Financement de la « grande fragilité » : quel partage des rôles ?, Chronique par Serge Guérin

Pour faire suite à la chronique précédente sur le financement des moyens d’assurer l’autonomie des personnes âgées fragilisées, je crois qu’il faut également préciser le partage des responsabilités. S’il faut confier à la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), qui a déjà la responsabilité du financement des prestations handicap et grand âge, la collecte et la gestion des fonds et la garantie d’un traitement équitable sur l’ensemble du territoire… Ce rôle ne peut être assuré sans une délégation de responsabilité décentralisée.


La question du partage des responsabilités entre la région et le département se pose à nouveau en sachant que les conseils généraux sont les gestionnaires de l’APA. Il convient surtout de définir un niveau de proximité efficient pour évaluer, organiser et coordonner l’ensemble des aides et des soutiens. Cette délégation de responsabilité impose aussi un niveau de compétence minimale et un cadre méthodologique qui puisse englober l’ensemble des caractéristiques de la personne.

Il me semble que les CLIC peuvent constituer la matrice de cette coordination de proximité nécessaire à la bonne répartition des moyens. Mais cela impose une professionnalisation croissante et un effort de recrutement de professionnels, la présence de personnes sources, de liens avec les acteurs présents sur le territoire comme les maisons de retraite, et d’un médecin traitant formé aux problématiques de la gérontologie. Sans doute aussi, faudrait-il revoir la carte des CLIC pour éviter la tendance naturelle à l’éparpillement des structures plutôt destiné à répondre à la demande d’élus qu’aux attentes des populations...

La création du cinquième risque pose aussi la question des ressources. Aujourd’hui, les principaux contributeurs de la CNSA sont les caisses d'assurance maladie (pour 12 milliards d’euros), les fonds débloqués par la « journée de solidarité » (deux milliards d’euros), la CSG (un milliard d’euros) ou encore des caisses d'assurance vieillesse. Mais demain ? .../...
Financement de la « grande fragilité » : quel partage des rôles ?, Chronique par Serge Guérin

De nouvelles sources de financement seront nécessaires et des choix sont possibles. Le gouvernement a opté pour l’augmentation des franchises sur la consommation médicale (2 euros sur les transports sanitaires, de 0,5 euro par boîte de médicament et par acte médical) pour financer son Plan Alzheimer et le Plan Cancer.

Les franchises permettent la prise de conscience du coût des prestations médicales mais fonctionnent aussi comme une « double peine », puisque à la maladie, s’ajoute une baisse du pouvoir d’achat. En Suisse ou aux Pays-Bas, une franchise annuelle a été mise en place. Système plus simple et centré sur les soins de ville et les petits risques, dont les dérives sont les plus fortes et les moins justifiées.

D’autres solutions sont possibles, comme la responsabilisation des médecins qui sont, d’un certain point de vue, les premiers bénéficiaires du vieillissement de la population. La gérontologie devrait d’ailleurs être intégrée dans le cursus général et développée en formation continue.

Par ailleurs, il y a quelque chose de dramatique à ce que le gouvernement ait reculé à la première manifestation des internes dans son projet d’encadrer l’établissement des nouveaux médecins. Comme les enseignants, les jeunes médecins devraient s’installer prioritairement là où les besoins existent, où des populations âgées doivent être prises en charge, dès lors que leurs revenus viennent directement de la collectivité. C’est une question d’équité permet de rappeler que toutes les catégories sociales doivent participer à l’effort collectif. La constitution de filière favorisant la complémentarité entre les différents niveaux d’accompagnement et de soins pourrait aussi optimiser les coûts et améliorer les prestations.

Serge Guérin
Professeur à l'ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon

Publié le 19/05/2008 à 09:48 | Lu 5201 fois