La vérité sur les implants

A l’occasion de la présentation de son Congrès annuel qui se tiendra fin novembre 2013 à Paris, l’Association Dentaire Française (ADF) fait le point sur les implants dentaires, d’après un entretien avec le Dr Franck Renouard, responsable scientifique de l’implantologie pour le Congrès de l’ADF et représentant du Council (Comité de surveillance de l’European Association for Osseointegration)


Conserver, extraire, implanter : une prise de décision complexe


La décision de la conservation ou de l’extraction d’une dent se fait au cas par cas. Il s’agit d’évaluer rigoureusement le pronostic d’une solution conservatrice ou de déterminer l’intérêt d’un traitement implantaire et de ses traitements associés.
 
Cette décision thérapeutique repose sur de nombreux critères. Le chirurgien-dentiste procède à une évaluation clinique telle que la perte d’attache, la mobilité, le degré de l’infection et de la profondeur de poche au sondage. Ensuite, il vérifie, grâce à la radiographie, l’ancrage osseux résiduel et la présence de lésions osseuses. Enfin, il s’attache à évaluer plus globalement la nature de la pathologie parodontale (chronique ou agressive) de son patient, sa compliance au traitement et son état de santé.
 
D’une manière générale, le choix de conserver une dent se fait quand la pérennité à long terme de l’organe dentaire ne se discute pas. En effet, l’acharnement thérapeutique autour d’une dent présentant des lésions avancées peut satisfaire la demande immédiate du patient qui a généralement du mal à se résoudre à perdre sa dent, mais peut complexifier de façon importante la pose d’un implant en cas d’échec des traitements conventionnels. Il faut rappeler que le fait d’avoir réalisé plusieurs chirurgies endodontiques non couronnées de succès sur une même dent compromet le succès implantaire futur.
 
Lorsque les dents ne peuvent plus être conservées, les traitements implantaires doivent être considérés en première intention. En effet, ces derniers permettent d’envisager des taux de survie implanto-prothétiques satisfaisants à condition que les patients soient intégrés dans un suivi à long terme.
 
Le but est de rendre le meilleur service, en offrant le meilleur pronostic, si possible au moindre coût. Ce fait engage la responsabilité morale du praticien qui se doit de rechercher la bonne solution.
 
Qu’est-ce qu’un implant ?

L’implant désigne la partie intra osseuse. C’est une vis, généralement en titane, qui va remplacer la racine de la dent. La couronne est la partie visible de la restauration. Le plus souvent réalisée en céramique, elle reproduit la forme et la couleur de la partie émergente de la dent manquante.
 
Avant l'implantologie, lorsqu’une dent devait être remplacée, le chirurgien-dentiste n'avait d'autre solution que la pose d’un bridge dentaire qui nécessitait de tailler les dents adjacentes. Depuis quelques années, les implants dentaires se sont imposés pour la reconstruction des dents perdues. Préservant au maximum l’intégrité de l’organe dentaire, leurs bons résultats fonctionnels et esthétiques font qu’ils représentent aujourd’hui la solution de premier choix pour le traitement de toutes formes d'édentement (perte d’une ou plusieurs dents). Ils règlent également les difficultés masticatoires consécutives à la perte des dents et qui entraînent le plus souvent une détérioration potentiellement grave de la digestion.
 
1 – L’implant : la solution de premier choix

Pendant de nombreuses années, l’implant dentaire était considéré comme une technique ayant peu de recul, réservée aux cas pour lesquels les solutions traditionnelles n’étaient pas envisageables. Le chirurgien-dentiste devait alors faire signer au patient un consentement éclairé stipulant le caractère « expérimental » de la technique.
 
Aujourd’hui, le regard porté sur l’implantologie a évolué. Ne pas proposer un traitement par implants dentaires est considéré comme un manque de chance pour le patient. Un chirurgien-dentiste qui taillerait des dents pour placer un bridge, sans proposer la solution implantaire, peut se voir poursuivi pour non-information. Bien entendu, le patient peut refuser le traitement par implant mais la loi oblige le praticien à présenter toutes les solutions fiables pour traiter la perte d’une ou de plusieurs dents.
 
L’implant dentaire est à présent la solution privilégiée pour remplacer des dents absentes. En effet, la technique est parfaitement codifiée avec des taux de succès élevés (90% à 10 ans). Son avantage, hormis sa fiabilité, tient dans le fait qu’en cas d’échec le patient se retrouve dans la situation de départ sans altération des dents voisines. Bien entendu, tous les cas ne trouvent pas leur solution par la pose d’un implant, il reste des contre-indications relatives ou absolues.
 
2 – L’implant : un acte pas toujours bénin

Compte tenu de ses succès, l’implantologie connaît un engouement majeur qui laisse à penser qu’il s’agit d’un acte simple. Poser un implant dentaire reste un acte chirurgical. La plupart du temps, il s’agit d’une intervention mineure, moins traumatisante que l’extraction d’une dent. L’intervention se fait dans des conditions d’asepsie contrôlée. Quand le volume osseux est bon, en particulier dans les secteurs postérieurs (prémolaires et molaires), l’intervention chirurgicale est rapide avec peu de conséquences. La prise d’antalgiques simples pendant un ou deux jours doit suffire à maitriser l’éventuelle douleur post-opératoire. Les chirurgiens-dentistes continuent à prescrire un flash antibiotique avant la pose d’implant, bien que cela soit aujourd’hui discuté. Après 3 mois de cicatrisation la couronne peut être mise en place.
 
Cependant, dans les secteurs antérieurs (visibles au sourire), l’obtention d’un beau résultat esthétique peut se révéler difficile. En effet, la perte de la dent s’accompagne généralement de perte d’os. Si le chirurgien-dentiste pose un implant sans reconstruire la crête osseuse, le résultat esthétique risque d’être médiocre avec, par exemple, une dent trop longue. Il faut bien comprendre que le résultat sera esthétiquement parfait si la dent a la couleur de celles qui l’entourent. Elle doit également présenter la même forme. C’est la symétrie qui crée l’illusion de la perfection. La gencive doit parfaitement entourer la dent, se situer au même niveau que sur les dents adjacentes et enfin reproduire la petite languette rose que l’on retrouve entre les dents (la papille).
 
L’incisive centrale gauche est une couronne sur implant. La symétrie en couleur et en forme de la dent et de la gencive crée l’illusion naturelle. Si le patient a perdu de l’os lors d’un traumatisme, ou suite à des infections osseuses (parodontopathies), la morphologie de sa « gencive » ne sera pas régulière. La pose d’un implant sans reconstruction préalable de l’os aura des conséquences esthétiques négatives.
 
Les techniques de reconstruction osseuse sont parfaitement codifiées. Elles nécessitent une pratique régulière de la part du praticien et l’acceptation du patient du fait qu’il faudra parfois plusieurs interventions chirurgicales avant que la couronne ne soit posée. Ce n’est qu’après avoir discuté avec le chirurgien-dentiste qui lui aura donné toutes les explications nécessaires ainsi que les évaluations financières inhérentes aux différents traitements que le patient pourra choisir entre les différentes options.
 
Les questions concernant le maintien d'une bonne santé gingivale sont essentielles pour la tenue à long terme des implants. Les pathologies gingivales que l'on rencontre sont, en général, d'apparition tardive et se calquent sur les gingivites et parodontites observées autour des dents naturelles. Le premier stade, la mucosite, est réversible et sans séquelle sur l'os entourant l'implant. Par contre, la péri-implantite est une entité pathologique que l'on commence à bien connaître et qui va entraîner des pertes osseuses pouvant aboutir à terme à remettre en cause le pronostic même de l'implant. De nombreuses études ont été réalisées sur ce sujet et montrent l'origine bactérienne de cette pathologie, avec une flore proche de celle que l'on trouve dans les parodontites dentaires.
 
Les traitements et les mesures de prévention vont être semblables à ceux utilisés en parodontie : nettoyage des sites, enseignement d'une hygiène adaptée, détermination de profils prothétiques adaptés, réalisation de lambeaux d'assainissement lorsque la pathologie a progressé, comblement osseux, utilisation de membranes résorbables ou non, utilisation d'antimicrobiens par voie générale, etc. Les possibilités thérapeutiques sont multiples, la leçon principale étant, comme en parodontie, la mise en place de mesures préventives qui vont éviter l'apparition ou, pour le moins, ralentir le développement de la maladie péri-implantaire.
 
Une étude attentive des facteurs de risque, préalable à l'acte implantaire, va permettre de réduire fortement les possibilités d'échec de la thérapeutique. Ce plan de traitement doit être compris et accepté par le patient et les rendez-vous programmés en fonction des priorités. Les premières priorités concernent : l’assainissement parodontal, le contrôle du risque carieux et les avulsions. Les secondes priorités concernent : le traitement des caries, le contrôle de la plaque, le surfaçage radiculaire, l’ajustement occlusal et le traitement endodontique.
 
3 – Les bonnes ou moins bonnes indications : savoir contre-indiquer l’implant

L’implant dentaire est un des moyens de répondre à la demande des patients, pas une finalité. Jamais un patient ne va aller voir son chirurgien-dentiste pour lui demander des implants. Il lui demande de retrouver une bonne fonction masticatoire ou un sourire si possible parfait. Souvent la pertinence de l’implant ne se discute pas. Quand le volume osseux est suffisant et que le patient ne présente pas de contre-indication générale à la chirurgie buccale, le premier réflexe face à la perte de dents est de « penser » implants. L’indice de satisfaction des traitements implantaires est très bon. Bien entendu il y a des complications et des échecs, mais ils sont en général moins nombreux qu’avec les techniques dites traditionnelles.
 
L’indication implantaire peut se discuter quand la pose de l’implant doit s’accompagner de techniques annexes telles que la reconstruction de l’os. Le patient doit recevoir toutes les informations sur les risques d’échec et de complications (qui existent dès qu’une intervention chirurgicale est pratiquée). Le chirurgien-dentiste est sensé dire « non » quand il pense que le traitement par implant ne fonctionnera pas.
 
4 – Modalités : l’utilisation de techniques fiables et éprouvées

a - Le matériau implantaire

A ce jour, le matériau idéal pour un implant dentaire reste le titane. Le risque de réaction allergique est rarissime. Toutes les études conduites autour d’implants en fonction depuis plusieurs années puis retirés de la mâchoire n’ont jamais révélé d’inflammation ou de présence de cellules de défense de l’organisme. La durée de vie d’un implant dépendra du bon entretien bucco-dentaire. Après un essai malheureux dans les années 80, l’implant en zircone est de nouveau proposé. Bien que les résultats semblent prometteurs, il est raisonnable d’attendre des études à très long terme pour utiliser ce type de matériau.

b- L’implantation immédiate après les extractions

Ce protocole a été proposé de façon à réduire le délai de traitement. Aujourd’hui la prudence et la patience sont de mises. La gencive peut en effet se rétracter dans les semaines qui suivent l’extraction. Ceci peut avoir des conséquences esthétiques et fonctionnelles lourdes à gérer par la suite. C’est pourquoi à présent de nombreux praticiens préfèrent d’abord extraire la dent et attendre quelques semaines pour la cicatrisation de la gencive. Enfin, l’implant est mis en place en y associant des techniques de reconstructions osseuses ou gingivales si nécessaires. La temporisation (remplacement temporaire de la dent manquante) est réalisée alors soit avec une prothèse amovible, soit avec une dent collée aux dents adjacentes.
 
5 – Les orientations actuelles de l’implantologie. Simplifier les traitements pour en réduire la morbidité

L’implantologie s’est développée en 3 phases :

- La première a été la phase des pionniers de 1965 jusqu’au début des années 90. Cette période a permis la mise au point de protocoles efficaces.

- Face à l’engouement suscité par de très bons résultats, les praticiens ont tenté de pousser les indications et le niveau des résultats encore plus loin en développant des techniques toujours plus sophistiquées. Mais les chirurgiens-dentistes se sont alors retrouvés confrontés aux limites de la biologie et de la tolérance tissulaires. Loin d’avoir des résultats encore meilleurs, les praticiens ont vu au contraire l’apparition de complications spécifiques liées à la complexité des techniques.

- Aujourd’hui, l’implantologie entre dans une nouvelle ère qui est celle de la précision et de l’adaptation. Par exemple, l’utilisation d’implant de diamètre ou de longueur réduits permet d’éviter de réaliser des greffes osseuses. De même, les progrès de l’imagerie radiographique permettent aux chirurgiens-dentistes d’« essayer » les implants sur les mâchoires des patients reconstruites en 3D sur ordinateur avant de pratiquer les interventions. La morbidité (risque encourus en cas d’échec et/ou pendant la chirurgie) est ainsi diminuée. Le coût des traitements se voit également réduit.
 
L’avenir de l’implantologie reposera sur des techniques de simplification réversibles en cas d’échec. L’objectif du chirurgien-dentiste est de diminuer la morbidité autour du traitement. C’est pour cette raison, qu’avant de poser un implant, le chirurgien-dentiste effectue un bilan médical complet de son patient (traitements en cours, prise de médicaments …). Il explique les indications du traitement et procède à un examen médical et une radio de la bouche de son patient. Le chirurgien-dentiste termine par étudier la faisabilité ou non de la pose de l’implant.
 
Le coût d’un implant

- Acte chirurgical de la pose de l’implant : environ 1.000/1.200 euros
- Réalisation de la prothèse : environ 700 euros

Publié le 08/07/2013 à 11:06 | Lu 10336 fois