Étude Mimosa : l’immunothérapie pour prévenir les récidives de cancer de l'ovaire

La France vient de rejoindre l’étude internationale MIMOSA qui vise à tester l’efficacité du premier vaccin dans la récidive du cancer de l’ovaire. Explications du professeur Eric Pujade-Lauraine, professeur en oncologie médicale et chef du service d’oncologie médicale de l’Hôtel-Dieu à Paris.





D’après un entretien avec le Professeur Eric Pujade-Lauraine

À la suite du traitement chirurgical et de la chimiothérapie, environ 75% à 85% des patientes de stade précoce ne rechuteront pas après un suivi de cinq ans. Et celles qui souffrent d’un stade tardif vont être mises en rémission complète dans 80% des cas : l’examen clinique est normal, l’imagerie est normale et le marqueur CA125 est à un taux normal… Pourtant, malgré ce taux satisfaisant de réussite, les trois-quarts d’entre elles vont rechuter en moyenne au bout de 16 à 18 mois. Et seules 25% des patientes vont rester en rémission à cinq ans.

« Le traitement de la rechute a beaucoup progressé », précise le professeur Pujade-Lauraine. « Néanmoins, la médiane de durée de vie ne dépasse pas trois à quatre ans, ce qui est particulièrement décevant, notamment en comparaison avec le pourcentage de patientes en rémission initialement ».

Tous les essais réalisés depuis des années avec les traitements traditionnels, en vue d’améliorer ce taux de rechute, se sont soldés par des échecs. La prolongation de la chimiothérapie au-delà des six cycles standard, la chimiothérapie intensive avec autogreffe de moelle, la radiothérapie n’ont pas permis d’obtenir davantage de guérison. C’est pour cela que d’autres options sont aujourd’hui envisagées et l’une d’elles (l’immunothérapie) est explorée au travers de l’étude Mimosa.

Une voie thérapeutique originale : l’immunothérapie

La molécule CA125 est un antigène présent habituellement en petite quantité dans l’épithélium. Sa présence en grande quantité dans 80% des cancers de l’ovaire, dans le sang circulant, en a fait jusque-là un marqueur tumoral intéressant : son dosage est une indication du développement tumoral, utilisé pour poser le diagnostic de cancer de l’ovaire ou suivre les traitements. Mais c’est la présence à haute densité du CA125 à la surface des cellules tumorales qui est exploitée dans la stratégie immunothérapeutique. La première approche testée a été de fabriquer un anticorps dirigé contre cet antigène. Plusieurs études réalisées avec cet anticorps anti-CA125 n’ont pas pu montrer de bénéfice en matière de contrôle tumoral. Ce qui suggère que cet anticorps est incapable d’induire la destruction des cellules tumorales cibles.

« L’approche de l’Abagovomab se différencie de cette première stratégie par une subtilité », explique avec enthousiasme le Professeur Pujade-Lauraine. « Il s’agit d’un anticorps anti-idiotypique, conçu pour induire une réaction immunitaire de la patiente elle-même contre le CA125. Normalement, cette molécule étant une molécule du soi, elle n’est pas reconnue comme étrangère par le système immunitaire. Ceci est d’autant plus vrai que, même présente en quantités importantes lors des stades avancés de cancer de l’ovaire, cette molécule a la propriété intrinsèque de n’être que très faiblement immunogénique. De ce fait, elle n’induit spontanément que de très faibles réactions immunitaires. Mobiliser le système immunitaire de la patiente contre le CA125 constituait donc un véritable défi scientifique. L’objectif était de contourner la tolérance vis-à-vis de cet antigène. L’astuce a consisté à concevoir un antigène ‘CA125-like’, très similaire à l’antigène natif présent sur les cellules tumorales, mais qui en diffère légèrement de manière à pouvoir induire une réponse immunitaire ».

L’activité et la bonne tolérance de l’Abagovomab (nom de ce traitement immunothérapeutiique) ont été montrées au cours de différents essais cliniques. Le Professeur Pujade-Lauraine fait néanmoins remarquer que ces résultats préliminaires ne prouvent pas que la réaction immunitaire a permis l’éradication des cellules tumorales. « Ces observations étaient néanmoins très encourageantes et permettaient de confronter le modèle théorique à l’expérimentation en mettant en évidence la production d’anticorps par les patientes. En outre, ces études ont également permis d’affiner le protocole d’injection. Il a ainsi été montré qu’une administration prolongée en sous-cutanée présentait la plus grande efficacité ».

L’étude Mimosa

Cette étude (mise en place par le laboratoire pharmaceutique italien Menarini international) était très attendue au sein des réseaux de recherche sur le cancer de l’ovaire. Il s’agit en effet de la première étude de phase III d’une telle envergure, internationale, multicentrique, randomisée, en double aveugle, contre placebo, destinée à tester l’Abagovomab en thérapie de consolidation chez des femmes avec un cancer de l’ovaire et ayant complètement répondu à la chimiothérapie de première ligne.

Débuté en 2006, le recrutement des patientes dans 151 centres de neuf pays a été clos fin 2008. Au total, ce sont 870 patientes qui ont été admises dans l’étude au cours de ces deux ans. « Ceci est remarquable », souligne le Professeur Pujade-Lauraine. « D’une part parce qu’il s’agit, rappelons-le, d’une tumeur relativement rare ; d’autre part, parce qu’il est difficile de recruter les patients avec des pathologies aussi lourdes, mettant en jeu leur pronostic vital, dans des études contre placebo. Chacun évidemment souhaite accéder au traitement même si, ici, la randomisation donnait accès dans deux cas sur trois à l’injection d’Abagovomab. L’adhésion des patientes, leur courage dans l’acceptation de l’aléa, montre parfaitement qu’elles ont saisi les enjeux de cette étude et mettent en lumière l’adéquation de l’étude avec la réalité de la pathologie. »

Les patients sont traités par injection sous-cutanée entre 21 et 45 mois, avec une phase d’induction comportant quatre injections à deux semaines d’écart et une phase d’entretien, au cours de laquelle une injection mensuelle est effectuée. L’objectif principal de l’étude est la mesure de la survie à long terme sans récidive. Les critères secondaires sont la survie globale (mesurée jusqu’à 5 ans après le critère primaire), l’innocuité du traitement et la durée de la réponse immune.

Ainsi, les résultats de l’objectif principal (effet sur la rechute) seront obtenus en décembre 2010. Et l’ensemble des résultats sera connus en 2015. En guise de conclusion, le professeur Pujade-Lauraine souligne que « la communauté médicale, notamment les oncologues, fonde beaucoup d’espoirs sur l’immunothérapie. Elle espère que ce sera, enfin, un traitement qui permettra de prévenir les récidives trop souvent fatales dans le cancer de l’ovaire. Si l’Abagovomab répond à ces attentes, les patientes pourraient bénéficier pleinement des avancées thérapeutiques de première intention dans cette pathologie et voir leur espérance de survie considérablement augmentée dans les années à venir ».

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Article publié le 21/01/2009 à 14:21 | Lu 10346 fois