L'Horizon de Patrick Modiano : un roman d’amour absolu

C’est toujours un évènement dans le monde de la littérature… Le dernier livre de Patrick Modiano, « L’horizon », vient de paraitre chez Gallimard… Un roman d’amour absolu, envoûtant et intemporel.


« Il suivait la Dieffenbachstrasse. Une averse tombait, une averse d'été dont la violence s'atténuait à mesure qu'il marchait en s'abritant sous les arbres. Longtemps, il avait pensé que Margaret était morte. Il n'y a pas de raison, non, il n'y a pas de raison. Même l'année de nos naissances à tous les deux, quand cette ville, vue du ciel, n'était plus qu'un amas de décombres, des lilas fleurissaient parmi les ruines, au fond des jardins ».

Deux jeunes gens, Jean Bosmans et Margaret Le Coz, se rencontrent fortuitement, dans un mouvement de foule. Ils se ressemblent. Deviennent complices. Ils s'aiment, poursuivis tous deux –comme souvent chez Modiano- par des ombres inquiétantes. Ils finissent par être obligés de se quitter mais Bosmans n'oubliera jamais Margaret. Et quarante ans plus tard, il la recherche à Berlin, où cette Bretonne a vu le jour.

« A la fin, tout se mélange, le passé, le présent, l'ouverture vers un avenir » confie l’auteur dans un entretien accordé à l’AFP. « Je n'ai pas décrit la scène où ils se retrouvent, je suggère. Je laisse le lecteur imaginer. C'est ouvert vers l'horizon », ajoute-t-il. Et de conclure : « J'ai toujours l'impression que j'écris le même livre, tout en oubliant ce que j'ai écrit avant... »

Eh bien nous, on continue à les lire... Toujours avec le même plaisir.
L'horizon de Patrick Modiano

Entretien avec l’auteur

Vous écrivez, à propos de la terrible mère de Bosmans devenue une vieille femme pitoyable, « Mon Dieu, comme ce qui nous a fait souffrir autrefois paraît dérisoire avec le temps (…) ». Est-ce une manière d’exprimer que le temps qui passe est libérateur ?

Patrick Modiano — Oui, le temps qui passe est libérateur, surtout quand il s’agit de personnes qui provoquaient chez vous une angoisse ou un tourment, du temps de votre enfance ou de votre adolescence — ce sont des âges où l’on est prisonnier de tout. Avec le temps, ces personnes n’ont plus de pouvoir sur vous et vous paraissent « dérisoires », et parfois pitoyables.

Berlin tient ici une place importante, à deux périodes essentielles du destin de la ville : sa destruction et sa réunification. Diriez-vous que, débarrassé du passé, on « respire » mieux dans une ville reconstruite ?

Patrick Modiano — Dans L’Horizon, le narrateur remarque au sujet de Berlin : « Cette ville a mon âge » parce qu’il est né en 1945, comme moi. J’ai donc toujours eu l’impression que ma naissance était liée à la guerre et que j’étais né parmi les ruines. De sorte que Berlin est la ville la plus symbolique de notre génération : reconstruite peu à peu depuis soixante-cinq ans — et réunifiée — mais portant encore les traces du passé « originel ».

Le narrateur retrouve grâce à Internet deux personnages importants perdus de vue depuis des décennies. Considérez-vous Internet comme un outil pour faire ressurgir le passé ?

Patrick Modiano — L’Internet est sans doute un outil précieux, pour retrouver des liens évanouis ou comme machine à faire ressurgir les fantômes. Mais souvent, il n’est d’aucune utilité car les « fantômes » ne se laissent pas aussi facilement débusquer.

La machine à écrire de Simone Courtois, la dactylo professionnelle, semble normale mais imprime des « signes curieux » qui altèrent subtilement le texte sans le rendre illisible. Ce léger décalage est-il une clé de votre imaginaire ?

Patrick Modiano — Pas seulement la clé de mon imaginaire et de mon approche de l’écriture. Ce léger décalage ou « déphasage » est celui de tous les romanciers.

L'Horizon de Patrick Modiano
Collection Blanche
A12847 - ISBN : 9782070128471
176 pages
16,50 euros

Publié le 08/03/2010 à 10:04 | Lu 6361 fois