Je suis parkinsonien… et alors ?

Le laboratoire Boehringer Ingelheim France a présenté les dernières avancées sur le traitement de la maladie de Parkinson par les agonistes dopaminergiques à libération prolongée. Retour sur cette annonce avec les interventions de deux spécialistes médecins, le docteur Stéphane Thobois neurologue à Lyon et le docteur Thierry Hergueta psychologue à Paris.


Je suis parkinsonien… en 2010


« Lorsque le neurologue m’a annoncé le diagnostic de la maladie de Parkinson, alors que je n’avais que 38 ans, ça a été un véritable choc. Pour moi, cette maladie ne touchait que les personnes âgées et engendrait des tremblements. Je n’en ai parlé qu’à mon épouse qui a totalement refusé cette vérité. Il m’a fallu cinq ans pour vraiment accepter ma maladie. C’était il y a un an et ma vie a complètement changé : j’ai une nouvelle compagne avec laquelle je fais beaucoup de projets, je suis plus investi dans ma vie professionnelle et j’espère pouvoir travailler le plus longtemps possible. Même si j’ai parfois l’impression d’être immobile dans un monde qui bouge trop vite autour de moi, j’essaie toujours de suivre le rythme, de rester dans le mouvement, d’être dans la « vraie vie » grâce notamment à mon entourage, mon travail, Internet… ». Grégory, 44 ans, patient parkinsonien.

Maladie de Parkinson : des traitements qui facilitent la vie

D’après l’interview du Dr Stéphane Thobois, médecin neurologue à l’hôpital Neurologique de Lyon

Il est difficile d’estimer exactement le nombre de personnes atteintes par la maladie de Parkinson car le diagnostic n’est pas toujours posé formellement. On estime que 100.000 à 150.000 patients vivent avec la maladie de Parkinson en France. Si les traitements ne permettent toujours pas de guérir ou stopper la maladie, ils ont toutefois permis d’améliorer de façon importante la vie des patients ces dernières années en traitant les symptômes.

Une maladie qui s’installe progressivement

La maladie de Parkinson est une pathologie neuro-dégénérative qui se développe progressivement, lentement, et qui se caractérise par des troubles moteurs tels que les tremblements, un ralentissement de la gestuelle, une raideur ou rigidité musculaire.

Environ 10% des cas de maladie de Parkinson sont liés à une mutation d’un gène, toutefois la maladie de Parkinson n’est pas une maladie génétique, même s’il existe des familles dans lesquelles le nombre de cas est augmenté. Il n’y pas de cause particulière identifiée comme facteur déclencheur de la maladie, mais plusieurs facteurs environnementaux sont connus pour favoriser le développement de la maladie (comme l’exposition à des pesticides et insecticides) ou la retarder (comme la nicotine).

Au début de la maladie, les symptômes peuvent être insidieux et trompeurs car ils ne sont pas toujours visibles. Le patient peut ressentir principalement des douleurs qu’il peut attribuer à des troubles articulaires. Toutefois assez rapidement les signes de la maladie qui apparaissent sont visibles, notamment pour l’entourage proche du patient. Le tremblement de repos est le plus caractéristique, mais il n’apparait pas chez tous les patients. Et inversement, tout tremblement ne signifie pas forcément maladie de Parkinson. Il est donc important de ne pas stigmatiser ces tremblements.

Le diagnostic, un moment crucial pour le patient et le médecin

Le diagnostic de la maladie repose essentiellement sur l’examen clinique réalisé par le neurologue. Dans la majorité des cas, la première consultation vient d’une gêne dans la gestuelle quotidienne, par exemple des difficultés pour s’habiller. Lorsque les symptômes ne sont pas encore apparents, il est parfois difficile d’établir formellement un diagnostic. Il est alors nécessaire de revoir le patient plus tard afin de voir si les symptômes s’accentuent ou pas, ce « retard » de diagnostic n’ayant pas de conséquence sur la maladie et son évolution.

L’annonce du diagnostic est l’occasion de créer un partenariat durable entre le patient et le médecin, c’est un moment important qui conditionne la future prise en charge de façon cruciale. Il est important que le médecin prenne le temps d’expliquer au patient la maladie, les conséquences qu’elle aura sur sa vie et lesquelles, mais aussi qu’il est tout à fait possible de vivre avec, travailler avec, de continuer à avoir une vie active… le tout avec le suivi et le soutien du neurologue et de l’entourage.

Le pic d’apparition de la maladie concerne des personnes d’environ 60 ans, un âge où les personnes sont encore souvent dans la vie active, mènent une vie familiale et sociale riche. De plus, environ un quart des patients diagnostiqués ont entre 30 et 50 ans lors de l’apparition de la maladie. Il existe même des formes génétiques dites « juvéniles », qui restent exceptionnelles, dans lesquelles la maladie se déclare alors que le patient a moins de 20 ans.

Chez tous les patients, en particulier les plus jeunes, il est important de continuer à vivre le plus normalement possible, même après le diagnostic. La maladie de Parkinson est une maladie chronique comme il y en a beaucoup d’autres, même si elles ne sont évidemment pas équivalentes en termes de handicap, mais il faut vivre avec, comme un diabétique doit vivre avec son diabète. Si on accepte sa maladie et que l’on est bien suivi, il est possible de vivre correctement avec un Parkinson pendant des années.

Une prise en charge multidisciplinaire

La prise en charge de la maladie de Parkinson est nécessairement multidisciplinaire. Elle est d’une part médicale, et repose sur le neurologue qui pose le diagnostic et établit le traitement, mais aussi sur le médecin généraliste qui peut intervenir dans le suivi du patient et de son traitement. La prise en charge est également paramédicale avec le kinésithérapeute qui peut intervenir une ou deux fois par semaine auprès du patient afin de favoriser la motricité, l’équilibre, aider à diminuer la raideur musculaire.

Lorsque la maladie évolue, le patient peut avoir des difficultés à articuler ou à déglutir. Dans ce cas, un orthophoniste peut accompagner le malade pour l’aider à améliorer ces fonctions. Enfin, le patient intervient beaucoup lui-même dans sa prise en charge, en continuant à pratiquer une activité sportive, en menant une vie de famille, une vie sociale, professionnelle… Tout cela participe à son bon équilibre psychique.

Des traitements qui s’adaptent

On ne sait ni guérir, ni stopper l’évolution de la maladie pour l’instant. Cependant le développement de la prise en charge du patient Parkinsonien a permis d’améliorer la qualité de vie des patients et un allongement de la durée de vie. Les traitements médicamenteux de la maladie de Parkinson visent à corriger de façon biochimique le manque en dopamine dans le cerveau du patient. C’est cette correction qui permet de rétablir un fonctionnement normal du cerveau et ainsi d’améliorer les symptômes et atténuer les troubles moteurs du patient.

Au début de la maladie, le traitement du patient est relativement facile à adapter et consiste en général en une à trois prises de médicament par jour. En revanche lorsque la maladie évolue, le patient connaît des phases de fluctuations dans la journée et le traitement doit s’adapter à ces phases. Il doit alors prendre de multiples médicaments dans la journée avec une régularité qui est importante pour stabiliser le patient.

Il existe malgré tout des effets secondaires parfois importants, notamment le syndrome de dysrégulation dopaminergique dans le cas des agonistes dopaminergiques et de la levodopa. Ce syndrome, qui reste relativement peu fréquent, provoque chez le patient un trouble du contrôle des impulsions qui nécessite une bonne information préalable du patient et de son entourage par le médecin. En fonction de l’apparition de ces effets, le traitement doit être adapté, voir arrêté et modifié par le neurologue.

Parmi les nouveautés réalisées dans la prise en charge des malades, l’arrivée des formes à libération prolongée (LP), telles que Sifrol comprimés à Libération Prolongée, dans la classe des agonistes dopaminergiques, constitue une nouvelle prise en charge pour les patients. En effet, ce type de médicament à libération prolongée permet au patient une facilité au quotidien puisqu’il n’a plus qu’une prise de médicament en 24h avec un niveau d’efficacité comparable aux formes à libérations immédiates. Le patient peut ainsi mener des journées « normales » en oubliant un peu pour quelques
heures son traitement, donc sa maladie.

Un parkinsonien au ralenti, une société en accéléré : comment garder le rythme ?

D’après l’interview du docteur Thierry Hergueta, psychologue clinicien à la Pitié Salpétrière, Paris et à la Fédération des maladies du système nerveux

Le malade parkinsonien doit apprendre, aujourd’hui, à évoluer dans une société toujours plus précipitée et ce, malgré des blocages physiques et psychologiques qui le ralentissent considérablement. Le Docteur Hergueta, explique en quatre points dans quelles mesures le patient peut limiter ce décalage.

La vie au ralenti

Les symptômes de la maladie ne sont pas toujours visibles mais multiples. Nous avons toujours l’image d’un malade qui a tendance à trembler –ce qui est parfois pris pour de l’alcoolisme- or ce symptôme ne se manifeste que chez un tiers des patients. Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, la maladie de Parkinson n’est pas uniquement une maladie de personne âgée. Beaucoup de parkinsoniens ont moins de 60 ans.

Tous ces à priori sont donc à combattre. Il faut s’informer sur la maladie afin de mieux réagir et de comprendre ses véritables symptômes. Le handicap majeur est certainement le ralentissement : ralentissement dans les gestes, dans la réflexion. Par exemple, au quotidien, le malade prend plus de temps pour sortir de l’argent à la caisse, marche plus lentement dans le métro…, un certain nombre de signes souvent mal perçus et difficiles à vivre aussi bien par le patient que par ses proches, surtout lorsque le patient a 40 ou 50 ans.

Du fait de ce ralentissement, le malade a des difficultés à se mettre au diapason du rythme des autres, particulièrement lorsqu’il y a beaucoup de monde autour de lui. Cette maladie est également compliquée à cerner à cause des phases de fluctuations, nommées « phases on/off » : un patient peut être capable de faire une action (changer une ampoule, monter sur un escabeau…) le matin et l’après-midi, ne même pas pouvoir aller chercher un verre d’eau. Cela reste encore un mystère.

Pour y remédier, le malade doit donc tenter de s’organiser en fonction de ces variations. Ces oscillations, comme pour toutes les maladies neurologiques, entraînent une grande fatigue, particulièrement marquée en fin de journée.

Savoir accepter cet état de fait

L’acceptation de la maladie par le patient dépend de sa personnalité ; il n’y a pas de facteur psychologique à l’arrivée d’une maladie de Parkinson. Le malade prend conscience petit à petit de sa maladie et de ses handicaps, notamment dans ses relations avec les autres. Lors de conversations croisées, au milieu de la foule, il peut se sentir moins compétent et avoir tendance à s’isoler.

C’est également le cas dans sa vie professionnelle : se sentant moins performant, il peut avoir tendance à se mettre en retrait pour ne pas être confronté à des difficultés. Il cherche aussi souvent à cacher ses symptômes à ses proches afin de les protéger, de ne pas les inquiéter. Ses proches imaginent alors souvent qu’il simule. Il est donc important pour le malade de savoir expliquer sa maladie aux autres.

Bien sûr les attitudes sont différentes d’un patient à l’autre : certains vont avoir tendance à se battre, d’autres à déprimer. Certains vont le vivre de manière assez sereine et d’autres de façon beaucoup plus douloureuse. Il faut alors lutter contre l’anxiété du malade qui sera particulièrement sensible à ses symptômes. Il faut souvent une petite année pour que le parkinsonien arrive à faire face à ses nouvelles difficultés. Puis, les médicaments sont prescrits, le kinésithérapeute, l’orthophoniste, le psychologue font leur apparition et la vie reprend son cours.

Pendant des années, le patient vivra avec sa maladie

Le parkinsonien doit apprendre à accepter sa maladie ; accepter qu’il ne peut plus vivre totalement au même rythme qu’avant. C’est cet apprentissage qui lui permet de mieux vivre au quotidien en ayant conscience de ses moments de fatigue, en s’aménageant des temps de repos et en communiquant avec son entourage personnel et professionnel.

S’appuyer sur son entourage familial et professionnel

Les proches, la famille le plus souvent, vont servir de moteur. Ce travail de motivation est très important. Dans cette maladie, il y a une réelle difficulté d’initiative. Le patient souhaite faire quelque chose mais a du mal à initier l’action. C’est alors que les proches peuvent agir et aider le malade, par exemple, en organisant des dîners, en prévoyant des sorties, en l’aidant à continuer à faire du sport…

Mais, à l’inverse, comme un coach à un jeune sportif, les proches doivent aider le malade à doser ses efforts : lorsqu’il est en pleine action, le patient ne souhaite pas s’arrêter, en profite pour en faire plus. Or pour éviter le surmenage et une fatigue trop invalidante par la suite, il doit se reposer ; ses proches doivent alors être présents pour veiller à ces temps de repos.

Par ailleurs, le principal problème auquel on peut se heurter est lorsque, dans un couple, le décisionnaire était le malade : le conjoint doit alors prendre l’habitude de devenir moteur. Le patient doit donc garder un maximum d’activités.

Les aides extérieures sont alors indispensables -prise en charge psychologique et motrice…- et doivent intervenir souvent quotidiennement, et encore plus particulièrement le matin au moment de « se mettre en route ». Une éventuelle dépression est aussi à diagnostiquer rapidement : en traitant la dépression, le ralentissement est également diminué.

Au niveau professionnel, lorsque le patient arrive à communiquer avec ses collègues sur sa maladie, on peut voir qu’il y a souvent beaucoup de solidarité et compréhension. Il existe de magnifiques histoires de suivi, d’adaptation du temps de travail, et de certaines activités qui peuvent être réalisées depuis le domicile… Cependant, même si l’intégration du malade est mieux acceptée depuis quelques années, elle n’est pas encore optimum.

Continuer à vivre comme avant

La prise en charge de la maladie de Parkinson a fait d’énormes progrès tant sur le plan médical, chirurgical que paramédical. La maladie est mieux connue, les aidants (souvent le conjoint) sont mieux préparés. Toutes les recherches menées sur Parkinson tendent à donner une nouvelle image de la maladie : il est possible de travailler, de voyager, de conserver un certain confort de vie. Aucune contre-indication n’est recensée ! Tous les praticiens font en sorte que le malade puisse vivre normalement le plus longtemps possible, dans un certain confort.

Cependant, comment faire et « garder le rythme » dans notre monde actuel qui prône le « toujours plus vite » ? Outre tous les aspects déjà évoqués, la solution est aussi d’être traité le mieux possible, de réduire le nombre de prises (souvent toutes les 3/4h), de diminuer les effets secondaires en étant couvert par le traitement toute la journée et oublier qu’on est malade pour mieux s’intégrer dans la vie quotidienne.

Accepter d’avoir la maladie de Parkinson et changer son rythme de vie, s’informer sur sa pathologie et savoir l’expliquer aux autres, être soutenu par sa famille et travailler le plus longtemps possible, être suivi médicalement régulièrement et faire un peu de sport… : autant de conditions pour continuer à vivre le plus normalement possible dans son environnement habituel…

Publié le 21/10/2010 à 03:09 | Lu 4258 fois