Insanité d’esprit : le point avec le cabinet Picovschi

L’article 893 du Code civil définit la libéralité comme « l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. » Cette transmission peut s’opérer avant le décès (donation) ou après (testament). L’article 901 du Code civil exige d’être sain d’esprit pour reconnaître la validité d’un acte.





Si cette condition n’est pas remplie, il est possible de demander l’annulation de la libéralité.
 
Qui peut agir et comment ? Ce sont uniquement la victime ou ses héritiers qui sont en droit d’agir.
 
Toute la difficulté réside dans la démonstration de la preuve de l’insanité d’esprit au moment de la rédaction de la libéralité par le défunt, appréciée souverainement par le juge dans toutes procédures.
 
La difficulté de la preuve de l’insanité d’esprit

Les tribunaux définissent régulièrement l’insanité d’esprit comme « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant a été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée ». Ainsi, si une personne ne dispose pas d’un discernement et d’une volonté suffisante ou est privée de toute lucidité au moment de la rédaction de la libéralité, cette dernière peut être annulée.
 
C’est au juge d’apprécier les circonstances dans lesquelles la libéralité a été réalisée et de constater l’insanité d’esprit, grâce aux éléments de preuve présentés. La difficulté, pour l’acteur, réside dans le fait qu’il faut démontrer l’existence d’un trouble mental au moment précis de la réalisation de l’acte. Les juges apprécient strictement cette condition, ce que l’on peut constater dans la décision de la Cour d’Appel d’Agen du 25 mars 2008 : « les documents versés au débat ne sont pas suffisants pour confirmer l’état d’insanité d’esprit (du défunt) au moment de la confection du testament (…) ; Les praticiens qui l’ont examinée à différentes époques n’ont pas évoqué chez [le défunt] l’existence d’une affection mentale ayant aboli son discernement. »
 
Les juges s’appuient sur un faisceau d’indices pour constater l’insanité d’esprit : des témoignages, des dossiers médicaux qui peuvent être demandés aux hôpitaux et au médecin traitant, des lettres incohérentes, des troubles dans l’écriture, des fautes d’orthographe, de syntaxe, etc. Les articles L1111-18 et L1110-4 du Code de la santé publique autorisent les ayants droit du défunt à accéder à son dossier médical « dans la mesure où (il leur est nécessaire) pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits ».
 
La procédure devant les tribunaux

Les héritiers réservataires et les légataires universels peuvent agir devant le tribunal de grande instance (en principe celui du dernier domicile du défunt), soit en nullité, soit en réduction d’une libéralité, pour cause d’insanité d’esprit.
 
À la lecture de l’article 901 du Code civil, c’est à ceux qui agissent en nullité de prouver l’insanité d’esprit. Si du vivant de l’auteur, l’action en nullité lui appartient, à son décès la Cour de cassation, dans une décision du 17 février 2010, a réaffirmé le principe selon lequel ce sont uniquement les héritiers légaux ou les légataires recevant la totalité des biens qui peuvent demander la nullité pour insanité d’esprit. Les légataires particuliers qui ne perçoivent qu’une part des biens ne peuvent agir.
 
La présence d’un avocat est obligatoire pour intenter une action devant les tribunaux. L’action en nullité requiert les compétences d’un professionnel expert tant pour apprécier les conditions de l’action, qui peut être enfermée dans une prescription variable selon les cas d’espèce, que pour présenter juridiquement les éléments de preuve des acteurs. 
 
L’action en réduction est quant à elle ouverte uniquement aux héritiers réservataires ayant accepté la succession, qui auraient reçu moins que la part qui leur revient de droit (atteinte à leur réserve). Les legs comme les donations sont susceptibles d’être réduits, à partir du moment où la somme des libéralités outrepasse la quotité disponible. Des dispositions du Code civil réduisent les délais de l’action. Cette dernière se prescrit en principe sous cinq ans, mais le point de départ peut être variable selon les circonstances de l’affaire.
 
Les héritiers réservataires peuvent intenter les deux actions dans une même procédure, en agissant dans un premier temps, à titre principal, en annulation, puis dans un deuxième temps, à titre subsidiaire, en réduction dans le cas où la libéralité excède la quotité disponible. La présence d’un avocat s’avère obligatoire pour ce genre de contentieux complexe.

Amélie Jourdan, Juriste 
Sous la direction de Maître Jacques Kaplan, Avocat

Avocats Picovschi

www.avocats-picovschi.com
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Article publié le 07/03/2014 à 09:44 | Lu 3432 fois


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