Financement de la « grande fragilité » : quelle place pour le privé ?, Chronique par Serge Guérin

Lors de ma chronique précédente, j’ai évoqué la place possible du privé dans le financement de l’aide aux personnes âgées les plus fragiles. En effet, il me semble plus que probable que dans les années à venir, le pays s’orientera vers une prise en charge collective de la grande fragilité. Et cela risque de se faire sous condition de ressources pour limiter les engagements.


Dans cette optique, l’impact de l’assurance privée devrait croître. Pour l’instant, il est encore difficile de prendre du recul, car si des produits d’assurance dépendance ont été créés depuis plus de quinze ans, les assureurs versent aujourd’hui moins de 10.000 rentes. Pourtant 2,5 à 3 millions de personnes sont, d’une façon ou d’une autre, déjà couvertes.

Difficile aussi d’imaginer de souscrire une assurance grand vieillissement à vingt ou trente ans… Un pays de vieux, ce n’est pas un pays où les gens vivent longtemps, mais un pays où même les jeunes doivent penser au grand âge !

En revanche, dès la quarantaine, la question pourra se poser en particulier dans les classes moyennes. Il faudra aussi que l’assurance proposée couvre l’ensemble des risques de fragilité et puisse comporter des prestations en nature. Ce n’est pas nécessairement de l’argent qui est attendu, mais plutôt un sentiment de sécurité, la possibilité pratique de pouvoir continuer de vivre chez soi ou d’être assuré de trouver une place dans une résidence d’accueil. .../...
Financement de la « grande fragilité » : quelle place pour le privé ?, Chronique par Serge Guérin

Une sorte de label devrait être créé concernant ces produits d’épargne pour garantir aux personnes souhaitant s’assurer une sécurité minimale. Il faut aussi que les critères d’attribution soient compréhensibles par tous, et soient particulièrement adaptés aux situations des personnes.

Les assureurs n’échapperont pas à la création d’un système de médiateurs, sortes de tiers de confiance qui permettront aux clients de faire valoir la dimension qualitative de leur demande. L’analyse de la fragilité ne peut se résumer, en effet, à l’application stricte de grilles standardisées. C’est ce qui se fait aujourd’hui, mais ce n’est pas satisfaisant. Le besoin de souplesse restant central, des produits d’assurance classiques avec une option « fragilité » devraient à terme, se développer.

Enfin, la demande sociale va s’orienter vers la transformation d’une partie de l’Assurance Vie, qui est majoritairement détenue par les plus de 55 ans, en rente fragilité. Il faut se souvenir que l’assurance vie représente un volume de plus de 1.100 milliards d’euros et que, chaque année, les Français placent une quinzaine de milliards supplémentaires. Les assureurs auraient tout intérêt à développer des offres souples et évolutives !

La mise en place du risque de grande fragilité est attendue depuis plus d’une décennie, elle sera la marque sociale des prochaines années.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon

Publié le 02/06/2008 à 10:01 | Lu 5144 fois