L'activité physique comme outil de santé publique !

Les grandes avancées proviennent parfois de changements infimes… C’est la réflexion qui s’est imposée après avoir présenté et défendu l’amendement AS1477 à l’article premier du projet de loi relatif à la santé, devant la Commission des Affaires Sociales. Propos de Valérie Fourneyron*, députée de la 1ère circonscription de Seine-Maritime et ancienne Ministre.


Cet amendement, qui a été adopté à une large majorité le 16 avril dernier, vient compléter la définition de la politique de santé publique telle qu’elle est décrite dans le Code de la Santé Publique. Plus précisément, il a pour objet de mentionner explicitement la contribution d’une pratique régulière des activités physiques et sportives (APS) à la santé publique. Et c’est une première !
 
C’est la première fois que la pratique régulière des APS à tous âges est ainsi « sanctuarisée » dans la loi. C’est une première étape, nécessaire, pour que le développement des APS pour tous accède enfin au statut de priorité nationale de santé publique. Il pourra désormais ainsi faire l’objet d’une action prioritaire pluriannuelle dans le cadre de la stratégie nationale de santé, comme l’ont été, dans le passé, la lutte contre les addictions ou la lutte contre l’obésité.
 
C’est une réelle satisfaction de voir les APS obtenir cette reconnaissance et de constater que cette approche nouvelle de la politique de santé est désormais prise en compte. Une première étape avait été franchie, dès octobre, 2012 lorsque conjointement avec la ministre de Santé Marisol Touraine, Valérie Fourneyron avait présenté en Conseil des ministres un plan pour le développement de la pratique des activités physiques et sportives facteur de santé publique.
 
« Le sport plutôt qu’une longue liste de médicaments »

Toutes les études scientifiques confirment que le sport peut un formidable outil de prévention primaire, secondaire et tertiaire pour tous les publics et à tous les âges. Le projet de loi Santé, qui met la prévention au coeur du système de santé français, ne pouvait donc faire l’impasse sur cette question.
 
Au même titre que la lutte contre les habitudes alimentaires, contre l’exposition à certains facteurs de risque environnementaux ou contre les addictions, la politique de santé doit désormais prendre en compte le développement du sport ou d’activités physiques à tous les âges. Les pathologies liées à la sédentarité constituent aujourd’hui la première cause de mortalité évitable dans le monde.
 
L’exercice physique est de moins en moins associé aux activités professionnelles et aux déplacements de la vie quotidienne. La dépense énergétique des individus est limitée par le travail sédentaire et par les activités récréatives passives (télévision, internet, jeux vidéo).
 
L’activité physique évolue en même temps que la société. Si le labeur excessif des périodes antérieures a contribué à un vieillissement prématuré de la population, l’accroissement du travail sédentaire tend aujourd’hui à priver une majorité d’individus d’une stimulation physique nécessaire à leur santé et leur bien-être.
 
Les enquêtes montrent que 84% de la population ont pratiqué une activité physique ou sportive entre 15 et 75 ans au cours de l’année écoulée. Si 45% des Français ont exercé dans la semaine passée une activité minimale entraînant des bénéfices pour la santé (plus de 10 minutes par jour), 42 % se situent en dessous de 10 minutes, et 19% dépassent les deux heures par semaine. Les activités les plus populaires sont la marche, la natation, le vélo, les jeux de boule, les activités gymniques et les sports d’hiver. Pour les sports organisés, le football et le tennis sont largement en tête.
 
Les effets bénéfiques des activités physiques et sportives sur la santé confirmés par toutes les études épidémiologiques modernes : elles montrent que le risque de décès prématuré est moindre chez les personnes physiquement actives que chez les autres, résultat valable quels que soient l’âge et la cause de décès, de manière plus probante chez les hommes que chez les femmes.
 
La pratique d’une activité modérée (au moins 20 minutes trois fois par semaine) ou d’une activité intense (au moins 3 heures par semaine) diminue ainsi de 30% le risque de mortalité prématurée. La pratique régulière d’un sport améliore le bien-être émotionnel, le bien-être physique, la qualité de vie et la perception de soi. Ce rôle bénéfique se retrouve aussi bien chez les adolescents que les personnes âgées. Il est également montré que la qualité de vie des malades chroniques se trouve améliorée, ainsi que celle de certaines catégories de handicaps, lorsque l’accompagnement est satisfaisant.
 
Mais, au-delà de ce bénéfice global, les bienfaits de l’activité physique dépendent aussi du parcours de vie de chaque individu et, dans le cadre du traitement et de la prévention, des caractéristiques de chaque pathologie. L’activité physique est primordiale en prévention primaire des maladies cardiovasculaires mais également en prévention secondaire. Elle intervient aussi dans le traitement de la dyspnée de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Elle joue un rôle fondamental pour éviter le gain de poids et elle réduit le risque de certains cancers (colorectal, sein, endomètre, poumon, prostate).
 
Il est important que ces activités physiques et sportives soient pratiquées tout au long de la vie. Cela suppose qu’elle soit adaptée en fonction des caractéristiques physiologiques, de la condition physique initiale, de l’âge et d’éventuels antécédents médicaux. Une activité sportive inadaptée ou reprise de façon brutale sans accompagnement peut conduire inversement à des facteurs de risque.
 
Les enjeux de santé publique attachés à l’activité physique sont donc nombreux :

- promouvoir les recommandations générales d’activité physique, en sensibilisant les populations selon leur condition, sexe et âge ;

- lutter contre la sédentarité par une concertation élargie incluant l’aménagement de l’espace urbain et des moyens de transport ;

- informer les professionnels des secteurs sportifs et médicaux, ainsi que les relais institutionnels des pouvoirs publics et de l’éducation, des liens entre l’activité physique, la santé et le bien-être ;

- sensibiliser les patients aux bénéfices de l’activité physique et définir avec eux le programme leur convenant le mieux, tout en développant de nouveaux moyens pour l’accompagnement et la prise en charge de cette activité physique,

- et mieux coordonner les dispositifs.
 
*La thématique « Sport Santé » a été le cheval de bataille principal de l’action de Valérie Fourneyron au Ministère des Sports, en dotant chaque région d’un réseau sport santé notamment, en créant un Pôle Ressources National Sport-Santé-Bien-Être, en mettant l’accent sur l’accès au sport pour les publics défavorisés et les publics vieillissants. Madame Fourneyron a également été médecin du sport au CHU de Rouen, puis médecin inspecteur régional jeunesse et sports (MIRJS) de 1984 à 1989.

Publié le 28/08/2015 à 12:00 | Lu 4904 fois