L'hypnose chez le dentiste (partie 1)

D’après un entretien avec le Professeur Vianney Descroix, Professeur en sciences biologiques à l’Université de Paris, Chef de service d’odontologie, consultation douleur chronique, hypnose médicale à la Pitié-Salpêtrière.


Aujourd'hui mieux acceptée dans la communauté médicale, l’hypnose s’installe chez le chirurgien-dentiste tant le contexte du cabinet dentaire alimente chez beaucoup de personnes un état d’anxiété, source d’inconfort pour le patient comme pour le praticien.
 
Comment le recours à l’hypnose en médecine bucco-dentaire permet de dépasser cette peur et de prévenir efficacement l’apparition de la douleur ?
 
L’hypnose en cabinet dentaire
L'hypnose apparaît comme un mode de conscience corporelle modifiée, entre veille et sommeil. Le praticien aide le patient à atteindre cet état grâce à des techniques de relaxation et de suggestion, lui donnant ainsi la possibilité d’accéder aux ressources de son inconscient et de mobiliser ainsi les ressources nécessaires pour modifier le symptôme (douleur, peur, anxiété, phobie…).
 
Grâce à l’intervention du praticien, le patient parvient à faire abstraction de la réalité environnante, tout en restant en relation avec son médecin. Cette thérapie à médiation corporelle suppose un « lâcher-prise » dont les bénéfices sont perceptibles pour atténuer les effets du stress, de la peur ou de la douleur.
 
L’hypnose, en modifiant la dynamique des rapports professionnels des chirurgiens-dentistes avec les patients, va amplifier naturellement le niveau de confiance. C’est une technique relativement simple et rapide qui peut se pratiquer chez l’enfant et l’adulte.
 
En pratique
Le chirurgien-dentiste et l’équipe de soins ont suivi une formation dans un institut qui ne forme que des professionnels de santé, d’une durée de 9 à 10 jours et qui permet d’adapter une méthode à un profil de patients et de symptômes.
 
La communication hypnotique : généralement utilisée par le praticien mais également par toute l’équipe de soins afin d’éviter que des émotions négatives s’installent. Elle permet de redonner au patient sa place de sujet.
 
L’hypnose conversationnelle : le praticien mobilise et modifie subtilement l’inconscient ou le comportement d’un patient sans qu’il ne s’en rende compte.
 
L’hypnose formelle : le praticien l’utilise au cours d’un soin si une réaction émotionnelle apparaît ou si le patient lui en fait la demande.
 
Pour quelles indications ?
L’hypnose s’avère utile pour la gestion du stress (autant celui des patients que de l'équipe soignante), la prise en charge de patients à besoins spécifiques (enfants, patients phobiques, hypersalivation, réflexes nauséeux), la gestion des urgences, les douleurs chroniques oro-faciales, la chirurgie, l’optimisation de l’anesthésie ou encore la relation du praticien avec les personnes qui l'entourent (patients, confrères, assistantes, prothésistes).
 
La Phobie
L’hypnose est principalement utilisée dans un cabinet dentaire afin d’atténuer les troubles phobiques, engendrés par une peur incontrôlable d’une situation ou d’un objet : aiguilles, sang, bruits, bistouris, anesthésies, vibrations, odeurs, douleur…Ce sont des troubles « psychiatriques » parmi les plus fréquents, anxieux et chroniques.
 
Ils apparaissent généralement dans l’enfance ou au début de l’adolescence et peuvent, avec le temps, s’estomper voire disparaître. Ils peuvent être liés à un souvenir négatif. Selon un sondage réalisé en octobre/novembre 2017 par la plateforme de rendez-vous en ligne Doctolib, auprès de 1.124 patients répartis sur l’ensemble du territoire, 30% (28% des femmes et 31% des hommes) avouent craindre de prendre rendez-vous par peur de la douleur.
 
En France, 48% de personnes affirment se sentir anxieuses lorsqu’elles doivent aller chez le dentiste, d’après le sondage Opinion Way datant de mars 2016.
 
Le patient peut percevoir le cabinet dentaire comme un lieu de « torture » avec ce qu’il entend, voit et ressent lors d’une visite. Dépasser sa peur du dentiste, c’est reprendre le contrôle de ses émotions et laisser derrière soi les anticipations négatives qui entraîneraient à des conduites d’évitement.
 
L’évitement peut être une tentative de solution efficace pour certaines personnes ; or, dans le cadre des soins dentaires, l’évitement nourrit la phobie, aggrave la pathologie, ce qui conduit à une consultation en urgence, plus longue, plus coûteuse et même plus douloureuse.
 
Le praticien emploie alors tout naturellement un langage et des outils de la communication hypnotique dans le but de construire une relation sereine pour pouvoir soigner les patients les plus inquiets. Grâce au travail préparé en hypnose, le patient se met dans une bulle de sécurité et de bien-être, appréhende et souffre moins.
 
La mise sous hypnose ne dérange en aucun cas la séance de soins, quelques minutes suffisent pour une simple appréhension.

Publié le 04/12/2019 à 03:00 | Lu 3943 fois