Le rôle de la langue : tout savoir sur le pourquoi du comment

A l’occasion de la présentation du Congrès 2014 de l’Association dentaire française (ADF), qui se tiendra du 25 au 29 novembre 2014 sur le thème « La bouche, l’expression de notre santé », revenons sur le rôle de la langue : respiration, déglutition, élocution, équilibre des dents… Tout savoir sur le rôle de la langue dans la sphère bucco-dentaire.


La langue a été apparentée par les anatomistes à un sac muqueux rempli de muscles (18 muscles différents ayant chacun leur propre fonction) qui lui confèrent une très grande précision de mouvements.
 
On distingue généralement deux parties dans la langue :

- La partie antérieure, horizontale, intra-orale (buccale), visible lors de l’ouverture de la bouche. Cette partie évolue dans la cavité orale (buccale) dont les parois sont : en haut le palais, latéralement et antérieurement les joues et les lèvres, en bas et en-dessous les muscles du plancher, et en arrière les voies aériennes supérieures et postérieures.
 
Elle est en contact permanent avec les faces internes des dents et de leur support osseux.
- La partie postérieure, verticale, invisible lors de l’ouverture de la bouche. Elle constitue la paroi antérieure des voies respiratoires (oropharynx).
La muqueuse linguale comporte un très grand nombre de récepteurs tactiles, sensitifs (nociceptifs*, thermiques, etc.), gustatifs…
 
Le rôle de la langue

La langue est impliquée dans un grand nombre de fonctions pour la plupart automatiques et acquises par l’apprentissage :
- la déglutition du bol alimentaire mais aussi de la salive secrétée en permanence (600 à 2.000 déglutitions par 24h) y compris pendant le sommeil,
- la gustation grâce aux bourgeons du goût répartis dans la muqueuse linguale, avec des territoires spécialisés en fonction des saveurs (salées, sucrées, acides, amères),
- la phonation et l’élocution (élaboration des sons et du langage articulé),
- la mastication (mobilisation du bol alimentaire).

Le rôle de la langue : tout savoir sur le pourquoi du comment
Ces fonctions évoluent dans le temps

La déglutition débute avant la naissance (déglutition du liquide amniotique). On parle de succion/déglutition car les mouvements sont purement horizontaux, d’avant en arrière. Ce mode se poursuit pendant l’allaitement.

Puis avec l’alimentation solide, des mouvements verticaux de la langue vers le palais deviennent nécessaires. Chez certains sujets cette évolution ne pourra pas se faire. Ces derniers conserveront une déglutition de type infantile.
 
Cette absence de maturation aura des conséquences sur la posture linguale de repos et sur le développement des maxillaires. L’apparition du langage articulé propre à l’homme est à la fois liée à ses capacités d’apprentissage et à une configuration anatomique orofaciale qui lui est propre, très différente de celle des primates. Ici aussi, des anomalies de motricité et de posture peuvent perturber cette fonction. Par exemple, une posture basse et antérieure de la langue peut être responsable d’un « zozotement ».
 
Par son volume, sa posture et ses déplacements la langue agit mécaniquement sur son environnement. Par ses appuis constants, elle stimule la croissance des arcades dentaires chez l’enfant et en assure l’homéostasie à l’âge adulte. En témoignent les grandes anomalies du volume lingual comme dans les microglossies (la langue atrophiée s’accompagne d’une réduction importante des dimensions transversales des arcades dentaires) ou à l’inverse dans les macroglossies. Parce qu’elle représente 90% du temps, la position de repos de la langue est essentielle dans la conformation des arcades dentaires. Dans un contexte physiologique normal, la langue au repos est haute dans la bouche (proche du palais, dont elle stimule la croissance en largeur facilitant ainsi la bonne mise en place des dents). Toute anomalie de cette posture aura des conséquences morphologiques. Une posture basse et antérieure peut entrainer une version anormale vers l’avant des incisives, voire une absence de contact entre les incisives du haut et du bas perturbant l’élocution par perte d’appui antérieure de la langue et la mastication.
 
Or cette posture est étroitement liée à une autre fonction : la respiration ou mieux la ventilation (la ventilation regroupe tout ce qui permet de faire circuler l’air atmosphérique dans les voies aérifères). En toute rigueur scientifique le terme de respiration devrait être réservé aux échanges O2/CO2 au niveau de la cellule. Lorsqu’un patient présente peu ou prou de difficultés à parfaitement bien ventiler par son nez, il doit mettre en oeuvre une ventilation de suppléance voire de substitution par la bouche. La posture de repos, haute dans la cavité orale  comme évoqué ci-dessus, devient un obstacle à l’écoulement de l’air. Il va donc adopter une posture linguale basse et parfois en avant pour faciliter sa respiration buccale. Lorsqu’il s’agit d’un enfant (90% des patients en orthodontie ont lors de la première consultation entre 6 et 12 ans), l’effet stimulateur de croissance de la langue sur le palais ne se fera pas. Par contre, certaines dents antérieures pourront être déplacées vers l’avant.
 
La nécessité physiologique d’une ventilation exclusivement nasale au repos y compris pendant le sommeil trouve sa justification :

- d’une part, dans une meilleure préparation de l’air atmosphérique pour les échanges pulmonaires et pour la protection des voies aérifères lorsque celui-ci empreinte la voie nasale (l’air est mieux réchauffé, mieux humidifié, mieux filtré) ;
- et, d’autre part, pour la régulation de la température cérébrale nécessaire pendant le sommeil paradoxal. Les patients victimes d’obstruction nasale chronique ont très souvent un sommeil moins réparateur, sans en avoir nécessairement conscience.
 
Une autre conséquence des troubles de la ventilation nasale intéresse la partie postérieure de la langue, appelée aussi base linguale. En effet, en cas d’obstruction de cette voie le sujet, même s’il adopte une ventilation orale de suppléance, va devoir augmenter l’amplitude de la pression négative (dépression) dans ses poumons pour permettre à l’air d’y parvenir. A un certain degré, lors de l’inspiration, cette dépression va aspirer vers l’arrière et vers le bas la base linguale qui en se plaquant sur sa paroi postérieure va venir obstruer totalement le conduit pharyngé. Toute circulation de l’air vers les poumons est alors stoppée. C’est l’apnée obstructive dont la survenue est renforcée la nuit du fait du décubitus dorsale pendant le sommeil. Ces apnées, qui peuvent chez certains sujets durer 45 secondes à chaque épisode et se répéter un grand nombre de fois par heure, va s’interrompre grâce à l’intervention d’un des muscles de la langue (le génioglosse) qui va tracter vers l’avant la base linguale, rétablissant ainsi le flux aérien.
 
Fréquentes chez les quinquagénaires, elles sont presque toujours associées aux ronflements dont elles ne sont que l’évolution défavorable.

Publié le 27/06/2014 à 10:46 | Lu 24446 fois