L'âgisme, un enjeu mondial pour l'OMS

Ce nouveau rapport publié la semaine dernière par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)* demande des actions urgentes et concrètes pour combattre l’âgisme, pour mieux le mesurer et en rendre compte plus efficacement afin de le montrer pour ce qu’il est : un fléau insidieux dont la société souffre avec pour conséquences, des effets négatifs sur l’état de santé, de l’isolement social et de décès précoces ; il coûterait des milliards de dollars aux pays chaque année.


Avant d’entrer dans le détail de ce nouveau rapport, rappelons que l’âgisme apparaît lorsque l’âge est utilisé pour catégoriser et diviser les gens d’une façon qui entraîne des préjudices, des désavantages et des injustices. Une sorte de racisme par l’âge pour faire simple.
 
Dans la pratique et au quotidien, il peut prendre de nombreuses formes se traduisant par des attitudes empreintes de préjugés, des actes discriminatoires et des politiques et des pratiques institutionnelles perpétuant des croyances stéréotypées.
 
La riposte à la pandémie de Covid-19 a révélé combien ces discriminations par l’âge s’avèrent fréquentes et constituent des stéréotypes sur les personnes âgées, mais aussi sur les jeunes, combien elles ont été utilisées dans le débat public et diffusées par l’intermédiaire des médias sociaux. Dans certains cas, l’âge a été utilisé comme seul critère pour déterminer l’accès aux soins médicaux et aux traitements d’importance vitale et justifier l’isolement physique.
 
« Alors que les pays frappés par la pandémie cherchent à se redresser et à se reconstruire, nous ne pouvons laisser les stéréotypes, les préjugés et la discrimination fondés sur l’âge entraver ce qui pourrait être fait pour garantir la santé, le bien-être et la dignité des personnes, partout dans le monde » indique le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.
 
Et de préciser : « ce rapport ne se contente pas de décrire la nature et l’ampleur du problème. Il présente aussi des solutions sous la forme d’interventions fondées sur des données probantes, en vue de mettre fin à l’âgisme à tous les stades. »
 
Dans la pratique, l’âgisme s’insinue dans de nombreuses institutions et secteurs de la société, notamment dans les secteurs de la santé et des services sociaux, sur le lieu de travail, dans les médias et dans le système juridique.

Le rationnement des soins de santé sur des critères exclusifs d’âge est par exemple très répandu. Ainsi, dans une grande majorité (85%) des 149 études couvertes, l’âge avait servi à déterminer les bénéficiaires de certains actes médicaux ou traitements.
 
Les personnes âgées -tout comme les jeunes adultes d’ailleurs- sont souvent désavantagés sur le lieu de travail et l’accès à la formation spécialisée et à l’éducation recule fortement avec l’âge.

​Le point de vue de l’AD-PA

L’âgisme est d’autant plus délétère, qu’en plus de discriminer les plus âgés de nos sociétés, elle dessert les plus jeunes en ne leur permettant pas de nourrir une vision rassurante de leur avenir qui est … de devenir vieux !
 
Faire évoluer le regard de la Société sur le grand âge, favoriser la citoyenneté des personnes âgées, lutter contre l’âgisme, … sont autant de thèmes sur lesquels l’AD-PA se mobilise depuis de nombreuses années et avance des propositions au travers d’une réflexion globale.
 
L'AD-PA demande donc à l’Etat de mettre en évidence la réalité de l’âgisme, et d’en souligner le caractère intolérable, comme il le fait à juste titre dans le cas d’autres discrimination comme le racisme, l'antisémitisme, le sexisme ou l'homophobie. 
 
Et dans cette perspective, de mettre en œuvre la Loi Autonomie permettant de mieux aider les personnes âgées, en établissement comme à domicile, en créant des centaines de milliers d’emplois, notamment pour les plus jeunes, et en favorisant leur expression et représentation.

L’âgisme entraine des conséquences graves et profondes sur la santé et le bien-être des gens. Chez les personnes âgées, il est associé à une moins bonne santé physique et mentale, à un plus grand isolement social et à une solitude accrue, à plus d’insécurité financière, à une baisse de la qualité de vie et à un décès prématuré.
 
On estime que 6,3 millions de cas de dépression dans le monde sont dus à l’âgisme.  Ce phénomène se recoupe avec, et accentue, d’autres formes de biais et de désavantages, notamment ceux liés au sexe, à la race et au handicap, ce qui a des conséquences négatives sur la santé et le bien-être des personnes.
 
On s’en rend moins compte mais il faut aussi savoir que la discrimination fondée sur l’âge coûte des milliards de dollars à nos sociétés chaque année.

Aux USA par exemple, une étude menée en 2000 a montré que l’âgisme entraînait chaque année 63 milliards USD de coûts supplémentaires pour les huit problèmes de santé les plus coûteux. Cela représente chaque année, pour chaque Américain de plus de 60 ans, 1 USD pour 7 USD consacrés à ces affections.
 
Selon les estimations pour l’Australie, si 5% des personnes âgées de 55 ans ou plus étaient employées, cela aurait chaque année un impact positif de 48 milliards de dollars australiens sur l’économie nationale.
 
Les données et les informations actuellement disponibles sur le coût de l’âgisme sont limitées et des travaux de recherche plus poussés sont nécessaires pour mieux en comprendre les conséquences économiques, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
 
Alors qu’une grande partie des populations mondiales sont en train de vieillir, tous les pays et toutes les parties prenantes sont encouragés à utiliser des stratégies visant à changer nos conceptions, notre ressenti et nos actions à l’égard de l’âge et du vieillissement et à progresser sur la voie de la  Décennie des Nations Unies pour le vieillissement en bonne santé.
 
Les données de prévalence, d’après une enquête menée auprès de 83.034 personnes dans 57 pays ont révélé qu’une personne sur deux avait des attitudes modérément ou fortement âgistes (c’est-à-dire guidées par des stéréotypes et des préjugés). Soit la moitié de la planète…
 
*le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Département des affaires économiques et sociales (DESA) du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA).

Publié le 22/03/2021 à 09:23 | Lu 10385 fois