Le sommeil chimique, qu'est-ce que c'est ?

Insomnie, dette de sommeil, difficultés d’endormissement, réveils nocturnes, apnée du sommeil… Il n’existe pas un trouble mais plusieurs troubles du sommeil dont un tiers des Français déclare souffrir. Or, un sommeil malmené peut avoir des conséquences sur la santé. Interview du Dr Patrick Lemoine, psychiatre et docteur en neurosciences, spécialiste du sommeil.


Qu’est-ce qu’on appelle le sommeil chimique ?
« C’est une perte de conscience provoquée artificiellement par la prise de somnifères. On ne peut pas le qualifier de sommeil car il ne possède pas les caractéristiques propres au sommeil. Cela correspond davantage à une anesthésie légère. La plus ancienne forme de sommeil « chimique » connue est celle provoquée par l’état d’ivresse. »
 
Ce sommeil artificiel est-il nocif ?
« Oui, à long terme. En effet, cet état hypnotique n’apporte aucun des bénéfices du sommeil naturel. Il induit même des troubles du sommeil comme l’apnée du sommeil dont les pauses respiratoires sont à la fois plus nombreuses et plus longues. Le patient met plus de temps à se rendre compte qu’il faut se réveiller pour reprendre sa respiration.
 
De manière générale et sur le long cours, les hypnotiques entraînent une baisse de l’espérance de vie car ils provoquent des maladies respiratoires, cardiaques… D’autre part, n’étant pas tous égaux face à l’addiction et malgré le caractère peu addictif des benzodiazépines hypnotiques, il peut y avoir une accoutumance qui se développe chez certains patients.
»
 
Comment se sevrer des benzodiazépines ?
« L’arrêt brutal de ces molécules est dangereux. Le sevrage s’opère à travers des protocoles très codifiés et encadrés par les professionnels de santé. Toutes les précautions sont à prendre car ce sevrage peut se complexifier à cause de la sensation de manque et entraîner un syndrome de sevrage.
 
D’autant plus que, plus la consommation de benzodiazépines est prolongée, plus le sevrage est compliqué. Il existe aujourd’hui d’autres solutions plus naturelles pour retrouver un sommeil de qualité et permettre ce sevrage aux hypnotiques.
»

Les troubles du sommeil, ce mal du siècle a eu pour conséquence un accroissement saisissant de la consommation de benzodiazépines. En 2015, 13,4% de la population française a eu recourt au moins une fois à ces molécules aux propriétés hypnotiques, anxiolytiques et calmantes, ce qui a conduit à l’écoulement d’un peu plus de 110 millions de boites en un an. Ce triste record, situe la France au second rang européen des plus gros consommateurs de benzodiazépines, derrière l’Espagne.
 
Si les benzodiazépines ont un intérêt dans le traitement des troubles sévères du sommeil à court terme, on remarque que leur consommation s’étend parfois à plusieurs mois, voire plusieurs années, ce qui conduit à développer des risques d’effets délétères du type somnolence diurne, trouble de la
mémoire, accident, dépendance… 

Publié le 01/02/2019 à 01:00 | Lu 1771 fois