Le point sur la prise en charge des personnes âgées en Europe et au Canada (partie 1)

Alors que la FNAAFP/CSF (Fédération de l’aide à domicile) vient de présenter son plaidoyer portant sur « une réponse adaptée aux besoins des personnes vieillissantes », cette institution a également réalisé un intéressant tour d’horizon de la prise en charge des personnes âgées dans quelques pays de l’Union européenne et au Canada. Détails.


En Allemagne, la loi du 26 mai 1994 sur l’assurance dépendance (réformée en 2008) couvre toutes les formes de pertes d’autonomie, indépendamment de l’âge, du revenu ou de la richesse. Pour autant, elle ne couvre que des besoins de base, les prestations étant plafonnées. L’individu est amené à contribuer de manière relativement importante à la prise en charge de sa situation de perte d’autonomie. L’intervention de l’État est donc pensée comme complémentaire.
 
Cette assurance dépendance est obligatoire ; elle est adossée au régime d’assurance maladie (« cinquième risque »). La loi distingue trois niveaux de dépendance en fonction desquels les prestations sont octroyées (soins corporels, aide-ménagère, etc…).
 
La personne âgée a la possibilité de choisir entre prestations en nature, dispensées au domicile ou en établissement, et prestations en espèces. L’octroi des prestations est indépendant des ressources des intéressés. L’assurance dépendance prend en charge les dépenses de matériel spécialisé (lit médicalisé par ex) ainsi que dans la limite d’un forfait, les frais liés à l’aménagement du logement. Le financement est assuré par les cotisations sociales partagées de façon égale entre les salariés et les employeurs. Afin de compenser la part patronale, un jour férié a été supprimé en 1995.
 
Environ 70% des bénéficiaires de l’assurance dépendance vivent à domicile. Parmi eux, un tiers reçoit des prestations d’opérateurs privés, tandis que les autres sont assistés par un proche en partie rémunéré grâce à l’assurance dépendance.
 
En 2010, le ministre de la Santé a annoncé une réforme de l’assurance dépendance. Il jugeait nécessaire de compléter le dispositif actuel, qui reposait sur la répartition, par un système de capitalisation permettant à chacun de financer son propre risque.
 
En Angleterre, la prise en charge de la dépendance relève essentiellement des individus eux-mêmes et de la solidarité familiale. L’État, via les collectivités locales, intervient pour les personnes aux revenus les plus modestes. Il existe néanmoins une aide universelle, l’Attendance Allowance, ouverte à toutes les personnes dépendantes, mais d’un montant assez faible, ainsi qu’une aide limitée pour les aidants familiaux, la Carers’ Allowance.
 
Ces dispositifs font figure de filets de protection pour les personnes ayant les ressources les plus faibles. La plupart des personnes âgées font le choix de recevoir des prestations financières plutôt que des services. Le dispositif public de prise en charge de la dépendance établit une nette distinction entre les soins, qui relèvent de la compétence du Service National de Santé, et l’assistance, confiée aux collectivités locales (qui ont pleine compétence pour l’ensemble de la prise en charge et l’offre de services).
 
En règle générale, ces services sont totalement à la charge des personnes dont le patrimoine dépasse un certain niveau. Les autres doivent payer un ticket modérateur dont le modèle de calcul varie d’une collectivité à l’autre.
Les personnes âgées d’au moins 65 ans qui ont besoin d’une aide peuvent percevoir la prestation d’assistance - Attendance Allowance - dont le montant dépend du degré de dépendance. Cette prestation est attribuée sans condition de ressources et son utilisation n’est pas contrôlée (elle constitue un supplément de revenus).
 
Le dispositif actuel est considéré comme peu satisfaisant : il est jugé coûteux et opaque. Il n’est pas certain qu’il serve les objectifs d’indépendance et de libre choix de la personne âgée. Il est critiqué aussi la disparité du ticket modérateur selon les collectivités.
 
Au Danemark, la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées relève de l’État, l’intervention de la famille étant pensée comme seulement complémentaire. La prise en charge de la dépendance n’a pas nécessité l’instauration d’un dispositif spécifique. Elle s’inscrit dans la logique du système de protection sociale. Elle résulte d’une extension et d’une adaptation progressive des services sanitaires et sociaux aux besoins d’une population vieillissante.
 
La loi sur les services sociaux prévoit que toute personne peut bénéficier gratuitement des services dont elle a besoin pour préserver sa qualité de vie, rester à son domicile aussi longtemps que possible et maintenir ses capacités physiques autant qu’intellectuelles. Le système se fonde sur l’universalité et la gratuité des services publics, financés par l’impôt.
 
Ce sont les communes qui ont la responsabilité de mettre en place ces services (aide à domicile, aménagement du domicile ou fourniture d’un logement adapté équivalent, soins de jour en établissement, etc…) qui sont octroyés gratuitement et indépendamment de la situation financière des intéressés. Les services sociaux de la commune décident de la nature des services nécessaires mais il n’existe pas d’outil formel d’évaluation des besoins. Par ailleurs, afin que les intéressés soient au courant des aides existantes, les communes ont l’obligation d’offrir deux visites annuelles à toute personne âgée de plus de 75 ans et qui ne bénéficie d’aucune assistance.
 
Depuis 1987, la loi sur les services sociaux interdit la construction de nouvelles maisons de retraite. En revanche, des logements adaptés ont été construits. De plus, tous les logements nouveaux doivent être accessibles aux personnes handicapées, et donc aux personnes âgées. Aucune prestation en espèces n’est versée aux personnes âgées dépendantes mais une allocation peut être octroyée aux membres de la famille qui prêtent leur concours.
 
Depuis 1996, dans chaque commune, les citoyens de plus de 60 ans élisent un « conseil des seniors » que le conseil municipal a l’obligation de consulter avant de prendre une décision les concernant. Le financement de l’ensemble du dispositif est assuré par les impôts locaux et par des subventions de l’Etat. Le système de prise en charge se fonde sur le principe de gratuité et d’égal accès aux services.
 
En Espagne, la loi n° 39 du 14 décembre 2006 relative à la promotion de l’autonomie individuelle et à l’assistance aux personnes dépendantes prévoit la mise en place progressive d’un dispositif de prise en charge de la dépendance qui couvre toutes les formes de perte d’autonomie, quelles qu’en soient les causes (âge, maladie, etc…).
 
La loi définit trois stades de dépendance et subdivise chacun d’eux en deux niveaux. Elle détermine aussi la liste des prestations en nature (depuis les dispositifs techniques visant à faciliter le maintien à domicile jusqu’à l’hébergement) qui doivent être proposés par les services sociaux des communautés autonomes ou à défaut par des prestataires privés accrédités. Selon la loi, c’est seulement si la fourniture directe de ces prestations est impossible que des allocations financières sont attribuées.
 
Le dispositif repose sur la coopération de l’Etat et des communautés autonomes. Idem sur le plan financier ; les crédits des communautés autonomes pour le financement de la dépendance doivent être au moins égaux à ceux de l’Etat. Par ailleurs, les bénéficiaires participent au financement en fonction de leur capacité contributive (revenus et patrimoine).
 
L’Observatoire pour la dépendance a publié une étude en 2010 dans laquelle il souligne notamment l’insuffisance des crédits nationaux, qui ne couvrent qu’un tiers du coût total du dispositif. L’étude insistait aussi sur la disparité de la prise en charge de la dépendance selon les communautés autonomes et sur l’absence de prise en charge de plus de 200.000 personnes.
 
En Italie, le dispositif public de prise en charge de la dépendance, secondaire par rapport à l’aide informelle assurée dans le cadre familial, est complexe et fait intervenir divers acteurs : les prestations en espèces sont versées par l’Etat tandis que les prestations en nature sont fournies par les régions et les communes.
 
Depuis 1988, les personnes de plus de 65 ans qui éprouvent des « difficultés persistantes » à accomplir les actes élémentaires de la vie quotidienne peuvent bénéficier d’une mesure auparavant réservée aux personnes handicapées : elles peuvent percevoir l’indemnité d’accompagnement, prestation en espèces, versée par la sécurité sociale (versée quelles que soient les ressources). L’utilisation de cette indemnité n’est pas contrôlée, elle constitue un supplément de revenus.
 
Les prestations en nature sont fournies par les régions et les communes (les services sanitaires pour l’hébergement en établissement spécialisé, centre de jour… et les régions et les communes pour l’aménagement du logement, l’aide à domicile…).
 
L’indemnité d’accompagnement est critiquée pour son caractère forfaitaire ; son montant ne tient pas compte du degré de dépendance. Quant aux prestations en espèces, elles sont très différentes d’une région à l’autre, d’une commune à l’autre. Le gouvernement considère que les dépenses publiques sont trop importantes et il envisage d’encourager les assurances privées.
 
Aux Pays-Bas, c’est l’État qui est responsable, en premier lieu, de la prise en charge des personnes âgées ou qui ont besoin d’un accompagnement de longue durée. L’objectif est « d’assurer aux personnes qui souffrent d’une maladie chronique ou de longue durée, de nature physique, intellectuelle ou psychologique, une prise en charge de bonne qualité et à un coût supportable pour la société ».
 
Ce sont uniquement les besoins de la personne qui déterminent sa prise en charge. Le dispositif de prise en charge peut être qualifié d’universel au sens où il couvre l’ensemble des individus. Il repose d’une part sur une assurance publique obligatoire pour les dépenses exceptionnelles de soins (AWBZ) qui couvre globalement les soins de longue durée et, d’autre part, sur une prise en charge sociale assurée par les communes (au titre de la loi WMO). L’ensemble des prestations vise surtout à favoriser le maintien à domicile et à améliorer la participation des personnes âgées dépendantes à la vie sociale.
 
La loi sur l’accompagnement social entrée en vigueur le 1er janvier 2007 a transféré aux communes la responsabilité de toutes les prestations d’assistance à caractère non médical. Elles ont pour obligation d’établir un plan quadriennal organisant leurs activités d’accompagnement social. Elles doivent en particulier compenser la dépendance des personnes âgées et handicapées en fournissant des prestations destinées à faciliter l’autonomie et en offrant aux intéressés le choix entre prestations en nature et allocation en espèces.
 
Les communes doivent mettre en place un guichet unique qui examine les demandes, définit les mesures et le cas échéant, fixe le niveau des allocations en espèces. Les communes peuvent demander aux usagers une participation financière, dont elles sont libres de fixer à la fois le niveau et les modalités (forfaitaire ou proportionnelle aux revenus, plafonnée ou non, etc…).
 
L’Etat verse aux communes une dotation calculée en fonction des caractéristiques de leur population. Si elles réussissent à limiter les dépenses sociales, les communes peuvent utiliser les crédits disponibles à d’autres fins. Les usagers regrettent la démédicalisation de certaines interventions à domicile qui a suivi l’entrée en vigueur de la loi. Nombre de prestations sont désormais fournies par des aides ménagères ou par des aides-soignantes et non plus par des infirmières.

Publié le 29/03/2018 à 01:00 | Lu 18174 fois