La femme promise de Jean Rouaud : l’œuvre story

Ce qui fait le charme des romans de Jean Rouaud, c’est la mise en perspective de sa propre œuvre. Il revient sans cesse sur ses précédents ouvrages, (voyez la page 20) comme si l’écriture était encore à refaire, jamais définitive, toujours vivante, une écriture savoureuse au demeurant, et volubile, qui enlace si bien ses personnages. Et l’auteur aussi. Car de l’auteur il en est question ici.


Dans ce nouveau roman, c’est l’auteur de « Préhistoires » (1) et de « La « fiancée juive » (2) qui est impliqué dans une belle histoire d’amour. Par le truchement de ses personnages, Jean Rouaud conte une rencontre amoureuse en émaillant son récit d’anecdotes qui sont, à n’en pas douter, autant de clins d’œil autobiographiques.

Il joue de cette connivence pour donner à son œuvre, une profondeur de labyrinthe d’où s’échappent des angles de vue inattendus. La familiarité qu’il entretient entre lui et ses personnages, entre lui et le lecteur, ses interventions dans le récit (« Alors, un importun, l’auteur avec ses intrusions et ses commentaires ? »), ses réminiscence, les citations de ses livres font de l’auteur un intime, un ami que l’on suit de roman en roman, peut-être parce qu’il « ne cherche qu’une chose, l’absolu de la rencontre ».

On ne sait qui, des personnages ou de l’auteur, conduit cette frémissante histoire tant ils se confondent. « J’ai rencontré l’auteur » dit un protagoniste, alors qu’un autre dresse le projet de l’écrivain : (…) « me retourner sur ma vie, faire resurgir les miens, leur donner peut-être une chance de ne pas disparaitre tout à fait, en faisant de cette chaine de souffrance un chant à leur souvenir ».

Pour résumer ce roman, on dira seulement que Mariana fait sienne la phrase de Jankélévitch : « est vicié ce qui est fait sous amour », et que Daniel se posera tout au long du livre la question : « Seras-tu cette sorte d’amie pour moi ».

Ce roman ne se résume pas, car il fait corps avec l’ensemble de l’œuvre de Jean Rouaud : il en est le palimpseste. L’auteur y creuse les secrets de la création, qu’elle soit picturale, artistique ou littéraire.

Se mettant au cœur du récit, Jean Rouaud avertit : « Ainsi, toujours selon l’auteur, que les images se télescopent, renvoient à d’autres images, n’implique pas qu’il n’y ait qu’une seule source indéfiniment recopiée ».

C’est une invitation à relire ses précédents ouvrages. Pour notre plus grand plaisir.

(1) Gallimard, 2007
(2) Gallimard, 2008


La femme promise
Jean Rouaud
Editions Gallimard
415 pages
21 euros
La femme promise, DR

Publié le 23/02/2009 à 08:56 | Lu 6228 fois