les bilans et dépistages (21%) et l’information personnelle sur sa santé (26%), ce dernier item arrivant en tête des réponses.

Phytothérapie, nutrition et micro-nutrition: des pratiques utiles et crédibles pour bien vieillir

Interrogés sur les bénéfices attendus en termes de longévité et de qualité de vie au grand âge liés à la phytothérapie, la nutrition et la micronutrition, les Européens portent des jugements très favorables sur les effets de ces pratiques.

Ainsi, en moyenne, 77% estiment qu’elles permettent de renforcer l’organisme et d’aider à mieux vieillir, en meilleure santé. Une proportion proche (72%) considère par ailleurs que ces pratiques jouent dans la prévention contre certaines maladies ou certains problèmes physiques. Enfin, 71% jugent qu’elles sont un complément utile et font partie à part entière de la médecine, signe de ce qu’ils accordent à ces pratiques une véritable reconnaissance.

Selon les pays, le niveau d’adhésion à ces différentes propositions varie. C’est en Allemagne qu’on observe les taux les moins favorables, alors qu’en Espagne et en Italie, les représentations associées à ces pratiques sont les plus positives. Ainsi par exemple, seuls 59% des Allemands considèrent que phytothérapie, nutrition et micronutrition font partie intégrante de la médecine, contre 86% des Espagnols.

Les résultats observés en France se situent quant à eux dans la moyenne européenne. Dans tous les pays, et quelque soit l’item testé, les femmes se montrent plus nombreuses que les hommes à considérer que ces pratiques sont utiles pour vivre vieux et en bonne santé. On relève par ailleurs qu’en Allemagne comme au Royaume-Uni, les plus jeunes s’avèrent nettement plus enthousiasmés que les plus âgés par ces pratiques. On observe enfin qu’en France, les personnes souhaitant vivre très vieilles sont sensiblement plus sensibles que les autres aux bienfaits de la phytothérapie, de la nutrition et de la micro-nutrition.

Les Européens et la longévité (partie 2)
Point de vue d’un sociologue Anne Marie Guillemard*

Vivre très vieux ?

Une courte majorité d’européens, seulement, souhaite vivre au delà de 100 ans. Seuls les pays du Sud de l’Europe, Italie et Espagne dépassent 60% de réponses positives. Cette spécificité du Sud de l’Europe peut s’interpréter selon deux facteurs :

1. Le « familialisme » qui caractérise ces pays et leur type de protection sociale. Le très grand âge entouré de sa famille est peut être moins effrayant qu’ailleurs.

2. Les pays du Sud sont aussi ceux qui ont connus ces dernières années une progression plus marquée, que les autres pays européens pris en considération, de l’espérance de vie à la naissance (+0,6 ou +0,7 point entre 2006 et 2009, à l’exception du Royaume Uni +0,7). A opposer à +0,4 pour la France et +0,2 pour l’Allemagne sur la même période. Il se pourrait que cette progression plus marquée dans les années récentes rende compte également du plus grand optimisme dont font preuve les espagnols et les anglais dans leur évaluation comparée de leur espérance de vie personnelle par rapport à leurs parents.

L’optimisme des jeunes français dans ce domaine serait peut être à interpréter à la lumière de la progression très continue et de longue date de l’espérance de vie dans notre pays, qui se maintient à +3 mois par an et situe la France parmi les pays où l’espérance de vie est l’une des plus élevées au monde.

Le jugement sur le temps de la vieillesse : bonheur/malheur

Si les Allemands sont les plus nombreux à voir le temps de la vieillesse comme un moment heureux (84%) c’est sans doute lié à leur système public de prise en charge de la dépendance au grand âge. Depuis le milieu des années 90 a été mis en place en Allemagne la couverture d’un 5ème risque « maladie chronique de longue durée » au sein de l’Assurance Santé. Elle offre une bonne couverture des soins de santé liés à la perte d’autonomie au grand âge.

Les personnes âgées des autres pays pris en considération sont très loin de bénéficier d’un niveau équivalent de prise en charge. Le « reste à charge » pour les familles est considérable. Cette interprétation est confirmée par le fait que les sondés avancent massivement que la première condition pour vieillir heureux est celle de conserver son autonomie physique et intellectuelle.

Enfin, l’enquête suggère que le bien vieillir repose avant tout sur une stratégie préventive globale d’une bonne hygiène de vie, associée à la pratique régulière d’un sport. Le préventif l’emporte massivement sur le curatif. Ce résultat massif met en évidence que la question du bien vieillir se pose tout au long du parcours de vie et pas seulement aux âges élevés. Il implique de réfléchir à de nouvelles stratégies de protection des individus en termes « d’investissement social » sur le parcours de vie.

*Professeur des Universités en sociologie, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Université Paris Descartes Sorbonne, membre de l’Institut Universitaire de France, de l’Académie Européenne des Sciences.

Publié le 05/05/2011 à 11:28 | Lu 2838 fois