Larguées : il faut sauver maman ! (film)

Voici une comédie vraiment drôle qui fait du bien en ce début de printemps 2018. Réalisée par Éloïse Lang, Larguées met en scène Camille Cottin et Camille Chamoux, les deux filles de Miou-Miou qui accompagnent leur mère sexagénaire à La Réunion, histoire de lui changer les idées après s’être fait… larguée par son mari parti avec une fille plus jeune ! En salles depuis hier. A voir.


Signe des temps, de plus en plus de films mettent en avant les ruptures amoureuses de seniors. C’est le cas du premier long-métrage de la réalisatrice belge Eloïse Lang, Larguées, qui met en scène deux sœurs, Rose et Alice, radicalement différentes, voire même opposées.
 
Alors que Rose est libre et rock n’roll, de son côté, Alice est rangée et responsable. C’est bien simple, elles ne sont d’accord sur rien, à part sur l’urgence de remonter le moral de Françoise, leur mère sexagénaire, fraîchement larguée par leur père pour une femme beaucoup plus jeune. Un grand classique.
 
Leur mission est simple : elles se sont données pour but de « sauver maman » et le cadre des opérations est bien défini : ce sera dans un club de vacances sur l’île de la Réunion. Et naturellement, les choses ne vont pas se passer comme elles l’imaginaient… Une comédie qui, comme le souligne fort justement Madame Figaro : « offre un visage moderne aux sexagénaires en quête de liberté et de passion ». Interview de la réalisatrice.

Larguées est une adaptation du film danois All Inclusive d’Hella Joof. Pour votre premier film en solo, pourquoi vous êtes-vous lancée dans l’aventure de ce remake ?
J’avais des projets originaux et personnels, mais quand Stéphanie Carreras et Philippe Pujo m’ont proposé de faire l’adaptation de cette comédie danoise, je n’ai pas pu résister. C’est vraiment l’idée de mettre en scène un trio mère/filles qui m’a enchantée. J’ai deux soeurs, on est très différentes et toutes les trois extrêmement proches de notre mère. La difficulté de vieillir quand on est une femme (et ce à n’importe quel âge), de trouver sa place dans une fratrie, d’assumer ses choix de vie, tout ça c’est du vécu !
 
C’est est une comédie, mais une comédie où tout est plausible, où rien n’est vraiment hyperbolique…
Le réalisme est mon obsession. Si je crée une situation comique ou burlesque, je l’ancre toujours dans une possible réalité. Je n’aime que les comédies humanistes, celles qui mettent en scène des gens qui existent vraiment et permettent à tout le monde de se retrouver.
 
C’est votre premier long métrage en solo. Comment l’avez-vous abordé ?
Avant de m’attaquer à Larguées, j’ai fait ce que je fais d’habitude quand j’entreprends un truc, j’ai tapé sur Google : « How to be a great movie director » ! Je demande tout à Google, si on publiait l’historique de mes recherches ça serait vraiment la honte. Ma dernière recherche avouable c’était : « Comment rester gentille sans se faire marcher sur les pieds… ».
 
Ensuite on n’est jamais vraiment seule sur un long métrage, au début on développe avec les producteurs puis arrive l’équipe, les acteurs. Moi ma technique c’est de bien m’entourer, d’écouter les avis et puis de faire ce que je sens. C’est une grande responsabilité d’être réalisatrice mais au moins on est vraiment aux commandes, je suis très reconnaissante de cette liberté propre au cinéma français.
 
Pourquoi la Réunion ?
Le but des filles étant de remonter le moral de leur mère, j’ai écarté des endroits comme la côte Belge même si c’est très sympa. J’ai commencé par penser aux Antilles, que je connais bien, mais mes producteurs m’ont parlé de la Réunion, de sa beauté volcanique, de sa luxuriance, de son piton de la Fournaise. Ils m’ont proposé d’aller voir et je n’ai pas pu refuser. Une fois là-bas j’étais coincée, des images ont commencé à se poser sur le scénario. C’est une étape très excitante quand la réalité commence à matcher avec l’imaginaire.
 
La Réunion est un paradis atypique. C’est une île très cinématographique, très accueillante, très idyllique aussi, mais pas que… Elle a aussi quelque chose d’hostile et de mystérieux. Son volcan est toujours actif et elle est cernée par les requins. J’ai aimé que son tourisme ne soit pas un tourisme de masse, les endroits sont vraiment authentiques, ils ne font pas semblant ! J’avais hyper peur de faire un film « piscine en forme de haricot » ; à La Réunion ce n’est pas possible.
 
Venons-en au casting… Et d’abord, pourquoi
Camille Chamoux et Camille Cottin, les deux C.C. du cinéma français ? Je ne voyais qu’elles pour incarner les deux sœurs du film. Comme on est copines dans la vie, parfois je me retrouvais avec elles en soirée et en les observant j’avais des bouffées de joie à l’idée de créer ce duo de cinéma. Il y avait une sorte d’évidence, on dirait des soeurs, dans le physique, et aussi dans l’énergie, la bonne humeur, et le pragmatisme.
 
Pour avoir fait Connasse avec elle, je connais très bien Camille Cottin, elle m’a toujours bluffée dans le travail. C’est une comédienne qui peut tout, absolument tout faire passer, même le plus extravagant. Son naturel est époustouflant. On ne voit jamais sa technique. Sa liberté de jeu est incroyable. Son intelligence, sa sensibilité et son instinct sont stupéfiants. Elle est en plus très généreuse avec ses partenaires. Elle ne joue jamais solo. Elle n’arrive jamais « les mains vides » sur le plateau. Elle a toujours des propositions très fortes et très justes. C‘est une bosseuse enragée.
 
Camille Chamoux aussi est une travailleuse acharnée. Je l’avais adorée quand elle jouait au théâtre les Bonobos de Laurent Baffie. Je l’a revue ensuite plusieurs fois, notamment au cinéma dans Les Gazelles et dans son one woman-show Née sous Giscard. Je l’ai toujours trouvée touchante et piquante. J’aime son univers, ce qu’elle dégage d’intelligence, de finesse et de perspicacité. Et puis, comme l’autre Camille, elle a un sens inné du bon tempo. Pour elle qui est si libre dans la vie, jouer une fille rigide et coincée, était un vrai challenge. Elle a un talent et une énergie de dingue.
 
Une fois trouvées les filles, il fallait dénicher la mère… Pourquoi avez-vous pensé à Miou-Miou ?
J’avais adoré Miou-Miou dans la comédie Mariages ! Ainsi que dans plein d’autres films mais quand on fait son film en 2017 on s’attarde moins sur la performance des Valseuses ! Dans les films plus ou moins récents Camille Cottin m’a aussi fait regarder Les murs porteurs de Cyril Gelblat, j’y ai vu deux signes que le rôle était pour elle : son regard qui m’a fasciné tant elle y fait passer de choses et une scène dans laquelle elle se rend chez un gynéco, scène qui n’avait rien de spectaculaire, mais qui m’a fait décider que c’était une actrice qui continuait à tout oser.
 
J’ai fait une danse de la joie quand elle m’a dit oui, danse qui a continué quand toutes ces intuitions ont été confirmées. Elle est capable d’exprimer la tristesse et la mélancolie, par un simple regard, sans avoir besoin d’afficher une « tête de chien qui chie ». C’est d’ailleurs parce qu’elle joue « sans en rajouter » que, lorsqu’elle doit être drôle, elle l’est, avec une subtilité irrésistible. Elle me fait beaucoup rire, elle a beaucoup d’esprit… Et quelle intelligence et quelle disponibilité, elle aussi !
 
Elle n’a pas froid aux yeux. À condition que ce soit justifié, elle peut faire des trucs fous (cf. la scène de la douche) ! Comme les deux Camille, elle se prépare beaucoup en amont du tournage, seule, sans coach, parce qu’elle adore trouver elle-même les choses. Ce travail préparatoire lui permet d’arriver « prête » sur le plateau. Ce qui tombe bien parce qu’elle n ‘aime pas trop qu’on multiplie les prises. Cela dit, si, techniquement, on en a besoin, elle s’y soumet volontiers. C’est un petit bonbon, attentive aux autres, adorable avec ses partenaires.
 
Qu’aimeriez-vous que les spectateurs disent en sortant de Larguées ?
Que ce film les a fait rire, leur a fait du bien… Et qu’ils en ont eu pour leur argent ! C’est un peu mon obsession quand je travaille sur un film, que le spectateur en ait pour son argent, les places sont tellement hors de prix ! Autre chose, Larguées met en scène des femmes, mais j’espère qu’il ne sera pas reçu comme un film excluant les hommes, car je l’ai écrit pour eux aussi. Quand j’ai rencontré Philippe Chiffre le chef décorateur, il m’a fait le plus beau compliment, il m’a dit qu’il s’était reconnu dans ces personnages féminins.


Publié le 19/04/2018 à 06:14 | Lu 2115 fois





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